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Mars effrairait vos voix timides;
Laissez ces vertus intrépides
Aux accents du dieu de Claros :
Chantez sur des tons plus paisibles
Ces vertus douces et sensibles
Qui nous font aimer les héros.

Tracez l'aimable caractère

D'un prince formé de vos mains:
Stanislas... Ce nom doit vous plaire;
Rappelez ses premiers destins :
Je vous vois, brillantes déesses,
Combler son cœur de vos largesses;
Il saura gagner tous les cœurs.
De sa jeunesse fortunée
Vous avez fait la destinée;
Vous lui devez d'autres faveurs.

Aux potentats son sang l'égale :
Pourquoi n'en a-t-il pas les droits?
Il possède une ame royale;
Que ne le vois-je au rang des rois!
Graces, c'est à votre puissance
De suppléer à la naissance

Ce qu'a manqué l'aveugle sort;

Allez, recueillez les suffrages,
Soumettez-lui les fiers courages
Des plus nobles peuples du nord.

Mais déjà l'allégresse éclate;
Il paraît, il est couronné;
Il charme l'austère Sarmate
Au pied du trône prosterné :
Pour munir d'un brillant auspice
Ce choix dicté par la justice,
La Victoire y mêle la voix

D'un jeune arbitre des couronnes 1,
Moins jaloux d'occuper des trônes,
Qu'orgueilleux de faire des rois.

Sur ces deux princes magnanimes
Tout l'univers porte les yeux;
Unis par leurs exploits sublimes,
Un temps les voit victorieux...
Mais quelle soudaine disgrace!
Charles tombe, son nom s'efface,
Son pouvoir est évanoui.
O conquêtes, ô sort fragile!

1 Charles XII.

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Il avait vécu comme Achille,

Il meurt au même âge que lui.

Quelle perte pour tes provinces!
Quand la Suède pleure son roi,
Pologne, le plus doux des princes
Cesse aussi de régner sur toi.
Il t'en reste encor l'espérance...
Sois son asile, heureuse France,
Séjour des rois dans leurs malheurs :
S'il perd des sujets trop volages,
Tu lui remplaces leurs hommages
Dans ceux qu'il reçoit de nos cœurs.

Sous une couronne héritée
Souvent un roi vit sans splendeur;
Une couronne méritée

Fait la véritable grandeur:

Que Bellone ensuite ou les trames

La ravissent aux grandes ames
Qui la tenaient de l'équité,

Loin de perdre rien de son lustre,

Leur grand cœur d'un malheur illustre

Tire une nouvelle clarté.

Oui, ta fuite, injuste fortune,

N'enlève rien à la vertu :

Qu'elle abatte une ame commune,

• Stanislas n'est point abattu.

Sensible à sa valeur sublime,
Reviens et répare ton crime;
Le ciel t'en ouvre les chemins :
De son héroïque famille
Dans le sein d'une auguste fille
Il éternise les destins.

Ainsi, par d'heureux avantages,
Le sang des héros Jagellons
Va couler pendant tous les âges,
Joint au sang des héros Bourbons:
Cette source illustre et féconde
Donnera des vainqueurs au monde,
Et des maîtres à nos neveux;
Et les souverains de la France
Compteront avec complaisance
Stanislas entre leurs aïeux.

Nymphe, dont les flots tributaires Aiment à couler sous ses lois, Redis aux Nymphes étrangères Son nom, ses graces, ses exploits;

Conserve sur tes vertes rives
Ces beautés champêtres et vives
Par qui ses yeux sont réjouis :
Sans doute le fier Borysthène
Envie à ton onde hautaine
L'avantage dont tu jouis.

Reçois ces vers; et, pour les lire,
Grand roi, reprend cette douceur
Qui me permit de les écrire
Quand j'en demandai la faveur.
Rien n'est flatté dans ma peinture:
Du fade encens de l'imposture
Ton goût fut toujours ennemi;

Ma voix n'est, dans ce chant lyrique,
Que l'écho de la voix publique,
Et n'a répété qu'à demi.

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