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titre, il nous paraît constant qu'il y aura eu erreur de la part de ces historiens, qui auront fait un tragique de ce romancier.

Les contemporains de notre auteur l'ont tantôt nommé Molière, tantôt de Molière. On trouve aussi l'un et l'autre sur le titre et dans les privilèges des éditions originales de ses pièces; mais dans aucune des signatures que l'on possède de lui, il n'a fait précéder son nom de la particule nobiliaire; et dans Impromptu de Versailles, il nomme sa femme Mademoiselle Molière. Il est à remarquer que dans tous les actes de l'état civil le concernant, faits pendant sa vie, qui nous sont parvenus, on ne l'a appelé que Molière simplement, et que ce n'est qu'à partir de son acte de décès qu'on l'a gratifié de la particule. Il y a même à la Bibliothèque du Roi une quittance d'arrérages de rente, donnée par sa veuve, où il est appelé Poquelin SIEUR DE Molière, désignation qui n'appartenait qu'aux gentilshommes, tout au moins écuyers, Il est évident que ces différences ne doivent s'expliquer que par la vanité de Mademoiselle Molière. La Fontaine fut mis à l'amende pour avoir également pris une qualité qui ne lui appartenait pas; mais on ne peut guère supposer au Bonhomme le même mobile qu'à la femme de son ami.

(18) Les frères Parfait disent dans leur Histoire du Théâtre-Français, tom. IV, p. 238: «Gros-Guillaume »jouait à visage découvert; et ses deux camarades » Gautier-Garguille et Turlupin toujours masqués. Il » eut la hardiesse de contrefaire un magistrat à qui

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>> une certaine grimace était familière, et il le contre>> fit trop bien; car il fut décrété, lui et ses compa» gnons. Ceux-ci prirent la fuite; mais Gros-Guil>> laume fut arrêté et mis dans un cachot : le saisisse»'ment qu'il en eut lui causa la mort; et la douleur >> que Gautier-Garguille et Turlupin en ressentirent >> les emporta aussi dans la même semaine. »>

Gautier-Garguille composa des chansons qui furent imprimées en 1634, et réimprimées en 1658. Le privilège du Roi qui les accompagne est trop curieux pour que nous ne le citions pas ici, du moins en partie: «Notre cher et bien-aimé Hugues Guéru, dit » Fléchelles, l'un de nos comédiens ordinaires, nous » a fait remontrer, qu'ayant composé un petit livre » intitulé, les nouvelles Chansons de Gautier-Garguille, >> il le désirait mettre en lumière et faire imprimer ; » mais il craint qu'autres que lui... ne le contre» fissent, et n'ajoutassent quelques chansons plus dis» solues que les siennes..... »

(19) DOMINIQUE, surnommé Arlequin, acteur de la troupe italienne, laissa son nom à son emploi. Au théâtre, et sous son masque, il savait exciter le rire des spectateurs les plus sérieux; mais, à la ville, il était mélancolique et triste. Étant allé un jour chez un fameux médecin pour le consulter sur la maladie noire dont il était attaqué, celui-ci, qui ne le connaissait pas, lui dit qu'il n'y avait d'autre remède pour lui que d'aller souvent rire aux bouffonneries d'Arlequin. «En ce cas, je suis mort, répondit le pauvre » malade; car c'est moi qui suis Arlequin. » Les Ita

liens jouaient des pièces françaises; les comédiens nationaux prétendirent qu'ils n'en avaient pas le droit. Le Roi voulut être le juge de ce différend; Baron se présenta pour défendre la prétention des comédiens français, et Arlequin vint pour soutenir celle des Italiens. Après le plaidoyer de Baron, Artequin dit au Roi : « Sire, comment parlerai-je ? » Parle comme tu voudras, répondit le Roi. Il n'en >> faut pas davantage, dit Arlequin, j'ai gagné ma cause.» On assure que cette décision, quoique obtenue par subtilité, eut son effet, et que depuis les comédiens italiens jouèrent des pièces françaises ( Histoire de Paris, par Dulaure, 1re édit., tom. IV, pag. 549.)

