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tantôt un véritable ex-libris manuscrit :

Sumbabrielis & andai

tantôt une note indiquant dans quelle ville et en quelle année le livre a été acheté :

&m

Vendhis anno 2627
Zalol Kandoris Philidnoś

cette dernière mention figure sur beaucoup d'incunables très précieux.

Les notes bibliographiques sont moins fréquentes. Nous citerons seulement celle-ci :

de Hor Fichete Amoritiram feit

Mentro nem

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qui existe en tête de la rarissime édition de la Rhétorique de Fichet, imprimée en 1470 dans la maison de Sorbonne par Géring, Crantz et Friburger.

Une lettre sans date, trouvée par M. de Laborde 1, et qui ne peut avoir été écrite qu'à l'époque où nous sommes parvenus, nous prouve que la bibliothèque de Mazarin n'avait pas encore de catalogue.

Un sieur J. Salomon adresse la requête suivante au cardinal :

Monseigneur,

J'ai pris la liberté de luy tesmoigner la pensée que j'avois de faire avec sa permission pour le public ce qu'on m'a dit que Vostre Eminence avoit eu intention d'ordonner pour la conservation de sa bibliothèque, qui est d'en dresser un ample et exact catalogue, lequel estant imprimé empeschera sa dissipation à l'avenir.

De Votre Éminence
le très humble serviteur,

J. SALOMON.

Ce catalogue ne fut probablement pas exécuté, car nous verrons Colbert en demander un après la mort du cardinal.

Des voyageurs hollandais, qui se trouvaient à Paris en janvier 1658, racontent ainsi les impressions que leur laissa une visite à la bibliothèque de Mazarin :

« Nous fusmes voir la bibliothèque de M. le cardinal, qui est fort belle, bien qu'elle ait ressenty le malheur de la guerre civile..... Il est vray que par les soins du Sr de la Potterie, qui en est à présent bibliothéquaire, on en a recouvré une bonne partie, et il travaille encore tous les jours à la rendre plus complète. Elle est dans une grande galerie, qui a pour le moins cent cinquante pas de longueur, et qui est bien esclairée. Il nous dit qu'il y avoit plus de cent mille différens autheurs, qui sont rangés par ordre, selon leurs facultez, sur des tablettes qui sont faites

1. Le palais Mazarin, p. 259.

en forme d'armoires, soutenuës par des piliers de charpenterie, canelés et fort bien taillés. On voit à droite tous les imprimés, et à gauche quantité de manuscripts. La reyne de Suède en avoit eu une bonne partie, mais, après le retour de Son Éminence et son restablissement, elle les luy a rendus. Tous ces livres ne sont pas des mieux reliés, parce que, comme il y manque quantité de tosmes des œuvres des autheurs qui y sont, on tasche de les retrouver, pour les faire ensuite tous relier d'une mesme façon. Le dessein en est fort beau, et certainement, si l'on le poursuit, on en fera la plus belle bibliothèque de toute l'Europe 1. »

Certaines difficultés paraissent s'être élevées, à cette époque, entre le cardinal et Lapoterie. Celui-ci offrit de se retirer et l'on songea à lui donner pour successeur Ismaël Boulliau, fils de l'ami de Naudé. Il avait remplacé Dupuy comme bibliothécaire du président de Thou, qui, partant pour la Hollande en 1657, voulut l'emmener avec le titre de secrétaire d'ambassade 2. Le 7 mars 1658, de Thou écrivait de la Haye à Mazarin :

Monseigneur,

Je me trouve bien heureux d'avoir eslevé une personne dans notre maison, que Vostre Éminence aye jugé capable d'avoir la conduite et gouvernement de la plus nombreuse bibliothèque de l'Europe en toutes sortes de langues et de sciences, et que Mr Boulliau soit celuy que Vostre Éminence a honoré d'un choix si glorieux et advantageux. Et j'ose bien dire à Vostre Éminence qu'il n'y a qu'elle seule qui eust esté capable de lui faire quitter le recueil de livres qui est dans la maison de son très obéissant serviteur.

