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AMPHITRYON.

Quoi ? vous osez me soutenir en face

Que plus tôt qu'à cette heure on m'ait ici pu voir!

ALCMÈNE.

Quoi ! vous voulez nier avec audace

Que dès hier en ces lieux vous vintes sur le soir?

Moi, je vins hier?

AMPHITRYON.

ALCMÈNE.

Sans doute; et, dès devant l'aurore,

Vous vous en êtes retourné.

AMPHITRYON, à part.

Ciel ! un pareil débat s'est-il pu voir encore?
Et qui de tout ceci ne serait étonné ?

Sosie.

SOSIE.

Elle a besoin de six grains d'ellébore,
Monsieur; son esprit est tourné.

AMPHITRYON.

Alcmène, au nom de tous les dieux,
Ce discours a d'étranges suites!
Reprenez vos sens un peu mieux,
pensez à ce que vous dites.

Et

ALCMÈNE.

J'y pense mûrement aussi ;

Et tous ceux du logis ont vu votre arrivée.

Vignore quel motif vous fait agir ainsi ;

Mais si la chose avoit besoin d'être prouvée,
S'il étoit vrai qu'on pût ne s'en souvenir pas,
De qui puis-je tenir, que de vous, la nouvelle
Du dernier de tous vos combats,
Et les cinq diamans que portoit Ptérélas
Qu'a fait dans la nuit éternelle

Tomber l'effort de votre bras?

En pourroit-on vouloir un plus sûr témoignage ?

AMPHITRYON.

Quoi! je vous ai déjà donné

Le noeud de diamans que j'eus pour mon partage,
Et que je vous ai destiné ?

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ALCMÈNE, montrant le noeud de diamans à sa cein

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SOSIE, tirant de sa poche un coffret.

Elle se moque, et je le tiens ici,
Monsieur; la feinte est inutile.

AMPHITRYON, regardant le coffret.

Le cachet est entier.

ALCMÈNE, présentant à Amphitryon le noeud de

diamans.

Est-ce une vision?

Tenez. Trouverez-vous cette preuve assez forte ?

AMPHITRYON.

Ah! ciel, ô juste ciel !

ALCMÈNE.

Allez, Amphitryon,

Vous vous moquez d'en user de la sorte, Et vous en devriez avoir confusion.

AMPHITRYON.

Romps vite ce cachet.

SOSIE, ayant ouvert le coffret.

Ma foi la place est vide.

Il faut que, par magie, on ait su le tirer,
Ou bien que de lui-même il soit venu sans guide
Vers celle qu'il a su qu'on en vouloit parer.

AMPHITRYON, à part.

O dieux dont le pouvoir sur les choses préside,
Quelle est cette aventure; et qu'en puis-je augurer
Dont mon amour ne s'intimide?.

SOSIE, à Amphitryon.

Si sa bouche dit vrai, nous avons même sort,
Et de même que moi, monsieur, vous êtes double.

Tome V.

F

T

Tais-toi.

AMPHITRYON.

ALCMENE.

Sur quoi vous étonner si fort?
Et d'où peut naṛtre ce grand trouble?
AMPHITRYON, à part.

O ciel ! quel étrange embarras !
Je vois des incidens qui passent la nature;
Et mon honneur redoute une aventure
Que mon esprit ne comprend point.

ALCMÈNE.

Songez-vous, en tenant cette preuve sensible,
A me nier encor votre retour pressé ?

AMPHITRYON.

Non: mais, à ce retour, daignez, s'il est possible, Me conter ce qui s'est passé.

ALCMÈNE.

Puisque vous demandez un récit de la chose,
Vous voulez dire donc que ce n'étoit pas vous?

AMPHITRYON.

Pardonnez-moi; mais j'ai certaine cause

Qui me fait demander ce récit entre nous.

ALCMENE.

Les soucis importans qui vous peuvent saisir
Vous ont-ils fait si vîte en perdre la mémoire ?

AMPHITRYON.

Peut-être : mais enfin vous me ferez plaisir
De m'en dire toute l'histoire.

ALCMENE.

L'histoire n'est pas longue. A vous je m'avançai
Pleine d'une aimable surprise:

Tendrement je vous embrassai,

Et témoignai ma joie à plus d'une reprise.

AMPHITRYON, à part.

Ah! d'un si doux accueil je me serois passé.

ALCMÈNE.

Vous me fîtes d'abord ce présent d'importance,
Que du butin conquis vous m'aviez destiné.
Votre cœur avec véhémence

M'étala de ses feux toute la violence,
Et les soins importuns qui l'avoient enchaîné,
L'aise de me revoir, les tourmens de l'absence,
Tout le souci que son impatience

Pour le retour s'étoit donné;

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Et jamais votre amour en pareille occurence,
Ne me parut si tendre et si passionné.

AMPHITRYON, à part.

Peut-on plus vivement se voir assassiné!

ALCMÈNE.

Tous ces transports, toute cette tendresse, Comme vous croyez bien, ne me déplaisoient pas ;

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