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rera tous les voiles, et voudra sonder tous les problèmes que sa trop prudente devancière avait regardés comme résolus ou comme insolubles. Enfin, les couvents sont ouverts et leurs bibliothèques détruites, mais les volumes qu'elles contenaient, réservés jusque là dans l'ombre des cloîtres à quelques lecteurs privilégiés, vont paraître au grand jour, et le plus humble pourra prendre sa part des trésors qu'ils renferment.

Fait certainement unique dans l'histoire des peuples, l'État se trouvait alors possesseur d'environ huit millions de volumes! provenant de confiscations. Il s'était emparé de toutes les bibliothèques appartenant aux communautés religieuses, il avait saisi les livres trouvés chez les émigrés, et des ballots expédiés par nos généraux arrivaient sans cesse des pays conquis. Paris à lui seul avait fourni 1,800,000 volumes. Mais tant de trésors accumulés étaient devenus bientôt un embarras. On les avait entassés dans huit grands dépôts, dont les plus considérables étaient établis chez les Jésuites de la rue Saint-Antoine, au couvent des Cordeliers, à celui des Capucins de la rue Saint-Honoré, etc. etc.

Pour se partager les dépouilles qu'ils renfermaient, trois bibliothèques seulement restaient debout, la bibliothèque du Roi devenue Bibliothèque nationale, la bibliothèque Mazarine devenue bibliothèque des Quatre-Nations, et la bibliothèque de l'abbaye de Sainte-Geneviève devenue bibliothèque du Panthéon; une quatrième, celle de l'Arsenal, allait prendre naissance au milieu de ces ruines. Les dépôts littéraires furent ouverts aux bibliothécaires de ces quatre établissements, et ils eurent l'autorisation d'y puiser à leur gré, afin de compléter les collections confiées à leurs soins. Une réserve cependant était faite en faveur de

1. 1,800,000 à Paris, 6,000,000 en province. Voy. J.-B. Labiche, Notice sur les dépôts littéraires et la révolution bibliographique à la fin du siècle dernier, p. 30 et 68.

2. Auj. collège Charlemagne et église Saint-Paul-Saint-Louis.

3. Devenu la clinique et l'école pratique de la Faculté de médecine. 4. Sur son emplacement, on a percé la rue Castiglione, la rue du Mont-Thabor et la partie de la rue de Rivoli sur laquelle s'élève l'hôtel Continental.

MINISTÈRE

de

L'INTÉRIEUR.

Paris, le 28 Germinal... Pan fe

de la République française.

5. DIVISION.

DIRECTION GÉNÉRALE de

L'INSTRUCTION

PUBLIQUE.

BUREAU der Muséer ch Bibliothèquer).

Vous etes prié de rappeler de Burean ci-dessus, en marge de La Réponse.

LE DIRECTEUR général de
l'Instruction publique,

Au (en Leblond, Conservateur dela
Bibliothèque des cidevant Quatre-Nations.

Je vous autorise, Citoyen, à faire dans tour
lea depote littéraires provisoires, la reconnoissance
des Divers Onvragen qui manquent alabibliothique
qui vous est confice, a fin d'en faire le Complément,
comme devant être du nombre de celler que la loi
a attachées aux cing écoles centrales du Départrimen
dela Seine).

Salut et fraternité
Ginguung

la Bibliothèque nationale, à laquelle on attribuait tous les manuscrits 1.

Van Praet y recueillit trois cent mille volumes pour cette bibliothèque, qui n'en comptait encore que 152,868 3. L'abbé Leblond commença par enlever aux dépôts littéraires environ cinquante mille volumes; puis, quand le privilège attribué à la Bibliothèque nationale fut tombé en désuétude, il réussit à obtenir encore plus de quatre mille manuscrits pour la Mazarine qui, depuis le rapt commis par Colbert, n'en possédait qu'un très petit nombre.

