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SCÈNE IV.

CLÉANTHIS, MERCURE.

CLEANTHIS, à part.

O ciel! que d'aimables caresses
D'un époux ardemment chéri !
Et que mon traître de mari

Est loin de toutes ces tendresses!

MERCURE, à part.

La Nuit, qu'il me faut avertir,
N'a plus qu'à plier tous ses voiles;
Et, pour effacer les étoiles,

Le Soleil de son lit peut maintenant sortir.
CLEANTHIS, arrêtant Mercure.

Quoi! c'est ainsi que l'on me quitte!

MERCURE.

Et comment donc ? ne veux-tu pas

Que de mon devoir je m'acquitte, Et que d'Amphitryon j'aille suivre les pas ?

CLEANTHIS.

Mais avec cette brusquerie,
Traître, de moi te séparer.

MERCURE.

Le beau sujet de fàcherie!

Nous avons tant de temps ensemble à demeurer!

CLEANTHIS.

Mais quoi! partir ainsi d'une façon brutale,
Sans me dire un seul mot de douceur pour régale!

MERCURE.

Diantre! où veux-tu que mon esprit

T'aille chercher des fariboles!

Quinze ans de mariage épuisent les paroles :
Et depuis un lông-temps nous nous sommes tout dit.

CLEANTHIS.

Regarde, traître, Amphitryon;

Vois combien pour Alcmène il étale de flamme;
Et rougis, là dessus, du peu de passion
Que tu témoignes pour ta femme.

MERCURE.

Hé! mon dieu! Cléanthis, ils sont encore amans.
Il est certain âge où tout passe;

Et ce qui leur sicd bien dans ces commencemens,
En nous, vieux mariés, auroit mauvaise grâce.
Il nous feroit beau voir attachés face à face
A pousser les beaux sentimens !

CLEANTHIS.

Quoi! suis-je hors d'état, perfide, d'espérer
Qu'un cœur auprès de moi soupire?

MERCURE.

Non, je n'ai garde de le dire;

Mais je suis trop barbon pour oser soupirer,
Et je ferois crever de rire.

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CLÉANTHIS.

Mérites-tu, pendard, cet insigne bonheur
De te voir pour épouse une femme d'honneur ?

MERCURE.

Mon dieu! tu n'es que trop honnête :
Ce grand honneur ne me vaut rien.
Ne sois point si femme de bien,
Et me romps un peu moins la tête.

CLÉANTHIS.

Comment! de trop bien vivre on te voit me blâmer!

MERCURE.

La douceur d'une femme est tout ce qui me charme; Et ta vertu fait un vacarme

Qui ne cesse de m'assommer.

CLEANTHIS.

Il te faudroit des coeurs pleins de fausses tendresses,
De ces femmes aux beaux et louables talens,
Qui savent accabler leurs maris de caresses
Pour leur faire avaler l'usage des galans.

MERCURE.

Ma foi, veux-tu que je te dise?

Un mal d'opinion ne touche que les sots;
Et je prendrois pour ma devise:

Moins d'honneur, et plus de repos.

CLEANTHIS.

Comment! tu souffrirois, saus nulle répugnance, Que j'aimasse un galant avec toute licence?

MERCURE.

Oui, si je n'étois plus de tes cris rebattu,
Et qu'on te vît d'humeur et de méthode.
J'aime mieux un vice commode
Qu'une fatigante vertu.

A dieu, Cléanthis, ma chère ame;
Il me faut suivre Amphitryon.
CLÉANTHIS, seule.

Pourquoi, pour punir cet infâme,

Mon cœur n'a-t-il assez de résolution! Ah! que, dans cette occasion, J'enrage d'être honnête femme !

FIN DU PREMIER ACTE.

SCÈNE I.

AMPHITRYON, SOSIE.

AMPHITRYON.

VIENS çà, bourreau, viens çà. Sais-tu, maître fripon,

Qu'à te faire assommer ton discours peut suffire,
Et que, pour te traiter comme je le désire,
Mon courroux n'attend qu'un bâton?

SOSIE.

Si vous le prenez sur ce ton,
Monsieur, je n'ai plus rien à dire ;
Et vous aurez toujours raison.

AMPHITRYON.

Quoi! tu veux me donner pour des vérités, traître,
Des contes que je vois d'extravagance outrés ?

SOSIE.

Non je suis le valet, et vous êtes le maître ;
Il n'en sera, monsieur, que ce que vous voudrez.

AMPHITRYON.

Çà, je veux étouffer le courroux qui m'enflamme,
Et, tout du long, t'ouïr sur la commission.

Il faut, avant que voir ma femme,

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