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La mort, dans sa vaste course,
Voit des parents éplorés
Gémir (trop faible ressource!)
Sur des enfants expirés ;

Sourde à leur plainte importune,
Elle unit leur infortune

A l'objet de leurs regrets,
Dans une tombe commune,
Et sous les mêmes cyprès.

Des enfers pâle ministre,
L'affreux ennui, fier vautour,
Les poursuit d'un vol sinistre,
Et les dévore à leur tour.
De leur tragique tristesse
N'imitez point la faiblesse :
Victime de vos langueurs,

Bientôt à notre tendresse

Vous coûteriez d'autres pleurs.

Soupirez-vous par coutume,
Comme ces sombres esprits
Qui traînent, dans l'amertume,
La chaîne de leurs ennuis?

C'est à tort que le Portique

Avec le Parnasse antique

Tient qu'il est doux de gémir;
Un deuil lent et léthargique
Ne fut jamais un plaisir.

Dans l'horreur d'un bois sauvage

La tourterelle gémit;

Mais se faisant au veuvage,
Son cœur enfin s'affermit.
Semblable à la tourterelle,
En vain la douleur fidèle
Veut conserver son dégoût;
Le temps triomphe enfin d'elle,
Comme il triomphe de tout.

D'Iphigénie immolée

Je vois le bûcher fumant:
Clytemnestre désolée

Veut la suivre au monument;

Mais cette noire manie

Par d'autres soins fut bannie,

Le temps essuya ses pleurs :
Tels de notre Iphigénie

Nous oublîrons les malheurs.

Sur son aile fugitive

Si le Temps doit emporter
Cette tristesse plaintive
Que vous semblez respecter,
Sans attendre en servitude
Que de votre inquiétude
Il chasse le noir poison,
Combattez-en l'habitude,
Et vainquez-vous par raison.

Une Grecque magnanime,
Dans un semblable malheur,
D'un chagrin pusillanime
Sut sauver son noble cœur:
A la Parque en vain rebelle,
Pourquoi m'affliger? dit-elle;
J'y songeai dès son berceau;
J'élevais une mortelle
Soumise au fatal ciseau.

Mais non, stoïques exemples,
Vous êtes d'un vain secours;

Ce n'est que dans tes saints temples,
Grand Dieu! qu'est notre recours:
Pour guérir ce coup funeste

Il faut une main céleste;

N'espérez rien des mortels :
Un consolateur vous reste,
Il vous attend aux autels.

Portez donc au sanctuaire,
Soumise aux divins arrêts,
Portez le cœur d'une mère
Chrétienne dans ses regrets;
Adorez-y dans vos peines
Les volontés souveraines
Du dispensateur des jours:

Il rompt nos plus tendres chaînes,
Pour fixer seul nos amours.

Avant d'ôter à la vie

Celle dont j'écris le sort,

Le ciel vous l'avait ravie
Par une première mort;
D'un monde que l'erreur vante
Une retraite fervente

Lui fermait tous les chemins;
Pour Dieu seul encor vivante,
Elle était morte aux humains.

La victime, Dieu propice,

A l'autel allait marcher :

Déjà pour le sacrifice

L'amour saint dresse un bûcher;

L'encens, les fleurs, tout s'apprête;
Bientôt ta jeune conquête...

Mais quels cris? qu'entends-je ? Hélas!
J'allais chanter une fête,

Il faut pleurer un trépas.

Ainsi périt une rose

Que frappe un souffle mortel;
On la cueille à peine éclose
Pour en parer un autel:
Depuis l'aube matinale
La douce odeur qu'elle exhale
Parfume un temple enchanté;
Le jour fuit, la nuit fatale
Ensevelit sa beauté.

Ciel, nous plaignons sa jeunesse
Dont tes lois tranchent le cours;

Mais aux yeux de ta sagesse

1 Elle était sur le point de faire profession. Elle prononça ses vœux avant d'expirer.

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