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rang par la voix publique; la lumière les environne, leurs preuves les accompagnent, chaque jour les juge et les couronne: il n'est que l'homme utile, attaché dans le second rang au ministère chargé du secret des puissances, il n'est que lui qui n'ait pas le droit de laisser parler ses services, ses titres à la reconnaissance publique quand il la mérite; la gloire, muette pour lui tandis qu'il respire, l'attend au tombeau, le nomme alors sans rien dévoiler de ce qu'il a fait; et son éloge, ainsi que celui de ses pareils, pour être rempli avec justesse, ne pourrait être bien fait que par des ministres, et bien jugé que par des souverains.

Réduits au silence sur ces objets, car les éloges doivent porter sur des faits, ou ne sont que des mots, plaçons du moins dans nos souvenirs de M. de la Ville, évêque de Tricomie, plaçons un fait qui appartient uniquement à sa gloire, un fait qui ne doit pas être oublié sur la tombe d'un prince de l'église : plusieurs cures dépendaient de l'abbaye qu'il avait en Picardie depuis bien des années; sachant combien l'instruction et les mœurs des peuples tiennent essentiellement au choix que l'on fait des pasteurs du second ordre, éloigné de la province, ne pouvant connaître par lui-même

les sujets dignes d'être placés à la tête de ses paroisses; craignant avec raison que tant de petits protecteurs ennuyeux, qui écrivent sans fin, recommandent au hasard, et trompent sans scrupule, ne vinssent souvent lui arracher des graces injustes dont sa conscience aurait répondu ; toujours inspiré par son respect et son zèle pour la religion, il avait depuis long-temps remis les droits de toutes ses nominations au prélat d'immortelle mémoire qu'Amiens vient de perdre, l'ornement, le saint, l'ange de son siècle, et dont le nom chéri de toute la France, connu de toute l'Europe; dont le nom seul, que ma douleur m'empêche de prononcer, rappelle le modèle le plus parfait que l'humanité ait peut-être jamais offert de toutes les vertus de l'homme céleste et de toutes les graces de l'homme aimable 1.

Vous nous rendrez, Monsieur, l'esprit facile et toujours laborieux de votre prédécesseur; vos talents partageront les travaux de cette compagnie pour la conservation de la langue française.

I M. Louis-François-Gabriel d Orléans de La Motte, évêque d'Amiens, mort dans son palais épiscopal, le 10 juin 1774, dans sa quatre-vingt douzième année.

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et dans les conversations, on servirait sans doute le bon sens, l'honneur, la langue, et la patrie.

Cet objet, messieurs, pourrait être bien longuement traité, surtout dans une époque où l'on délaie en plusieurs volumes une foule de sujets qui, pour être neufs partout, demanderaient à peine quelques pages; on pourrait en faire de grands discours pompeusement petits, des essais volumineux, des projets d'éducation, des traités élémentaires surtout; car les éléments en tout genre sont fort à la mode, et partout on remet cet univers à la lisière: par du remplissage et des phrases sur cet objet si intéressant j'ennuierais aussi bien et peut-être mieux qu'un autre; mais les bornes du temps qui m'est prescrit ne me permettant point de donner les développements nécessaires à cet objet, je ne puis vous demander, messieurs, qu'une première vue, un coup-d'œil rapide sur l'esquisse légère que je vais crayonner de l'empire des mœurs sur le langage. Sans doute ce pouvoir impérieux, si agissant pour le bien et pour le mal, n'est que trop démontré dans le second genre, tant par les pertes réelles que par les nuisibles acquisitions que notre langue a faites de nos jours. Ce double regret à exprimer appartient naturellement

à la place que j'ai l'honneur d'occuper aujourd'hui; et l'Académie française, chargée depuis cent quarante années par le gouvernement de veiller sur la langue, a les premiers droits de réclamer contre les atteintes qui lui sont portées, et contre la révolution que celle des mœurs pourrait lui faire subir.

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Sans être les censeurs du temps qui court, rôle qui communément révolte les spectateurs intéressés, ou du moins les ennuie, sans amuser beaucoup celui qui s'en charge, nous ne pouvons nous dissimuler que l'affaiblissement des mœurs anciendes mœurs généreuses et franches, nous a successivement enlevé, non seulement un trèsgrand nombre de termes énergiques, lumineux, nécessaire même, et remplacés par de faibles équivalents, mais un très-grand nombre aussi de tournures naturelles, naïves, simples comme la vérité, et fortes comme elle. Dans ces temps de vertu et de bonheur, où, selon l'expression de Montaigne, la vérité avait sa franche allure; dans ces jours où l'on osait avoir un cœur et ne pas rougir de le prouver, on prononçait toute idée comme elle venait d'être conçue, on rendait tout sentiment comme il venait d'être éprouvé ; la na

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