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Ne répandent plus leurs présents?
Non, leur dureté la plus noire
N'enlève rien à votre gloire:

Il vaut mieux d'un soin généreux
Servir une foule coupable

Que manquer un seul misérable
Dont vous pouvez faire un heureux.

Des dieux imitez les exemples
Dans vos dons désintéressés ;
Aucun n'est exclu de leurs temples,
Leurs bienfaits sur tous sont versés.
Le soleil qui, dans sa carrière,
Prête aux vertueux sa lumière,
Luit aussi pour le scélérat :
Le ciel cesserait de répandre

Les dons que l'homme en doit attendre,

S'il en excluait l'homme ingrat.

Juste Thémis, contre un tel crime

N'as-tu plus ni glaive ni voix ?
Que l'ingrat n'est-il ta victime

Ainsi qu'il le fut autrefois!

Que ne reprends-tu, dans notre âge, De ton antique aréopage

L'équitable sévérité!

L'ingratitude était flétrie,

Et souffrait loin de la patrie
Un ostracisme mérité.

Mais pourquoi te vanté-je, Athènes,
Sur la justice de tes lois,

Quand, par des rigueurs inhumaines,
Ta république en rompt les droits?
Que de proscriptions ingrates!
Tes Miltiades, tes Socrates,
Sont livrés au plus triste sort;
La méconnaissance et l'envie
Leur font de leur illustre vie
Un crime digne de la mort.

Ainsi parlait, fuyant sa ville,
Thémistocle aux Athéniens:

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Tel qu'un palmier qui sert d'asile, « J'en sers à mes concitoyens :

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Pendant le tonnerre et l'orage

Sous mon impénétrable ombrage «La peur des foudres les conduit; «L'orage cesse, on m'abandonne, Et long-temps avant mon automne La foule ingrate abat mon fruit. »

D'un cœur né droit, noble et sensible,

Rien n'enflamme tant le courroux

Que l'ingratitude inflexible

D'un traître qui se doit à nous.
Sous vingt poignards (fin trop fatale!)
Le triomphateur de Pharsale
Voit ses jours vainqueurs abattus;
Mais de tant de coups le plus rude
Fut celui que l'ingratitude
Porta par la main de Brutus.

Mortels ingrats, ames sordides,
Que mes sons puissent vous fléchir!
Ou, si de vos retours perfides
L'homme ne peut vous affranchir,
Que les animaux soient vos maîtres!
O honte! ces stupides êtres

Savent-ils mieux l'art d'être humain?
Oui. Que Sénèque 1 vous apprenne
Ce qu'il admira dans l'arène
De l'amphithéâtre romain.

Un lion s'élance, on l'anime

I Lib. II, De Benef. ch. xIx.

Contre un esclave condamné ;
Mais à l'aspect de sa victime
Il recule, il tombe étonné;
Sa cruauté se change en joie :
On lance sur la même proie
D'autres lions plus en courroux;
Le premier, d'un cœur indomptable,
Se range au parti du coupable,
Et seul le défend contre tous.

Autrefois du rivage more
Cet esclave avait fui les fers;
Trouvant ce lion jeune encore
Abandonné dans les déserts,
Il avait nourri sa jeunesse:
L'animal, ému de tendresse,
Reconnaît son cher bienfaiteur;
Un instinct de reconnaissance
Arme, couronne sa défense;
Il sauve son libérateur.

ODE VIII.

AU ROI STANISLAS.

FRIVOLE ivresse, vain délire,*
Remplirez-vous toujours nos chants?
Sans vos écarts, l'aimable lyre
N'a-t-elle point d'accords touchants?
Fuyez; mais vous, guidez mes traces,
Sœurs des Amours, naïves Graces;
Que le goût marche sur vos pas.
N'approuvez point ces sons stériles,
Ni ces fougues trop puériles
Que la raison n'approuve pas.

Près d'un héros chantez sans craindre;
Mêlez des fleurs à ses lauriers :
Je ne vous donne point à peindre
Sa grande ame, ses faits guerriers;

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