Pour la cognoissance des livres et des langues, il en a certainement beaucoup, mais ce dont je prétends répondre à Vostre Éminence, c'est d'une très constante et très asseurée fidélité.

Je ne puis aussi que je ne me resjouisse, non seulement avec Vostre Éminence, mais aussi avec le public, de la belle pensée qu'elle a de faire bastir un collége public pour y déposer cette fameuse biblio

1. P.-A. Faugère, Journal d'un voyage à Paris, p. 371. 2. P.-A. Faugère, Journal d'un voyage à Paris, p. 86.

thèque, puisqu'elle ne peut rien faire qui contribue davantage à la gloire de son nom et de sa maison. Et je ne doubte pas que, dans ce glorieux project, elle ne songe à toutes les choses qui le peuvent rendre parfaict et accomply: en quoy je m'estimerois bien heureux de pouvoir contribuer de mes soins et de mes advis, si j'en estois capable.

Il est probable que Boulliau n'accepta pas les offres du cardinal et que Lapoterie rentra en faveur, car ce dernier conserva ses fonctions jusqu'en 1688.

Christine de Suède, lors de son voyage à Paris (1656), avait parcouru le palais Mazarin; elle avait donc pu voir presque réorganisée cette belle collection qu'elle avait tant enviée. « La reyne vit ensuite la bibliothèque, >> dit la correspondance de Colbert1, bien laconique en cette occasion.

Toutes les pertes semblent avoir été réparées vers 1660. Loret rendant compte de la fête donnée par Mazarin à toute la Cour · lors du mariage de Louis XIV, nous apprend que les invités, avant de se mettre à table, visitèrent le palais,

Mais, sur tout, la bibliotèque,
Contenant maint œuvre à la grèque
Et des rangs de livres nombreux,
Persans, latins, chinois, hébreux,
Turcs, anglois, allemans, cozaques,
Hurons, iroquois, syriaques,
Bref, tant de volumes divers
D'auteurs, tant en proze qu'en vers,
Qu'on peut, sans passer pour profane,

Alléguer que la VATICANE

N'a point tant de livres de prix,

Ny tant de rares manuscrits.

Mais, ce qui de gloire me pique,

Je vis notre MUZE HISTORIQUE,

En maroquin assez mignon
Paroître, illec, en rang d'oignon,

1. Lettre du 12 septembre 1656, t. I, p. 261.

Ayant degré, place ou séance
Tout contre l'histoire de France,
Près de COMINES et FROISSARd,

Mais assez loin du grand RONSard 1.

La Muse royale, dans son numéro du 9 septembre, donne des détails plus précis encore sur cette visite, qui semble avoir été regardée par les ex-frondeurs comme une véritable réparation accordée au cardinal:

Toute cette ROYALE TROUPE

Qui traîne la fortune en croupe
Et qui fait la figue au destin,
Avant ce somptueux festin
Visita la bibliothèque,

Où sont, outre la langue grèque,
Tous les idiomes divers

Qui se parlent dans l'univers,
En un nombre infini de LIVRES,
Valans des millions de livres.
Bien curieux et bien sçavans,
Tant d'illustres morts que vivans,
Disposés en un fort bel ordre,
Ordre, où certes, l'on ne peut mordre,
Par homme très-intelligent 2

Et mêmement très-diligent
A rassembler là les volumes
Seulement des capables plumes.
Car, là, les ignares, vraiment,
N'ont place ny rang nullement.
Vous m'objecterez, ma muzette,
Qu'un laid singe de la Gazette,
En maro-coquin bien relié,
Y parèt comme autheur trié.

Ma foy, l'objection est bonne,

Il entre quelqu'asne en Sorbonne,

1. Loret, Muze historique, no du 11 septembre 1660. 2. On lit en marge : « Le sieur de la Potterie. >>

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