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La Renommée et la Victoire
Vinrent dans tes déserts se choisir des héros,

Mieux formés par tes lois stoïques

Aux vertus, aux faits héroïques,

Que parmi la noblesse et l'orgueil des faisceaux.

Pour Mars tu formais, loin des villes,
Les Fabrices et les Camilles,

Et ces sages vainqueurs, philosophes guerriers,
Qui, du char de la dictature

Descendant à l'agriculture,

Sur tes secrets autels rapportaient leurs lauriers.

Trop heureux, déité paisible,

Le mortel sagement sensible
Qui jamais loin de toi n'a porté ses désirs!
Par sa douce mélancolie

Sauvé de l'humaine folie,

Dans la vérité seule il cherche ses plaisirs.

Ignoré de la multitude,

Libre de toute servitude,

Il n'envia jamais les grands biens, les grands noms; Il n'ignore point que la foudre

A plus souvent réduit en poudre

Le pin des monts altiers, que l'ormeau des vallons.

Sourd aux censures populaires,

Il ne craint point les yeux vulgaires, Son œil perce au-delà de leur faible horizon;

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Quelques bruits que la foule en sème,

Il est satisfait de lui-même

S'il a su mériter l'aveu de la raison.

Il rit du sort, quand les conquêtes
Promènent de têtes en têtes
Les couronnes du nord, ou celles du midi :
Rien n'altère sa paix profonde;

Et les derniers instants du monde
N'épouvanteraient point son cœur encor hardi.

Amitié, charmante immortelle,

Tu choisis à ce cœur fidèle

Peu d'amis, mais constants, vertueux comme lui : Tu ne crains point que le caprice,

Que l'intérêt les désunisse,

Ou verse sur leurs jours les poisons de l'ennui.

Ami des frugales demeures,
Sommeil, pendant les sombres heures

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Tu répands sur ses yeux tes songes favoris,
Écartant ces songes funèbres

Qui, parmi l'effroi des ténèbres,

Vont réveiller les grands sous les riches lambris.

C'est pour ce bonheur légitime

Que le modeste Abdolonyme N'acceptait qu'à regret le sceptre de Sidon; Plus libre dans un sort champêtre,

Et plus heureux qu'il ne sut l'être Sur le trône éclatant des aïeux de Didon.

C'est par ces vertus pacifiques,

Par ces plaisirs philosophiques,

Que tu sais, cher R***, remplir d'utiles jours
Dans ce Tivoli solitaire,

Où le Cher de son onde claire
Vient à l'aimable Loire associer le cours.

Fidèle à ce sage système,

Là, dans l'étude de toi-même, Chaque soleil te voit occuper tes loisirs: Dans le brillant fracas du monde,

Ton nom, ta probité profonde

T'eût donné plus d'éclat, mais moins de vrais plaisirs.

ODE XI.

A VIRGILE,

SUR LA POÉSIE CHAMPÈTRE.

SUSPENDS

USPENDS tes flots, heureuse Loire,

Dans ces vallons délicieux;

Quels bords t'offriront plus de gloire
Et des côteaux plus gracieux?

Pactole, Méandre, Pénée,

Jamais votre onde fortunée

Ne coula sous de plus beaux cieux.

Ingénieuses rêveries,

Songes riants, sages loisirs,
Venez sous ces ombres chéries,

Vous suffirez à mes désirs.

Plaisirs brillants, troublez les villes;

Plaisirs champêtres et tranquilles,

Seuls vous êtes les vrais plaisirs.

Mais pourquoi ce triste silence?

Ces lieux charmants sont-ils déserts ?
Quelle fatale violence

En éloigne les doux concerts ?
Sur ces gazons et sous ces hêtres,
D'une troupe d'amants champêtres
Que n'entends-je les libres airs?

Quel son me frappe ? une voix tendre
Sort de ces bocages secrets,

On soupire: pour mieux entendre,
Entrons sous ces ombrages frais.
J'y vois une nymphe affligée ;
Sa beauté languit négligée,
» Et sa couronne est un cyprès.

Seuls confidents de sa retraite,
Les Amours consolent ses maux;
L'un lui présente la houlette,
L'autre assemble des chalumeaux:
Faibles secours ! rien ne la touche,

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