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jours n'ont-ils pas vu l'heureuse expérience aller aux extrémités de la terre, interroger la nature, et dévoiler des mystères ignorés des autres siècles? Si après une aussi longue durée de ce globe que nous habitons la nouveauté peut encore régner sur les êtres matériels, malgré leurs limites, quelle étendue, quelle supériorité de puissance n'a-t-elle pas encore sur les productions, l'essor et les succès de la raison et de l'esprit, surtout dans la carrière immense de cet art créateur qui sait franchir les barrières du monde?

Les esprits frivoles et superficiels désavoueront mon espérance, les esprits faibles et timides ne s'élèveront pas jusqu'à elle; c'est au génie qu'appartient le droit d'accepter l'augure et l'honneur de le justifier.

Quelle époque plus favorable pour former cet heureux présage, qui m'est bien moins suggéré par le téméraire espoir de le remplir que par mon amour pour les arts, et par ceux qui m'écoutent, et le temps où je parle ? quelle plus vaste et plus brillante carrière pour l'histoire, l'éloquence, et la poésie, qu'un règne qui leur offre tant de gloire et de grandeur à immortaliser?

Que pourrais-je ajouter, messieurs, à la force

et à la vérité des traits sous lesquels on vient de vous offrir l'image de votre auguste protecteur? Vous y avez admiré la valeur et la victoire unies à la modération et à l'amour de la paix; la royauté parée de tous les caractères qui font le père de la patrie; l'humanité enfin avec tous les titres du sage et de l'homme adoré. Après ce tableau si ressemblant, où ma faiblesse n'aurait pu s'élever, qu'il me soit seulement permis, pour l'honneur des beaux arts, de rappeler et d'éterniser ici les bienfaits dont le Sophocle de notre âge vient d'être honoré.

Puissent nos travaux immortaliser les sentiments d'admiration, de respect et d'amour dont nous sommes pénétrés pour notre monarque au guste! La postérité célèbrera comme nous ses vertus; et dans les siècles suivants tous ceux qui, dans un jour semblable, rendront ici comme moi leur premier hommage à l'Académie, en nommant ses protecteurs, s'arrêteront avec complaisance sur l'éloge d'un souverain qui n'aura jamais été loué que par la vérité.

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DISCOURS

SUR L'HARMONIE.

PRÉVENU de tout temps, messieurs, contre le style du panégyrique, je ne prêterais point aujourd'hui ma voix à des louanges si ce n'était en faveur d'un art au-dessus des louanges même; art brillant, art consacré dans tous les âges par l'amour de tous les peuples; art sublime par qui la terre s'entretient toujours avec les cieux, et paie encore aux immortels le tribut de ses hommages. A ces traits de lumière qui peut méconnaître l'harmonie? Vos goûts réunis pour elle feront plus ici que ne pourraient faire tous ces mensonges brillants qu'on décore du nom d'éloquence. La réflexion suit volontiers la pente où le sentiment la mène, et toujours l'esprit souscrit rapidement au mérite de ce que le cœur adore. Je ne viens point prouver que la musique doit plaire; c'est une de ces vérités de la nature dont chacun porte la

preuve écrite dans son ame: je ne viens point expliquer comme elle plaît, c'est un de ces plaisirs intimes dont il faut jouir avec transport sans analyser froidement ses causes: je veux seulement développer, d'abord la dignité de l'harmonie aux yeux de ceux qui la chérissent par instinct sans avoir réfléchi sur son prix; je veux ensuite démontrer les nombreux avantages de cette science à ceux qui ne la croient que riante et frivole, fortifier le goût de ses amateurs, lui réconcilier ses adversaires, s'il en peut être; voilà mon projet. La noblesse de l'harmonie, l'utilité de l'harmonie; c'est sous ces deux idées que je vais réunir et ranger tous ses attributs et toutes ses graces. Déclamations emphatiques, métaphores ampoulées, fastueuses hyperboles, disparaissez, soyez les beautés et les dieux du pédantisme; la vérité sera ma seule éloquence. Heureux un art dont l'histoire est l'éloge!

PREMIÈRE PARTIE.

La noblesse des arts, comme celle de la naissance, me paraît fondée sur trois illustres préro

gatives; l'antiquité de son origine, sa puissance marquée, la vénération des peuples : triple avantage qu'on ne peut contester à la musique: suivons-en les preuves.

Il règne chez les historiens des sciences et des arts un défaut qui leur est commun avec les historiens des peuples et des empires; les uns et les autres, plus épris du merveilleux que du vrai, ont souvent placé dans la fable l'origine de ce qu'ils célébraient : tantôt ils ont choisi à la nation, ou à l'art qu'ils vantaient, des dieux pour aïeux ou pour inventeurs; tantôt dans des ténèbres augustes ils en ont voilé l'origine. La plupart n'ont pu souffrir des commencements simples et obscurs, oubliant que les fleuves les plus majestueux dans leur cours n'ont été d'abord que de faibles ruisseaux, partis souvent d'une source ignorée. Autorisé par ces exemples, je pourrais ou tirer un voile mystérieux sur le berceau de l'harmonie naissante, ou lui prêter une descendance fabuleuse, la faire naître des dieux dans un Parnasse chimérique, ou dans un Olympe imaginaire. Que dis-je? La musique existait beaucoup long-temps avant que ces dieux, l'ouvrage des hommes, fussent nés dans la fable. A ces pompeuses fictions je

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