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Il te reste un illustre asile,
Un Parnasse à tes favoris.

De tes beautés arbitre juste,
Un héros chérit tes lauriers;
Tel Pollion, aux jours d'Auguste,
Joignait le goût aux soins guerriers.

Des chantres vantés d'Ausonie
Mécène fut le protecteur; ·

Mais de leur sublime harmonie
Il ne fut point l'imitateur.

L'ami des chantres de la Seine

Unit dans un éclat égal

Au plaisir d'ètre leur Mécène
Le talent d'être leur rival.

Tu sais, Muse, de quelle grace
Sa lyre anime une chanson;

On croit entendre encore Horace,

Ou l'élégant Anacréon.

Du Romain il a la justesse,
Du Grec l'atticisme charmant;

Comme eux il offre la sagesse

Sous les attraits de l'enjoûment.

Oseras-tu de ta musette
Lui répéter les simples airs ?
Ose; ta candeur, ta houlette,
Excusent tes faibles concerts.

On t'a dit sous quel titre illustre
Le Tage autrefois l'admira;

A des succès d'un plus grand lustre
Bientôt le Tibre applaudira.

Sur les campagnes de Neptune
Tu verras partir ton héros.
Si tu peux, sans être importune,
Ose lui parler en ces mots:

Digne fils d'un aimable père,
Héritier de ses agréments,
Imitateur d'un sage frère1,

Héritier de ses sentiments;

1 M. le duc de Beauvilliers, gouverneur des duchés de Bourgogne, d'Anjou et de Berri.

Chargé des droits de la couronne,
Allez, montrez dans cet emploi
Que, sans être né sur le trône,

On peut penser et vivre en roi.

Quand votre esprit tranquille et libre
Se permettra quelques loisirs,
Aux beaux lieux que baigne le Tibre
Je vois quels seront vos plaisirs.

Aux beaux vers toujours favorable,
Toujours sensible aux tendres arts,
Vous ramènerez l'âge aimable
Qu'ils durent aux premiers Césars.

On n'y voit plus leur cour antique
Séjour des héros de Phébus:
C'est encor Rome magnifique,
Mais Rome savante n'est plus.

De tant de sublimes génies
Il ne reste chez leurs neveux
Que les chants où leurs symphonies
Charmèrent l'oreille des Dieux.

Vous chérirez cette contrée,

Et les précieux monuments

Où leur mémoire consacrée
Survit à la suite des temps.

Là de Ménandre, autre Lélie,
Reprenant l'antique pinceau,
Vous tracerez l'art de Thalie
A quelque Térence nouveau.

Vous aimerez ces doux asiles,
Ces bois où le chant renommé
Des Ovides et des Virgiles
Attirait Auguste charmé.

Dans ces solitudes chéries
De la brillante antiquité
Des poétiques rêveries
Vous chercherez la volupté.

De Tibur vous verrez des traces;
Et sur ce rivage charmant
Vous vous direz: Ici les graces
De Glycère inspiraient l'amant;

Là du luth galant de Catulle

Lesbie animait les doux sons;
Ici Properce, ici Tibulle,
Soupiraient de tendres chansons.

Aux tombeaux de ces morts célèbres Vénus répand encor des pleurs ; L'Amour sur leurs urnes funèbres Attend encor leurs successeurs.

Il garde leurs lyres muettes,
Qu'aucun mortel n'ose toucher,
Et leurs hautbois et leurs trompettes
Que l'on ne sait plus emboucher.

Près de la flûte de Pétrarque
Il garde ce brillant flambeau
Qui sauva des nuits de la Parque
Les conquérants du saint tombeau.

Muses, Amour, séchez vos larmes; Bientôt dans ces lieux enchantés Vous verrez revivre les charmes De vos disciples regrettés.

Tivoli, Blanduse, Albunée,

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