Images de page
PDF
ePub

Enfin, de quelque manière qu'on doive interpréter ce passage, on voit que Boileau, pour un jeu de scène, qui passe à la vérité les bornes voulues de la plaisanterie, a trouvé mille défauts qui se sont jusqu'à ce jour cachés à tous les yeux. Mais ce qu'on n'a pas encore remarqué, que nous sachions, c'est que ce critique, en relevant une inconvenance dans les œuvres de son ami et en leur prêtant d'innombrables imperfections, ajoute encore que sans ces imperfections, sans cette inconvenance, il eût PEUT-ÊTRE remporté le prix de son art... Le peut-être ne compromet-il pas beaucoup le goût du censeur qui craint tant de se compromettre? Non; il ne faut pas attacher à ce mot plus d'importance qu'il n'en mérite. Ce n'est pas la raison, ce n'est pas la justesse de l'idée qui l'ont fait entrer dans cette phrase; c'est le seul besoin du vers : mais il faut avouer que jamais cheville n'a plus malheureusement dénaturé la pensée du versificateur qui l'a appelée à son secours.

On doit regretter que cet arrêt ait été porté contre Molière, quand ses restes étaient à peine refroidis. Boileau, il est vrai, dans son épître adressée, en 1677, à Racine', n'affaiblit par aucune censure les éloges qu'il accorda aux chefs

1. Épître VII.

d'œuvre de son ami. Mais des éloges généraux ne pouvaient détruire l'effet de critiques particulières; la plus belle réparation que Boileau ait faite de ce qu'on nous permettra d'appeler ses torts, est dans sa réponse à Louis XIV lui demandant quel était le plus grand écrivain de son siècle. «Sire, c'est Molière.—Je ne le croyais » pas, répondit le Roi; mais vous vous y connais» sez mieux que moi'. » La réponse de Boileau l'honore; celle de Louis XIV le fait aimer.

Nous n'ajouterons rien à ce noble aveu d'un rival: il parle plus haut que toutes les déclamations. Nous nous bornerons, en terminant cet essai, à faire remarquer l'influence sur son siècle de cet écrivain qui renversa le faux goût avant les Satires; posa les règles de la comédie avant l'Art poétique; le ramena à son véritable genre, l'imitation de la société ; découvrit son véritable but, la critique de nos ridicules et le châtiment de nos vices. Si des travers nouveaux succédèrent à ceux qu'il avait censurés, ce n'est point à lui, c'est au cœur humain qu'il faut s'en prendre. On a comparé av ec raison les ridicules aux modes: on ne s'en corrige pas, on en change; quant au vice,

1. Mémoires sur la vie de J. Racine (par L. Racine), Lausanne, 1747, p. 122.

le poète comique peut le stigmatiser, mais non le détruire. Il résista aux chefs-d'œuvre de Molière nous avons lieu de craindre que, comme eux, il ne vive toujours.

NOTES.

« PrécédentContinuer »