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du testateur : il veut qu'au Sancy, au Richelieu, aux cinq Médicis, aux quatre Valois, on ajoute les dix-huit Mazarins. Tout cela n'empêche pas qu'après sa mort on trouve encore neuf millions dans le bois de Vincennes, cinq au Louvre, sept à la Bastille, huit à la Fère, quinze ou vingt à Brissac et à Sedan 1. Un dernier sentiment de pudeur ou d'avarice l'avait empêché d'en disposer, et Colbert les fit remettre au Trésor.

Quand Mazarin eut terminé son testament, toutes ses pensées se tournèrent vers l'accomplissement d'un projet qu'il caressait depuis longtemps en secret.

Il appela auprès de lui Nicolas Le Vasseur et François Le Foin, notaires gardes-notes au Châtelet de Paris, et leur dicta l'acte de fondation d'un collège qui devait porter son nom et où il voulait avoir son tombeau.

Mazarin nourrissait depuis plusieurs années l'idée de cet établissement. Il avait songé d'abord à l'appeler Collège des Conquêtes, parce qu'il le destinait à recevoir des écoliers nés dans les pays conquis sous son ministère. Au dernier moment, il changea d'avis; mais les élèves étant choisis presque exclusivement dans les quatre provinces réunies par lui à la France, le collège, malgré la volonté du fondateur, prit bientôt le nom de Collège des Quatre-Nations. Cependant, dans toutes les pièces officielles qui suivirent la mort du cardinal, on le désigne sous le titre de Collège Mazarini ou Mazarin.

Il devait être divisé en deux parties, un collège et ce que l'on nommait alors une académie.

Le collège devait renfermer soixante écoliers, quinze d'entre eux originaires du territoire de Pignerol, quinze de l'Alsace, vingt de la Flandre, de l'Artois et du Hainaut, dix du Roussillon et de la Cerdagne. Mazarin voulait que ces jeunes gens y reçussent une éducation toute française, espérant qu'ils en reporteraient ensuite dans leur famille tout l'esprit, avec des sentiments de reconnaissance pour leur nouvelle patrie.

1. L. de Brienne, Mémoires, t. II, p. 145.

L'académie, destinée à compléter l'instruction reçue dans le collège, était établie pour quinze élèves seulement, auxquels on eût enseigné l'équitation, l'escrime et la danse.

Le cardinal ordonnait que l'aîné de sa maison « de ceux qui porteront son nom et ses armes » aurait le droit de désigner les soixante jeunes gens destinés à être logés, nourris et instruits gratuitement dans l'établissement. Il priait les douze plus anciens docteurs de Sorbonne de désigner quatre d'entre eux qui, avec le titre d'inspecteurs, seraient chargés de la surveillance du collège et de l'académie. Il ordonnait qu'au milieu des bâtiments s'élevât une chapelle où serait déposé son tombeau. Il affectait enfin à leur construction une somme de deux millions, et léguait à sa fondation, pour revenus annuels, ceux de l'abbaye de SaintMichel en l'Herm, alors de trente-quatre mille livres, et quarante-cinq mille livres de rente sur l'Hôtel de Ville de Paris 1.

Le cardinal ordonnait en outre que sa bibliothèque serait réunie au collège, et il en réglait ainsi le service.

Le personnel se composerait d'un bibliothécaire, docteur de Sorbonne, d'un sous-bibliothécaire, et de deux « serviteurs nommés par le bibliothécaire. » Cette disposition a été maintenue jusqu'à la Révolution.

Le bibliothécaire était responsable des livres de la bibliothèque, dont il devait dresser inventaire avant d'entrer en charge.

Mazarin léguait encore à sa fondation les «< tablettes, tables, armoires, bancs et siéges servans à ladite bibliotheque. >>

Il ordonnait enfin que la bibliothèque fût « ouverte à tous les gens de lettres deux fois par chacune semaine 2. »

1. Recueil de la fondation du collège Mazarini,

p. 10.

