Images de page
PDF
ePub

ELISE, faisant la révérence.

Je ne veux point me marier, mon père, s'il vous

plait.

[ocr errors]

HARPAGON, contrefaisant Elise.

Et moi, ma petite fille, ma mie, je veux que vous yous mariez, s'il vous plaît.

ELISE, faisant encore la révérence.

Je vous demande pardon, mon père.

HARPAGON, contrefaisant Elise.

Je vous demande pardon, ma fille.

ÉLISE.

Je suis très-humble servante au seigneur Anselme; mais, (faisant encore la révérence.) avec votre permission, je ne l'épouserai point.

HARPAGON

Je suis votre très-humble valet; mais, (contrefaisant encore Elise.) avec votre permission, vous l'épouserez dès ce soir.

ÉLISE.

Dès ce soir.

HARPAGON.

Dès ce soir.

ELISE, faisant encore la révérence.

Cela ne sera pas, mon père.

HARPAGON, contrefaisant encore Elise. Cela sera, ma fille.

[blocks in formation]

C'est une chose où vous ne me réduirez point.

HARPAGON.

C'est une chose où je te réduirai.

ÉLISE.

Je me tuerai plutôt que d'épouser un tel mari.

HARPAGON.

Tu ne te tueras point, et tu l'épouseras. Mais voyez quelle audace! a-t-on jamais vu une fille parler de la sorte à son père ?

ÉLISE.

Mais a-t-on jamais vu un père marier sa fille de la sorte?

HARPAGON.

C'est un parti où il n'y a rien à redire; et je gage que tout le monde approuvera mon choix.

ÉLISE.

Et moi, je gage qu'il ne sauroit être approuvé d'aucune personne raisonnable.

HARPAGON, apercevant Valère de loin.

Voilà Valère. Veux-tu qu'entre nous deux nous le fassions juge de cette affaire?

[blocks in formation]

Ici, Valère. Nous t'avons élu pour nous dire qui a raison de moi où de ma fille.

VALERE.

C'est vous, monsieur, sans contredit.

HARPAGON.

Sais-tu bien de quoi nous parlons?

VALÈRE.

Non, mais vous ne sauriez avoir tort, et vous êtes

toute raison.

HARFAGON.

Je veux ce soir lui donner pour époux un homme aussi riche que sage; et la coquine me dit au nez qu'elle se moque de le prendre. Que dis-tu de cela ?

[blocks in formation]

Je dis que, dans le fond, je suis de votre sentiment; et vous ne pouvez pas que vous n'ayez raison: mais aussi n'a-t-elle pas tort tout à fait ; et...

HARPAGON.

Comment! le seigneur Anselme est un parti considérable; c'est un gentilhomme qui est noble, doux, posé, sage, et fort accommodé, et auquel il ne reste aucun enfant de son premier mariage. Sauroit-elle mieux rencontrer ?

VALERE.

Cela est vrai, mais elle pourroit vous dire que c'est un peu précipiter les choses, et qu'il faudroit au moins quelque temps pour voir si son inclination pourroit s'accorder avec...

HARPAGON.

C'est une occasion qu'il faut prendre vite aux cheveux, Tome V.

Je trouve ici un avantage qu'ailleurs je ne trouverois pas, et il s'engage à le prendre sans dot.

VAEERE.

Sans dot.

HARPAGON.

Oui.

VALÈRE.

Ah ! je ne dis plus rien. Voyez-vous? voilà une raison tout à fait convaincante; il se faut rendre à cela.

HARPAGON.

C'est pour moi une épargne considérable.

VALERE.

Assurément, cela ne reçoit point de contradiction. Il est vrai que votre fille vous peut représenter que le mariage est une plus grande affaire qu'on ne peut croire; qu'il y va d'être heureux ou malheureux toute sa vie; et qu'un engagement qui doit durer jusqu'à la mort ne se doit jamais faire qu'avec de grandes précautions.

Sans dot.

HARPAGON.

VALÈRE.

Vous avez raison. Voilà qui décide tout, celà s'entend. Il y a des gens qui pourroient vous dire qu'en de telles occasions l'inclination d'une fille est une chose, sans doute, où l'on doit avoir de l'égard, et que cette grande inégalité d'âge, d'humeur et de sentimens, rend un mariage sujet à des accidens très-fâcheux.

« PrécédentContinuer »