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que le tapissier Dieudonné Havor avait posées; Jacques Regnault les avait garnies de clous dorés pour une somme de huit cents livres 1. Enfin «< l'espinglier » Thibaut avait accepté de clore les armoires, à raison de « huict sols pour chacun pied en quarré de fil de laiton 2. »

Mais Colbert, bien que remplissant avec son activité ordinaire ses devoirs d'exécuteur testamentaire, ne pouvait accorder qu'une très médiocre sollicitude à la collection laissée par Mazarin. Depuis longtemps, il avait jeté les yeux sur une bibliothèque, alors bien inférieure à celle dont les intérêts lui étaient confiés, et il rêvait déjà pour elle des destinées que le temps s'est chargé d'accomplir.

Les nombreuses acquisitions, faites un peu de toutes parts depuis dix ans par la bibliothèque du roi, y avaient naturellement beaucoup multiplié les doubles. Colbert saisit cette occasion pour enrichir la bibliothèque qu'il protégeait, aux dépens de celle de son ancien maître. Les plaintes de la Sorbonne, à qui Mazarin avait confié la surveillance de sa collection 3, restèrent inutiles': un arrêt du 12 janvier 1668 ordonna que les ouvrages possédés en double par la bibliothèque du roi seraient échangés contre des manuscrits et des livres imprimés provenant de la succession du cardinal Mazarin.

1. Compte rendu par M. Mariage, etc. Archives nat., série II, registre n° 2,822.

2. Registre des délibérations du conseil de la fondation du collège Mazarini. Archives nat., série MM, registre n° 462, p. 58 et 79.

3. « Son Éminence prie encore Messieurs de la Maison et Société de Sorbonne, que les douze plus anciens docteurs de ladite Maison et Société qui y seront actuellement demeurans, et non d'autres, ayent la direction générale dudit collége et de la bibliothèque. Et que ces douze nomment, incontinent après que l'établissement en sera fait, quatre docteurs tels qu'il leur plaira de ladite Maison et Société de Sorbonne, pour estre les inspecteurs dudit collége et de la bibliothèque. Desquels quatre inspecteurs, il y en aura deux qui n'en feront la fonction que pendant deux années après l'établissement. Et que, de deux ans en deux ans, il y en aura deux nommez au lieu des deux qui en devront sortir en sorte que desdits quatre inspecteurs, il y en ait toujours deux anciens et deux nouveaux. » Recueil de la fondation du college Mazarini.

4. Regesta priorum Sorbonæ. Archives nat., série MM, registre

n° 271.

p. 86.

Cet arrêt était ainsi conçu :

Sur ce qui a été représenté au Roy étant en son conseil, que le feu sieur cardinal Mazarini ayant, avec la permission de Sa Majesté, fondé en la ville de Paris le collége des Quatre-Nations appelé Mazarini, pour l'instruction des jeunes gentilshommes de la qualité requise par le titre de la fondation, ledit sieur fondateur auroit légué audit collége sa bibliothèque, composée de quantité de bons livres tant imprimés que manuscrits, qu'il auroit fait rechercher pendant plusieurs années avec beaucoup de soins et de dépense.

Et Sa Majesté ayant été informée qu'il se trouve dans la bibliothèque plusieurs manuscrits qui ne peuvent servir que d'ornement, la plupart ayant été imprimés, et que d'ailleurs il manque dans la même bibliothèque quantité de bons livres d'autant plus nécessaires qu'ils sont d'un usage ordinaire en toutes sciences, et qui vraisemblablement ont été perdus dans les désordres des derniers temps. Et Sa Majesté ayant été pareillement informée que dans la Bibliothèque royale il se trouve quantité de bons livres doubles qui en pourroient estre tirés et portés en celle dudit collége pour suppléer à ceux qui s'y trouveront manquer, et de même tirer d'icelle les manuscrits qui ont été imprimés ou autres volumes qui manquent en ladite Bibliothèque royale.

A quoy Sa Majesté voulant pourvoir et rendre lesdites bibliothèques plus parfaites et d'un plus grand usage pour le public, le Roy étant en son conseil a ordonné et ordonne qu'en présence du garde de la Bibliothèque royale et des directeurs dudit collége Mazarini, il sera, par les sieurs d'Aligre, de Sève et de la Margeurie, dressé un état des manuscrits et des livres imprimés qui sont tant dans ladite Bibliothèque royale qu'en celle du collège propres à être changés. Pour, ce fait, être procédé à l'estimation desdits livres par libraires ou autres experts qui seront nommés d'office, et en être fait l'échange ainsi qu'il appartiendra. Desquels livres eschangés seront dressés deux inventaires, pour demeurer l'un d'iceux entre les mains du garde de la Bibliothèque royale, et l'autre à celuy qui sera establi garde de la bibliothèque dudit college Mazarini.

Fait au Conseil d'État du Roy, Sa Majesté y étant, tenu à Paris le douze janvier 1668.

Trois catalogues furent aussitôt dressés. Le premier contenait tous les manuscrits de la bibliothèque Mazarine, le second tous les imprimés de la même bibliothèque qui n'étaient pas dans

celle du roi, et le troisième les titres des doubles que le roi offrait en échange.

