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HISTOIRE

DE LA

BIBLIOTHÈQUE MAZARINE

ET DU

PALAIS DE L'INSTITUT

PREMIÈRE PARTIE

LA BIBLIOTHÈQUE DU CARDINAL MAZARIN

CHAPITRE PREMIER

MAZARIN ET NAUDÉ

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La bibliothèque de Mazarin à Rome. Demeures de Mazarin à Paris. Il achète l'hôtel Tubeuf et le transforme. Gabriel Naudé en Italie. Il est nommé médecin du roi. — Il devient le bibliothécaire de Richelieu, puis celui de Mazarin. Les manuscrits de Loménie. Premiers achats de Naudé. La bibliothèque du chanoine Descordes. Nombreuses acquisitions de Naudé à Paris. Lettres de Mazarin à ses agents de l'étranger. La bibliothèque de Mazarin est ouverte au public. Les bibliothèques de Paris et de l'étranger en 1643. Les habitués de la bibliothèque de Mazarin. - Passion du cardinal pour les livres. Il s'efforce d'augmenter sa bibliothèque. Les voyages de Naudé. Dons faits au cardinal. Reliures aux armes de Mazarin. Le cardinal agrandit l'hôtel Tubeuf. bibliothèque transportée rue Richelieu. Sa description. Prix des reliures et nom des relieurs. La bibliothèque redevient publique en 1648. Les bibliothèques publiques du moyen âge.

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Les trois plus grands ministres qu'ait eus la France se sont rencontrés en un point. Malgré la diversité de leur caractère et

de leurs idées, ils cédèrent à un même entraînement: tous trois furent d'éminents et surtout de passionnés bibliophiles. Des admirables collections qu'ils avaient réunies, une seule est venue intacte jusqu'à nous. La bibliothèque de Richelieu, échue à la Maison de Sorbonne 1, a été dispersée pendant la Révolution. Celle de Colbert eut une destinée plus triste encore, elle fut vendue aux enchères, et les manuscrits à peu près seuls entrèrent à la Bibliothèque du roi 2. Celle de Mazarin, grâce à la générosité de son fondateur, a eu la rare fortune de lui survivre et de garder son nom.

Mazarin commença à rassembler des livres, même avant de devenir le favori du cardinal de Richelieu. Le Père Jacob nous apprend, en effet, qu'en 1644 au plus tard, Mazarin possédait déjà à Rome, dans son palais du mont Quirinal3, plus de cinq mille volumes << conservez dans des armoires trélissez de fil doré, cizelées et dorées à surface, avec des vases, bustes et autres antiques sur le haut d'icelles. » Il ajoute un détail assez curieux, c'est que Mazarin ne confiait la reliure de ses livres qu'à des ouvriers appelés exprès de Paris 4.

Mazarin n'eut qu'assez tard une demeure fixe dans cette ville. Lors de ses premiers voyages, il logea chez le comte de Chavigny, qui occupait l'hôtel Saint-Paul 5, rue du Roi-de-Sicile. Quand il vint en France, comme nonce extraordinaire d'Urbain VIII (1634), il descendit rue des Mathurins, à l'hôtel de

1. Voy. A. F., La Sorbonne et la succession de Richelieu, 1875, in-8o.
2. Voy. A. F., Précis de l'histoire de la Bibliothèque du roi, 1875, in-8°.
3. Aujourd'hui palais Rospigliosi.

4. L. Jacob, Traicté des plus belles bibliothèques publiques et particulières, p. 95. La Gazette de France, no du 17 août 1647, prétend que le cardinal fit transporter à Paris cette bibliothèque. — L'inventaire manuscrit des livres que Mazarin possédait à Rome existe à la Bibliothèque nationale. C'est un in-4° de 34 pages, qui a pour titre : Inventario delli libri che sono presentemente nella biblioteca dell' Eminentissimo signore cardinal Mazzarino in Roma. Supplément français, no 4,256.