On est tenté de reprocher à l'abbé Leblond sa discrétion quand on se rappelle quelles folles prodigalités furent commises dans les dépôts littéraires. Un beau jour, le général Moncey obtient le don de 765 volumes, et l'aimable Parny un lot de livres « frivoles. >> Mieux encore, on accorde au sieur Cosme un magnifique exemplaire des œuvres de Buffon, «< en place des pistolets gagnés par lui dans la course à pied de la fête de la fondation de la république. >> En échange de mauvais livres modernes, les libraires recevaient des ouvrages anciens, abandonnés au poids, par masses énormes. Un ministre écrivait, par exemple, au conservateur d'un dépôt, de donner 83,000 livres pesant de vieux ouvrages à un sieur J., qui avait fourni à l'État cent exemplaires de la Phylologie universelle 5. Antoine Caillot raconte qu'un sieur Bonis acheta dans les dépôts, au prix de trois sous la livre, assez de volumes pour en charger des vaisseaux. C'était le temps où Ramel, ministre des finances, brûlait toutes les tapisseries brodées d'or que possédait le garde-meubles, détruisant ainsi une

1. Décret du 7 messidor an II, art. 12

2. Paul Lacroix, Réforme de la Bibliothèque du roi, p. 69.

3. Champollion-Figeac, dans le Dictionnaire de la conversation, t. VI, p. 71. — A.-A. Barbier dit 200,000 volumes imprimés et 60,000 manuscrits, dans Allard, Annuaire administratif du département de la Seine, p. 406. 4. A.-A. Barbier, dans la Revue encyclopédique, no de mai 1819, t. II, p. 361. -Biographie universelle, t. XXIII, p. 488.

5. J.-B. Labiche, Notice sur les dépôts littéraires, p. 110 et suiv.

6. Mémoires pour servir à l'histoire des mœurs des Français, t. I, p. 179.

valeur de cinquante millions pour se procurer 275,000 francs 1. Les ouvrages en grand papier et les parchemins étaient livrés à l'artillerie 2. Depuis 1792, chaque coup de canon détruisit peutêtre un document précieux. Lorsque, en 1854, le marquis de Laborde fut nommé directeur des Archives, il obtint l'autorisation d'ouvrir les vieilles gargousses encore conservées dans les arsenaux ; parmi les parchemins qu'il en retira figurent plus de quatre mille pièces rares ou inédites relatives à l'histoire de France 3.

La liste des cinquante mille volumes choisis par l'abbé Leblond existe encore, en trente liasses in-folio, dans les archives de la Mazarine. Chaque volume porte avec soi son certificat d'origine : une première colonne fait connaitre dans quel dépôt il a été choisi, une seconde indique naïvement le nom du propriétaire qui en a été dépouillé.

Le notes relatives au dépôt de Versailles fournissent, sous ce rapport, les renseignements les plus précieux. L'abbé Leblond Ꭹ a puisé des livres appartenant aux personnages suivants, dont je transcris textuellement les noms :

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Les livres recueillis dans les huit dépôts formés à Paris appartiennent à deux classes distinctes de propriétaires : les particuliers et les communautés religieuses.

Les premiers me fournissent les noms suivants:

1. G. Bapst, Une ressource imprévue, ou les objets d'art et d'ameublement durant la Révolution, p. 7.

2. Quinze mille volumes in-folio entre l'an VI et l'an VII.

3. G. Bapst, p. 5.

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Parmi les communautés représentées sur les listes de la biblio

thèque Mazarine, je citerai :

La congrégation de l'Oratoire.
L'église Sainte-Marguerite.
Le séminaire Saint-Sulpice.

Les Missions étrangères.

Les Mathurins.

Le collége de Navarre.

Le couvent de Saint-Magloire.

Les Feuillants de la rue d'Enfer.

Les Blancs-Manteaux.

L'église Notre-Dame.

Les Minimes de la place Royale.

La Sorbonne.

La congrégation de la Doctrine chrétienne.

Les Jacobins de la rue Saint-Dominique.

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