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Dans les mémoires de Dangeau, on lit sous la date du 2 août 1638 : « Arlequin est mort aujourd'hui à >> Paris. On dit qu'il laisse 300,000 livres de bien. >> On lui a donné tous les sacremens, parce qu'il a pro>> mis de ne plus monter sur le théâtre. » Cet Arlequin était le sieur Dominique, comédien plaisant, salé, mettant du sien sur-le-champ et avec variété, ce qu'il y avait de meilleur dans ses rôles; il était sérieux, studieux et très-instruit. Le premier président de Harlay, qui le rencontra souvent à la bibliothèque de Saint-Victor, fut si charmé de sa science et de sa modestie, qu'il l'embrassa et lui demanda son amitié. Depuis ce temps-là jusqu'à la mort de ce rare acteur, M. de Harlay le reçut toujours chez lui avec une estime et une distinction particulière; le monde qui le sut prétendait qu'Arlequin le dressait aux mines, et qu'il était plus savant que le magistrat; mais que

celui-ci était aussi bien meilleur comédien que Dominique.» (Note d'un anonyme, Nouveaux Mémoires de Dangeau, publiés par M. Lemontey.)

(20) Scaramouche. Le véritable nom de cet acteur était Tiberio Fiorelli. A son arrivée à Paris, il fut présenté à Louis XIV. Dès qu'il fut en présence du jeune prince, il laissa tomber son manteau, et parut en costume de son personnage, avec son chien, son perroquet et sa guitare; alors s'accompagnant avec cet instrument, il chanta deux couplets italiens, où son perroquet et son chien, qu'il avait dressés, firent leur partie. Cet étrange concert plut beaucoup au Roi, qui conserva pour Scaramouche une sorte d'affection. Cet acteur devint à la mode; il était trèsimmoral. Un de ses tours était de se donner un soufflet avec le pied, et il conserva cette souplesse dans l'âge le plus avancé. Il mourut en 1685 à plus de 80 ans. (Vie de Scaramouche, 1095, chap. XXIV; Histoire de Paris, par Dulaure; 1re édition, tom. IV, pag. 549; Mémoires de Dangeau, publiés par madame de Genlis, tom. 1, pag. 105.)

(21) Une déclaration du Roi, du 16 avril 1641, enregistrée au parlement le 24 du même mois, défen dait que l'état d'acteur pût être désormais imputé à blâme, et préjudiciât à la réputation de comédien dans le commerce public. (Supplément à la Vie de Molière, faisant partie de l'édition des OEuvres de Molière, avec les remarques de Bret, Paris, 1773, t. I, pag. 53.) On lit aussi dans le privilège accordé en 1672 par Louis XIV à Lulli, pour l'organisation de

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l'Académie royale de Musique, que ce théâtre est érigé « sur le pied des académies d'Italie, où les gentilshommes chantent publiquement en musique >> sans déroger : VOULONS ET NOUS PLAÎT, ajoute le Roi, >>> que tous gentilshommes et damoiselles puissent >> chanter aux dites pièces et représentations de notre » Académie royale, sans que pour ce ils soient censés déroger audit titre de poblesse, et à leurs privilèges, charges, droits et immunités. »

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(22) Grimarest substitue au maître de pension un ecclésiastique, et trouve ainsi moyen de rendre ce récit grossièrement ridicule.

Cette anecdote a fourni à MM. Deschamps, Ségur aîné et Desprez le sujet d'un vaudeville, représenté au théâtre de la rue de Chartres, en juin 1799, sous le titre de Molière à Lyon.

Grimarest semble donner à entendre que Mademoiselle Du Parc, De Brie, sa femme, et Ragueneau, père de Mademoiselle La Grange, faisaient également partie de l'Illustre théâtre. Mais l'auteur de la fameuse Comédienne, ou histoire de la Guérin, auparavant femme et veuve de Molière, page 8 de cet ouvrage, et M. Lemazurier dans sa Galerie déjà citée, s'accordent à dire que ces acteurs ne se réunirent à Molière que pendant ses voyages en province (à Lyon, comme on le verra ci-après). Cependant ces deux historiens ne sont pas d'accord pour ce qui concerne Mademoiselle Du Parc. M. Lemazurier prétend qu'elle faisait partie de la troupe de Molière lorsqu'elle quitta Paris en 1645; l'auteur de la fameuse Comédienne

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