5. Montglat, Mémoires, t. I, p. 301. Lom. de Brienne, Mémoires, t. I, p. 282. Sur le plan de Gomboust (1652), cette demeure est appelée « hôtel Chavigny. »

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Cluny, qui servait de résidence aux nonces 1. Rappelé à Rome en 1636, il ne revit Paris que quatre ans après, et se fixa à l'hôtel de Clèves. De là, il alla loger au Louvre; son appartement, situé au second étage, occupait la salle actuelle dite de Henri II et une partie du salon des sept cheminées 3. Enfin, vers 1642, il acheta l'hôtel Tubeuf, dont l'origine était toute

récente.

A l'angle formé par la rue Richelieu et la rue Neuve-desPetits-Champs, Charles Duret de Chivry, président à la chambre des comptes, avait fait élever une vaste maison. Elle fut achetée par Jacques Tubeuf, président à la même cour.

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1. Piganiol de la Force, Description historique de Paris, t. III, p. 473. On lit encore sur le plan de Gomboust: « Hôtel de Cluny, demeure des

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2. Sauval, Antiquités de la ville de Paris, t. II, p. 157. - Cet hôtel était situé dans la rue d'Autriche, qui est devenue la rue du Louvre.

3. L. Clément de Ris, Les amateurs d'autrefois, dans le Bulletin du Bibliophile, année 1867, p. 67.

4. Tallemant des Réaux, Historiettes, t. I, p. 426. Duret de Chivry occupa successivement les fonctions de conseiller d'État, de contrôleur général des finances et de président à la chambre des comptes de Paris. Il était fils de Louis Duret, médecin de Charles IX et d'Henri III.

Celui-ci réunit l'hôtel de Chivry au sien 1 qui, bâti vers 1633 par Pierre le Muet 2, faisait le coin des rues Vivienne et Neuvedes-Petits-Champs. Mazarin se trouva donc posséder toute la partie de cette rue comprise entre les rues Vivienne et Richelieu, et il s'installa tant bien que mal dans cet immense logis.

Mais, vers la fin de 1643, la reine et ses enfants vinrent s'établir au Palais-Cardinal 3, la belle demeure que Richelieu avait léguée à son roi. On construisit alors à travers le jardin une galerie couverte, afin que Mazarin pût venir à son aise et à toute heure visiter la souveraine. Puis celle-ci, le trouvant encore trop éloigné, finit par lui donner un appartement dans le palais même 4.

Un favori pouvait s'en contenter, non un premier ministre. Aussi Mazarin se promit-il bien de ne pas habiter toujours un palais qui semblait lui rappeler ironiquement l'opulence de son prédécesseur.

L'admirable situation de l'ancien hôtel Tubeuf se prêtait merveilleusement à ses projets. Il faut se souvenir que Richelieu venait de reculer jusqu'aux boulevards actuels le mur d'enceinte de Paris. L'hôtel Tubeuf qui, grâce à un mouvement de terrain, dominait d'un côté le Palais-Royal, faisait face, de l'autre, à la partie la plus gaie des limites champêtres de la capitale; de ses fenêtres, la vue, passant par-dessus les vergers des Augustins déchaussés et des filles Saint-Thomas, pouvait s'étendre au loin sur la campagne, représentée aujourd'hui par le faubourg

1. Piganiol de la Force, t. III, p. 53. 2. Sauval, t. II, p. 202. La rue Neuve-des-Petits-Champs fut ouverte par arrêt du conseil du 23 novembre 1633.

3. Clément de Ris, p. 59.

4. « La Reyne a remonstré en plein conseil qu'attendu l'indisposition de M. le cardinal Mazarin, et qu'il lui falloit tous les jours passer avec grand' peine au travers de ce grand jardin du Palais-Royal, et voyant qu'à toute heure il se présentoit nouvelles affaires pour lui communiquer, elle trouvoit à propos de lui donner un logement dans le Palais-Royal, afin de converser plus commodément avec lui de ses affaires. » Lettre d'Olivier d'Ormesson, du 19 novembre 1643, citée par V. Cousin, Journal des savants, année 1856, p. 117.

A

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