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2. Voy. Recueil de la fondation du collège Mazarini, p. 8 et 9. Toutes ces dispositions sont un fidèle reflet des idées de Richelieu. On sait qu'il fit bâtir l'église de la Sorbonne, et voulut que son corps y fût déposé. A l'égard de la bibliothèque, voici ce que Mazarin avait pu lire dans le testament de celui qu'il regardait comme son maître : << Mon dessein, dit-il, est de rendre ma bibliotecque la plus accomplie que je pourray, et la mettre en un estat qu'elle puisse, non seulement servir à ma famille, mais encore au publicq... Je veux et ordonne que, moyennant mil

Cet acte, devant être enregistré au Parlement, fut fait à part du testament, mais le même jour, Louis XIV le confirma, en juin 1665, par lettres patentes qui se terminent ainsi : « Et pour donner des marques plus expresses de la satisfaction que Nous

livres d'apoinctement, le bibliotécaire soit tenu de conserver ladite bibliotecque, la tenir en bon estat, et donner l'entrée à certaines heures du jour aux hommes de lettres et d'érudition, pour veoir les livres et en prendre communication dans le lieu de ladite bibliotécque, sans transporter les livres ailleurs. » Il entre ensuite dans ces détails minutieux : « Et d'autant que pour la conservation du lieu et des livres de ladite bibliotecque, il sera besoin de les nettoyer souvent, j'entends qu'il soit choisi par mondit neveu un homme propre à cet effect, qui sera obligé de balayer tous les jours une fois ladite bibliotecque, et d'essuyer les livres ou les armoires dans lesquelles ils seront. Et pour lui donner moyen de s'entretenir et de fournir les balais et autres choses nécessaires pour ledit nettoyement, je veux qu'il ait quatre cents livres de gaiges par an... Et d'autant qu'il est nécessaire pour maintenir une bibliothèque en perfection d'y mettre de temps en temps les bons livres qui seront imprimez de nouveau ou ceux des anciens qui y peuvent manquer, je veux et ordonne qu'il soit employé la somme de mil livres par chacun an en achapt de livres, par l'advis des docteurs qui seront députez tous les ans par la Sorbonne pour faire l'inventaire de ladite bibliotecque. Relativement à la fondation du collège, voici ce que raconte Tallemant des Réaux (t. II, p. 54) : « Richelieu avoit, à ce que dit la Mesnardière, dessein de faire à Paris un grand collège, avec cent mille livres de rente, où il prétendoit attirer les plus grands hommes du siècle. C'estoit à Narbonne, un peu devant sa mort, que la Mesnardière dit qu'il le fit venir sept ou huit fois pour lui en parler. Et il avoit cela si fort dans la teste que, malgré son mal et toutes les affaires qu'il avoit alors sur les espaules, il y pensoit fort sou

vent. »>

Enfin, Richelieu avait également eu l'idée de joindre une académieà son collège. On en trouve la preuve dans un manuscrit conservé à la bibliothèque Mazarine et intitulé: Errection d'une académye Royalle faicte par le cardinal de Richelieu (no H 1718): « Comblé, dit-il, d'une infinité d'honneurs, dignités et bien-faicts dont la magnificence Royalle a daigné sans mesure recognoistre nos travaux, bien loing et au delà de leurs mérites, nous serions à jamais ingrat et vrayement indigne de ses faveurs, sy, comme les grands fleuves renvoyent à l'océan les grandes eaues qu'ils en ont receues, nous ne rendions à son service et à l'utilité publicque une partie de ces mesmes bien-faicts, en les employant en despence, comme nous luy destinons ce qui nous reste de santé et de vie. » En conséquence, voyant que la plupart des «<dottations, séminaires et collèges semblent seulement estre destinés aux jeunes gens de basse estoffe et condition roturière, sans qu'on ayt pensé à en faire part à ceux qui portent les armes, »il dote de vingt-deux mille livres par an, à perpétuité, une académie créée dans la rue Vieille-du-Temple à Paris, et qui sera consacrée à l'éducation gratuite de vingt gentilshommes choisis par lui ou par ses héritiers.

avons dudit établissement, voulons et Nous plaist que ladite fondation soit censée et réputée Royale, et jouisse des mesmes avantages, privilèges et prérogatives que si elle avoit esté par Nous faite et instituée. »

La bibliothèque Mazarine était fondée.

HIST. DE LA BIBLIOTHÈQUE MAZARINE.

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