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PRÉFACE

DU TOME TROISIÈME.

La Chine et l'Inde.

Dans les deux premiers volumes de l'histoire du christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet nous avons fait connaître les courageuses entreprises des prédicateurs de l'Évangile durant le moyen âge; nous avons déroulé le tableau des relations qui s'établirent à cette époque entre les conquérants mongols et les princes chrétiens; nous avons raconté les succès et les revers de la propagation de la foi, et enfin l'établissement des missionnaires dans l'empire chinois, sous la domination des Tartares-Mantchous.

Le volume que nous publions aujourd'hui est la continuation de cette histoire. Il renferme le développement des missions catholiques en Chiné pendant le grand règne de l'empereur Khang-Hi. Nous verrons, dans cette période, les

T. III.

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missionnaires établis à la cour de Péking, entourés de la protection et de la faveur du plus puissant monarque de l'Asie; le christianisme florissant dans toute l'étendue de l'empire, le nombre des prosélytes allant tous les jours se multipliant et l'Église de Jésus-Christ tressaillant d'allégresse à la vue de ces innombrables populations qui accouraient vers elle du fond de l'Orient. Mais ces beaux jours de la propagation de la foi ne seront pas de longue durée. De sombres nuages, précurseurs de la tempête, viendront bientôt en troubler la sérénité. En même temps que nous raconterons les triomphes apostoliques des ouvriers de l'Évangile, nous serons forcé de faire le récit de ces lamentables discussions qui divisèrent les missionnaires, scandalisèrent les néophytes et paralysèrent de toutes parts ce merveilleux entraînement de l'Asie vers la religion chrétienne.

Il s'était opéré un changement inouï au sein de ces populations, habituées de toute antiquité à mépriser les étrangers et à ne croire qu'à elles-mêmes. On les avait vues, oubliant leurs préjugés séculaires, écouter d'abord avec curiosité les discours des religieux de l'Occident, s'étonner ensuite de leur science et finir

par admirer la sublime et sainte doctrine qu'ils leur prêchaient avec tant d'abnégation et de dévouement. Les préjugés les plus enracinés, les usages les plus antiques, une croyance religieuse consacrée par les siècles, tout cela tombait et s'évanouissait au seul nom du Dieu de l'Evangile. Ce vieil empire dont les mœurs inaltérables usaient depuis deux mille ans les révolutions et les conquêtes, on le voyait changer, se transformer à la voix d'un moine chrétien, parti seul du fond de l'Europe.

En publiant la première partie de cette histoire du christianisme dans l'extrême Orient, nous faisions remarquer que les Français avaient toujours été les premiers à pénétrer dans ces lointaines contrées, pour éclairer et civiliser les peuples asiatiques. Après avoir reproduit les curieuses correspondances de saint Louis et de Philippe le Bel avec les petits-fils de TchinguisKhan, nous disions que cet ardent prosélytisme de la France ne se démentirait jamais, que nous le retrouverions toujours à mesure que nous avancerions dans notre récit.

Nous verrons, en effet, pendant le long règne de l'empereur Khang-Hi de zélés et savants Jésuites partir de Paris, sous l'inspiration du

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grand Colbert, pour aller fonder à Péking cette mission célèbre qui porta si haut l'honneur de la France catholique. « Le missionnaire français qui partait pour la Chine, dit Chateaubriand, s'armait du télescope et du compas. Il paraissait à la cour de Péking avec l'urbanité de la cour de Louis XIV et environné du cortège des sciences et des arts. Déroulant des cartes, tournant des globes, traçant des sphères, il apprenait aux mandarins étonnés et le véritable cours des astres et le véritable nom de celui qui les dirige dans leurs orbites. Il ne dissipait les erreurs de la physique que pour attaquer celles de la morale; il replaçait dans le cœur, comme dans son véritable siége, la simplicité, qu'il bannissait de l'esprit, inspirant à la fois, par ses mœurs et son savoir, une profonde vénération pour son Dieu et une haute estime pour sa patrie (4). »

Il était beau pour la France de voir ces simples religieux régler en Chine les fastes d'un grand empire. De Péking à Paris, on se proposait des questions; la chronologie, l'astronomie, l'histoire naturelle fournissaient des sujets de discussions curieuses et savantes. Les

(1) Chateaubriand, Génie du Christianisme, Į. 4, c. 3.

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