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LE JUGE DE PAIX. Il y en a de deux sortes: les uns relatifs à la forme; les autres relatifs au fond.

Les premiers sont ceux tendant à établir, tout d'abord, et sans entrer dans la discussion du fond, que l'action ou demande est irrecevable, inadmissible, soit pour quelque vice de forme dans le procèsverbal ou dans l'exploit de citation; soit pour raison d'incompétence du tribunal devant lequel la citation est donnée; soit à raison de ce que le délai de l'action est expiré, soit à raison du défaut de pouvoir ou de qualité dans la personne qui a fait donner cette citation, etc,

Ces moyens de forme, qu'on nomme ordinairement exceptions, fins de non-recevoir, doivent toujours se proposer en première ligne, et avant d'entamer le fond.

Les moyens du fond sont ceux qui tendent à démontrer, que le particulier cité n'est pas coupable du délit à lui imputé; comme lorsqu'on dénie absolument avoir chassé, ou lorsqu'on soutient qu'il n'est pas vrai qu'on ait chassé sur le terrain d'autrui, sans la permission du propriétaire; ou, en temps prohibé, sur ses propres terres non closes; ou bien qu'il n'est pas vrai que l'on eût des armes à feu; ou qu'on eût négligé de prendre un permis.

Mais, comme vous le pensez très-bien, Messieurs, lorsque le délit dont on est inculpé est clairement. énoncé dans un procès-verbal régulier et dressé

par

un agent compétent, il ne suffit pas d'alléguer ces dénégations, ou faits justificatifs. Il faut les prouver; et c'est ici le plus difficile. Ici, il faut vous ressouvenir de ce que je vous ai dit, dans notre Conférence dernière, touchant les procès-verbaux, leur degré d'autorité, la manière dont ils peuvent être combatbattus et réfutés.

§. VII. Preuves. Procès-verbaux. Témoins.

UN PROPRIÉTAIRE. Eh bien, Monsieur, je suppose que le garde qui a surpris des braconniers sur mes terres, ait commis quelque irrégularité dans son procès-verbal, qui le rende nul: est-ce qu'il ne me restera pas quelque autre moyen de prouver le délit? Les délinquans seront-ils à l'abri de toute poursuite, parce qu'il existera un vice de forme dans le procèsverbal?

LE JUGE DE PAIX. Ce serait une grande erreur, que de le penser ainsi. Le fait de chasser sur les terres d'autrui et sans sa permission, surtout dans un temps prohibé, ou sans permis de port d'armes, est bien certainement un délit, aux termes des lois de la matière. Eh bien, d'après les art. 154 et 189 du Cod. d'inst. crim., titre des tribunaux de police, les contraventions et délits se prouvent, est-il dit, «soit par procès-verbaux, soit par témoins, à défaut de procès-verbaux ou rapports. » Alors donc qu'un

procès-verbal est nul par quelque défaut de forme, il peut y être suppléé par des déclarations de témoins, s'il s'en trouve qui soient en état de déposer pertinemment du fait.

Les tribunaux qui n'ont point admis cette preuve supplétive, quand elle a été offerte, ont toujours été censurés par la Cour suprême.

C'est ainsi que dans l'a faire du sieur Toussaint Lancien, traduit devant le tribunal corectionnel de Boulogne-sur-Mer, pour délit de chasse et de port d'armes, ce tribunal ayant rejeté le procès-verbal, comme irrégulier et nul; et sur l'appel, le ministère public ayant inutilement demandé à faire entendre des témoins pour suppléer au procès-verbal ; le jugement du tribunal de Saint-Omer a été cassé, le 17 avril 1823, par les motifs suivans: — « Vu les articles 154,189 et 211 du Cod. d'inst. crim....;- Considérant que d'après ces articles, les délits peuvent, en tout état de cause, être prouvés par témoins, à défaut ou en cas d'insuffisance des procès-verbaux, etc. (Rec. Sirey. 1813, p. 285.)

"

Dans l'affaire de Pierre Delamarche, trouvé chassant sans permis dans une forêt communale, et poursuivi par l'Administration forestière, le tribunal de Beaune ayant pensé que le procès-verbal dressé par un seul garde n'était pas suffisant faire foi entière d'un délit dont la peine se serait élevée à plus de 100 fr., avait rejeté ce procès-verbal, et renvoyé

pour

le prévenu; malgré l'offre faite par l'officier du ministère public de fournir des témoins à l'appui. En Cour d'appel, l'offre de faire entendre des témoins avait été réitérée : et, sans y avoir égard, le jugement avait été confirmé.—Le 26 janvier 1826, Cassation par le motif : « qu'à défaut de procès-verbal, la preuve des contraventions et des délits de toutes espèces, susceptibles de peines correctionnelles, peut être faite par témoins, aux termes des art. 154 et 189 du Cod. d'inst. crim. ; que si, de l'irrégularité d'un procès-verbal constatant un délit de chasse et de port d'armes, il suit qu'il y a défaut de procès-verbal, c'est alors le cas d'admettre la preuve par témoins, des faits non valablement prouvés par ledit procès-verbal, lorsque cette preuve est offerte............ » (1)

Enfin dans un Arrêt de la même Cour, encore plus récent, du 1. décembre 1828, relatif au sieur Guillaumet, je lis ce qui suit: - « Vu les art. 154, 189, 211 du Cod. d'inst. crim.; Considérant que, d'après ces articles, les délits peuvent, en tout élat de cause, être prouvés par témoins, à défaut ou en cas d'insuffisance des rapports et procès-verbaux ; que la preuve par témoins, pour établir un délit, doit donc être admise en instance d'appel, comme

-

(1) Pareille décision dans un Arrêt de cassation, du 4 février 1817, relatif au sieur Disson. Voir ci-devanꞌ, Confer, 8, §. 1, l'Arrêt relatif aux sicurs Gérard et Perrey,

et de

en instance principale, lorsqu'elle est offerte par la partie qui a le droit d'en poursuivre la réparation; sauf aux tribunaux, en jugeant le fond, d'avoir, aux dépositions des témoins produits, tel égard que de raison; Que, dans l'espèce, Louis Guillaumet a été poursuivi par le ministère public devant le tri-, bunal correctionnel de Vassy, pour délits de chasse port d'armes sans permis, dont la gendarmerie avait dressé procès-verbal; mais que ce procès-verbal ayant été déclaré insuffisant à raison de l'incohérence et de l'obscurité que présentait sa rédaction, le tribunal a, en l'absence de toute autre preuve, renvoyé le prévenu des poursuites; - Que, sur son appel devant le tribunal correctionnel de Chaumont, le ministère public a demandé que, dans le cas où ce tribunal penserait, comme celui de première instance, que le procès-verbal de la gendarmerie ne prouvait pas suffisamment les delits dont il s'agissait, il fût admis à y suppléer par la preuve par témoins; mais que, sans avoir égard à cette demande, et se fondant sur le même motif d'insuffi sance du procès-verbal, ledit tribunal a confirmé le jugement du tribunal de première instance; — Qu'en cela il a formellement violé les articles précités du Cod. d'inst. crim.; — D'après ces motifs, faisant droit au pourvoi du procureur du roi ; La Cour casse et annulle le jugement rendu, le 24 décembre 1825, par le tribunal correctionnel de Chaumont, etc. »

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