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Banni de ton climat natal,

Ovide, quand la Parque injuste

T'allait frapper du trait fatal,
Craignant que ton ombre exilée,
Aux ombres des Scythes mêlée,
N'errât sur des bords inhumains,
Tu priais que ta cendre libre,
Rapportée aux rives du Tibre,
Fût jointe aux cendres des Romains 1.

Heureux qui, des mers atlantiques
Au toit paternel revenu,
Consacre à ses dieux domestiques
Un repos enfin obtenu !

Plus heureux le mortel sensible
Qui reste, citoyen paisible,

Où la nature l'a placé,

Jusqu'à ce que sa dernière heure
Ouvre la dernière demeure

Où ses aïeux l'ont devancé!

Ceux qu'un destin fixe et tranquille
Retient sous leurs propres lambris,

1 Trist., 1. III, E. 3.

Possèdent ce bonheur facile
Sans en bien connaître le prix ;
Peut-être même fatiguée
D'être aux mêmes lieux reléguée,
Leur ame ignore ces douceurs:
Il ne faudrait qu'un an d'absence
Pour leur apprendre la puissance
Que la patrie a sur les cœurs.

Pour fixer le volage Ulysse,
Jouet de Neptune irrité,
En vain Calypso, plus propice,
Lui promet l'immortalité :

Peu touché d'une île charmante,
A Pluton, malgré son amante,
De ses jours il soumet le fil;

Aimant mieux, dans sa cour déserte,
Descendre au tombeau de Laërte,
Qu'être immortel dans un exil.

A ces traits qui peut méconnaître
L'amour généreux et puissant
Dont le séjour qui nous voit naître
S'attache notre cœur naissant?

Ce noble amour dans la disgrace

Nous arme d'une utile audace

Contre le sort et le danger:

A ta fuite il prêta ses ailes,

I

Toi qui, par des routes nouvelles,

Volas loin d'un ciel étranger.

Cet amour, source de merveilles, Ame des vertus et des arts, Soutient l'Homère dans les veilles, Et l'Achille dans les hasards; Il a produit ces faits sublimes, Ces sacrifices magnanimes Qu'à peine les âges ont crus; D'un Curtius l'effort rapide, . L'ardeur d'un Décie intrépide, Et le dévoûment d'un Codrus.

Quelle étrange bizarrerie
Traîna ces stoïques errants,
Qui, méconnaissant la patrie,
Firent gloire d'en vivre absents?
Du nom de citoyens du monde
En vain leur secte vagabonde

I Dédale.

Crut se faire un titre immortel;
L'Erreur adora ces faux sages;
La Raison, juste en ses hommages,
N'encensa jamais leur autel.

Que tout le Lycée en réclame,
Je ne connais point pour vertu
Un goût par qui je vois de l'ame
Le plus cher instinct combattu.
S'il faut t'immoler la nature,
dure,

Je t'abhorre, sagesse

A mes yeux tu n'es qu'une erreur.
Insensé le mortel sauvage

Qui, pour avoir le nom de sage,
Ose cesser d'avoir un cœur!

Bords de la Somme, aimables plaines,
Dont m'éloigne un destin jaloux,
Que ne puis-je briser les chaînes
Qui me retiennent loin de vous!

Que ne puis-je, exempt de contrainte,
Échapper de ce labyrinthe

Par un industrieux essor,

Et jouir enfin sans alarmes

D'un séjour où règnent les charmes
Et les vertus de l'âge d'or!

ODE III.

A M. LE DUC

DE SAINT-AIGNAN,

Ambassadeur de France à Rome.

QUITTE

UITTE ces bois, Muse bergère, Vole vers une aimable cour:

Tu n'y seras point étrangère,

Tes sœurs habitent ce séjour.

Leur art divin dans les beaux âges
Charmait les plus fiers conquérants:
Il est encor l'amour des sages;
Mais il n'est plus l'amour des grands.

Art chéri, si Plutus t'exile,
Si les cours ignorent ton prix,

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