Le 14 mars suivant, Frédéric Léonard et Sébastien Mabre Cramoisy, imprimeurs ordinaires de Sa Majesté, firent leur estimation sur ces trois catalogues 1.

Les manuscrits étaient au nombre de 2,156. Ils furent estimés à 8 livres « l'un portant l'autre, attendu qu'il y en a de petits et de peu de considération 2. » Soit une somme totale de 17,248 livres.

Les volumes imprimés dont Colbert voulait s'emparer se divisaient ainsi :

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Soit 5,238 livres pour la totalité.

Les doubles de la bibliothèque du roi se composaient de: 944 volumes in-folio,

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Ils furent estimés beaucoup plus cher que ceux de Mazarin : Les volumes in-folio, 8 livres,

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Ce qui donnait une somme totale de 9,259 livres 12 sols; donc, 4,020 liv. de plus que ne produisaient les imprimés du cardinal.

Mais le roi, « voulant donner l'avantage à la bibliothèque

1. Nous nous bornons à analyser ici leur très long rapport. Nous l'avons publié en entier dans la notice qui précède le catalogue des manuscrits actuels de la bibliothèque Mazarine.

2. Acte d'échange, p. 2.

Mazarine, » décida hypocritement que l'échange aurait lieu comme si les deux estimations eussent fourni une somme égale.

Enfin un arrêt du 25 juin ordonna que les 17,248 livres, prix fixé pour les manuscrits, seraient payées aux exécuteurs testamentaires du cardinal 1. Cette somme, placée sur la ville de Paris, donnait, à cette époque, un revenu de 900 livres 2.

La bibliothèque Mazarine possède les doubles de deux des catalogues qui furent dressés à l'occasion de ces échanges. Le premier a pour titre :

Catalogue des livres manuscrits de la bibliothèque de feu Monseigneur le cardinal Mazarini, qui ont esté transportez dans la bibliothèque du Roy, conformément à l'arrest du Conel d'Estat du vingt-cinq jour de juin mil six cens soixante et huit.

Ce volume, d'une belle écriture, comprend 97 pages; les ouvrages ne sont pas numérotés. A la fin, on lit : « Le présent estat et cathalogue par nous soubsignez certiffié véritable. Fait à Paris ce douziesme mars 1668. Signé DE CARCAVY et DE LA POT

TERIE. »

Les manuscrits cédés se subdivisaient ainsi :

102 volumes en langue hébraïque,

343

229 1,422

en arabe, samaritain, persan, turc et autres langues orientales,

en langue grecque,

en langues latine, italienne, française, espagnole, etc.

Le second de ces documents porte en tête :

Catalogue des livres imprimez pris et eschangez pour le Roy dans la bibliothèque de feu Monseig” le cardinal Mazarin. Fait par nous Me Pierre de Carcavy et Me François de la Poterie, en

1. Compte que rend M. Jean Rabouyn, prestre, docteur de la maison et société de Sorbonne, etc. Archives nat., série H, registre no 2,828.

2. « Tunc temporis æstimatum est illorum pretium summa octodecim millium libellarum, quæ collocata super præfectum et ædiles dabat bibliothecæ reditum annuum nongentarum libellarum. Præfatio catalogi alphabetici bibliothecæ Mazarineæ.

conséquence de l'arrest du Conel d'Estat du douzième janvier mil six cens soixante et huit, et suivant l'ordre de Messieurs les commissaires députez par le Roy pour l'exécution dudit arrest.

Ce catalogue remplit 238 pages et contient 1,130 numéros ; il est terminé par la même formule que le précédent 1.

La translation de tous ces ouvrages d'une bibliothèque dans l'autre fut d'autant plus facile que la collection formée par Mazarin occupait encore son local primitif.

Lors de l'ouverture du collège en 1688, la bibliothèque était terminée, car dès 1682, Lapoterie avait pu en faire les honneurs à l'empereur du Maroc 2, mais les aménagements intérieurs et les travaux d'inventaire ne permirent pas d'en faire jouir le public avant 1691. « On commence à donner entrée les lundis et jeudis dans la bibliothèque Mazarine, » annonce à cette date Le livre commode ou les adresses de la ville de Paris. L'Almanach royal ne donne, jusqu'en 1709, aucun renseignement sur les bibliothèques, et il n'indique le nom des fonctionnaires qu'à partir de 1810.

J'ai dit déjà que les boiseries qui ornaient la bibliothèque de Mazarin avaient été transportées et ajustées dans le nouveau local. M. de Laborde prétend même que Dorbay « se régla pour les hauteurs de la salle sur les dimensions qu'elles avoient 3. » Pour être certain du contraire, il suffit de comparer les deux salles.

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Il faut noter encore que tout autour de la galerie du palais

1. Bibliothèque Mazarine, manuscrits, no 4,100. Les deux catalogues sont reliés en un seul volume.

2. Voy. le Mercure galant, no de février 1682, p. 306,

3. Le palais Mazarin, p. 368,

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