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Fais naître de nouveaux Orphées;
C'est le sort des héros parfaits:
Ils assureront tes trophées
En éternisant tes bienfaits.
De tes victoires personnelles
Puissent leurs lyres immortelles
Entretenir les nations,

Dès que dans nos vertes prairies
Zéphyr sur ses ailes fleuries
Ramènera les alcyons!

Alors les Muses unanimes
Chanteront de nouveaux Condés:
Déjà par leurs faits magnanimes
Les tiens ont été secondés;
Les Graces briguent l'avantage
De chanter seules le courage
Du jeune héros de leur cour;
Le Rhin l'eût pris, à son audace,
Pour le conquérant de la Thrace,

S'il n'avait les yeux de l'Amour.

IS. A. S. monseigneur le prince de Condé.

ODE II.

SUR L'AMOUR

DE LA PATRIE.

DANS cet asile solitaire

Suis-moi, viens charmer ma langueur,

Muse, unique dépositaire

Des ennuis secrets de mon cœur.

Aux ris, aux jeux, quand tout conspire,
Pardonne si je prends ta lyre

Pour n'exprimer que des regrets:
Plus sensible que Philomèle,
Je viens soupirer avec elle
Dans le silence des forêts.

En vain sur cette aimable rive
La jeune Flore est de retour;

En vain Cérès, long-temps captive,
Ouvre son sein au dieu du jour :
Dans ma lente mélancolie,
Ce Tempé, cette autre Idalie
N'a pour moi rien de gracieux;
L'amour d'une chère patrie
Rappelle mon ame attendrie

Sur des bords plus beaux à mes yeux.

Loin du séjour que je regrette
J'ai déjà vu quatre printemps;
Une inquiétude secrète

En a marqué tous les instants;
De cette demeure chérie
Une importune rêverie

Me retrace l'éloignement.

Faut-il qu'un souvenir que j'aime,
Loin d'adoucir ma peine extrême,
En aigrisse le sentiment?

Mais que dis-je ? forçant l'obstacle
Qui me sépare de ces lieux,
Mon esprit se donne un spectacle.
Dont ne peuvent jouir mes yeux.
Pourquoi m'en ferais-je une peine?

La douce erreur qui me ramène

Vers les objets de mes soupirs

Est le seul plaisir qui me reste
Dans la privation funeste

D'un bien qui manque à mes désirs.

Soit instinct, soit reconnaissance,
L'homme, par un penchant secret,
Chérit le lieu de sa naissance,
Et ne le quitte qu'à regret ;
Les cavernes hyperborées,
Les plus odieuses contrées
Savent plaire à leurs habitants;
Sur nos délicieux rivages

Transplantez ces peuples sauvages,
Vous les y verrez moins contents.

Sans ce penchant qui nous domine Par un invisible ressort,

Le laboureur en sa chaumine Vivrait-il content de son sort? Hélas! au foyer de ses pères, Triste héritier de leurs misères, Que pourrait-il trouver d'attraits, Si la naissance et l'habitude

Ne lui rendaient sa solitude
Plus charmante que les palais?

Souvent la fortune, un caprice,
Ou l'amour de la nouveauté,
Entraîne au loin notre avarice
Ou notre curiosité;

Mais sous quelque beau ciel qu'on erre,
Il est toujours une autre terre

D'où le ciel nous paraît plus beau :
Loin que sa tendresse varie,

Cette estime de la patrie

Suit l'homme au-delà du tombeau.

Oui, dans sa course déplorée

S'il succombe au dernier sommeil
Sans revoir la douce contrée
Où brilla son premier soleil,
Là son dernier soupir s'adresse;
Là son expirante tendresse
Veut que ses os soient ramenés:
D'une région étrangère

La terre serait moins légère
A ses mânes abandonnés.

Ainsi, par le jaloux Auguste

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