Images de page
PDF
ePub

fugitives, pesantes ou légères, si prônées d'avance, si fêtées en naissant par les parents de l'ouvrage, et immortelles pour un moment.

Eh! qu'importe qu'on daigne lire
Ou qu'on laisse là de côté

Cet écrit brut, non brillanté,
Où, pour tout mérite, respire
Cette agreste naïveté

D'un bon ermite en liberté,
Dans la franchise qu'il inspire
N'estimant que la vérité,

Et ne parlant que pour la dire?
Quand tout est rempli, tourmenté
De l'incurable ardeur d'écrire,
De l'épidémique délire

D'une mince célébrité:
Dans cette belle quantité

D'essais, de prospectus, d'épreuves,
De rêves de toute beauté,
D'esprit à toute extrémité,
Et de nouveautés presque neuves;
Dans ces jours de création,
Où tant d'incroyables brochures
Offrent des plans de tout jargon,

Des projets de toutes figures,
Et l'ennui par souscription;
Dans ce bruyant torrent qui roule,
Qu'importe que le tourbillon
Enveloppe, entraîne un chiffon

De plus ou de moins dans la foule ?
D'ailleurs pardon, si du moment
Négligeant assez librement
Et le costume et la nuance,
Au lieu d'écrire sombrement
Du ton doctoral et charmant
De la moderne suffisance,
J'ai fait parler tout bonnement,
Ensemble et sans air d'importance
La raison et l'amusement.

Je sais que l'actuel usage

N'est pas

de penser gaiement,

Grace au sophistique ramage,

Qui, nous enchantant tristement, Substitue agréablement

L'esprit frondeur, sec, et sauvage,
Au national agrément,

Et les ronces du persiflage
Aux guirlandes de l'enjoûment.
L'aigre et vague raisonnement,

Haranguant, ennuyant notre âge,
L'endort sentencieusement

Au rouet de son verbiage.

On nous mande dans nos hameaux
Les progrès lugubrement beaux
De cette étrangère manie

Qui, déployant de noirs réseaux,
Et des cyprès, et des pavots,
Sur les roses de la patrie,
Remplit nos écrits, nos propos,
Et nos modes enchanteresses,
D'urnes, de lampes, de tombeaux,
Et de semblables gentillesses.
Malgré ce nuage et ce goût

De productions vaporeuses,

Qui pour un temps font prendre à tous
La couleur noire et les pleureuses,
Nous autres bons provinciaux,
Qui ne savons qu'être sincères,
Et qui ne nous conduisons guères
Par la fureur d'être nouveaux,
Français comme l'étaient nos pères
Dans les jours calmes et prospères
De la docile loyauté,

D'aucun ton factice, emprunté,

Nous n'éprouvons la fantaisie,
Et nous prenons la liberté

De penser avec bonhomie

Qu'il vaut bien mieux pour la santé
Suivre dans sa route fleurie

La bonne gauloise gaîté,
Sans frandes, sans anglomanie,
Sans affiche de gravité,
Que de se rembrunir la vie,
Et de risquer la léthargie,

Les vapeurs, et la surdité,
Parmi cette monotonie
De petite sublimité,

Trop ennuyeuse, en vérité,.
Pour une mode, une folie.
Heureusement ce ton rhéteur,

Toute cette triste livrée

De pédanterie et d'humeur,
Touche au terme de sa durée.
L'époque d'un nouveau bonheur,
Ouvrant, de la voûte éthérée,
Le cours radieux et serein
De l'allégresse désirée,

Répand la fraîcheur du matin
Sur la France régénérée,

Et du plus paisible destin

Nous trace l'augure certain
Dans la bienfaisance assurée
D'un jeune et brillant souverain,
D'une jeune reine adorée.

Sur tous leurs pas jonchés de fleurs
La gaîté française et les Graces

Vont, par

leurs rayons enchanteurs, De tous les soucis destructeurs Effacer jusqu'aux moindres traces. Les penseurs noirs, les raisonneurs, Les gens à phrases, les frondeurs, Et tous les ennuyeux célèbres, Rentrent dans leur destin obscur; Ainsi que les oiseaux funèbres, Dès que s'ouvre un ciel frais et pur Rayonnant de pourpre et d'azur, Se replongent dans leurs ténèbres.

FIN.

« PrécédentContinuer »