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comme Phidias, qui, n'ayant pas écrit son nom sur le bouclier de Minerve, y grava son portrait.

Notre auteur, attentif à développer la naissance, le progrès, la transmigration, la décadence et le rétablissement du commerce, est enfin ravi de la découverte de deux nouveaux mondes. C'est le commerce qui, à l'aide de la boussole, fit trouver l'Asie et l'Afrique, dont on ne connoissoit que quelques bords, et l'Amérique, dont on ne connoissoit rien du tout. L'Italie, hélas ! notre belle Italie ne fut plus au centre du monde commerçant : elle fut réduite dans un coin. Mais qu'il me soit permis de faire une remarque patriotique. Comme heureusement le germe des grands génies de cette belle contrée n'est pas éteint, et, ce qui est plus, comme les vues et les desseins de ceux qui la gouvernent sont toujours d'accord avec la félicité publique, elle a lieu d'espérer de recueillir les fruits de la découverte faite par ses enfants.

Les Espagnols découvroient et conquéroient du côté de l'Occident; les Portugais, du côté de l'Orient : mais les autres nations de l'Europe ne les laissèrent pas jouir tranquillement de leurs conquêtes. Les Espagnols regardèrent les terres découvertes comme des objets de conquête; les autres nations trouvèrent qu'elles étoient des objets de commerce, et, par des compagnies de négociants et des colonies, y formèrent une puissance accessoire, sans préjudice de l'état principal.

Notre auteur fait voir l'utilité et l'objet des colonies de nos jours; en quoi les nôtres diffèrent de celles des anciens. Il explique leurs lois fondamentales, surtout pour les tenir dans la dépendance de la métropole : il relève la sagesse de ces lois par le contraste de la conduite des Carthaginois, qui, pour rendre quelques

nations conquises plus dépendantes, par un débordement d'ambition qui les dégradoit de l'humanité, défendirent, sous peine de la vie, de planter, de semer, et de faire rien de semblable; défense dont on ne peut se souvenir sans exécration.

Il se félicite de ce que l'Europe, par cette découverte du nouveau monde, est parvenue à un si haut degré de puissance, qu'elle fait le commerce et la navigation des trois autres parties du monde. L'Amérique a lié à l'Europe l'Asie et l'Afrique. Elle fournit à la première la matière de son commerce avec cette vaste partie de l'Asie qu'on appelle les Indes orientales; le métal, si utile au commerce comme signe, fut, la base du plus grand commerce de l'univers comme marchandise. La navigation de l'Afrique devint nécessaire, fournissant des hommes pour le travail des mines et des terres de l'Amérique.

Comme les Indes, au lieu d'être dans la dépendance de l'Espagne, sont devenues le principal, notre auteur n'est point surpris que l'Espagne, devenue accessoire, se soit appauvrie, malgré les richesses immenses tirées de l'Amérique, et, qui plus est, malgré son ciel pur et serein, et malgré ses richesses naturelles. Le travail des mines du Mexique et du Pérou détruit la culture des terres d'Espagne. O vous qui êtes à la tête des affaires, vous qui êtes les dépositaires des sentiments des princes et les interprètes de leur amour, écoutez ce grand principe de notre auteur: « C'est une mauvaise espèce de « richesse qu'un tribut d'accident, et qui ne dépend « pas de l'industrie de la nation, du nombre de ses habitants, ni de la culture de ses terres. »

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Notre auteur propose ici une question à examiner; savoir, si l'Espagne ne pouvant faire le commerce des

mieux qu'elle

Indes par elle-même, il ne vaudroit pas le rendit libre aux étrangers; ce qui pourtant, selon lui, ne devroit pas être séparé des autres considérations, surtout du danger d'un grand changement, des inconvénients qu'on prévoit, et qui souvent sont moins dangereux que ceux qu'on ne peut pas prévoir.

Notre auteur, après avoir traité des lois dans leur rapport avec le commerce considéré dans sa nature et ses distinctions, et avec le commerce considéré dans ses révolutions, examine les lois dans leur rapport avec la monnoie,

Il commence par expliquer la raison de l'usage de la monnoie, qui est la nécessité des échanges, vu l'inégalité des productions de chaque pays; sa nature, qui est de représenter la valeur des marchandises comme signe; sa forme, qui est l'empreinte de chaque 'état. Il examine ensuite dans quel rapport la monnoie doit être, pour la prospérité de l'état, avec les choses qu'elle représente. Il distingue les monnoies réelles des monnoies idéales. Les réelles sont, dit-il, d'un certain poids et d'un certain titre : elles deviennent idéales lorsqu'on retranche une partie du métal de chaque pièce en lui laissant le même nom. Pour que le commerce fleurisse, les lois doivent faire employer des monnoies réelles, éloignant toute opération qui puisse les rendre idéales, à moins de vouloir donner à l'état de terribles secousses; témoin les plaies profondes et cruelles qui saignent encore dans quelques pays.

que

Notre auteur nous instruit Î'or et l'argent augmentent chez les nations policées, soit qu'elles le tirent de chez elles, soit qu'elles l'aillent chercher là où il est ; et qu'il diminue chez les nations barbares.

Il fait voir que l'argent des mines de l'Amérique est

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une marchandise de plus que l'Europe reçoit en troc, et qu'elle envoie en troc aux Indes. Ainsi une plus grande quantité d'or et d'argent est favorable, si on regarde ces métaux comme marchandises : elle ne l'est point lorsqu'on les regarde comme signes, parceque leur abondance choque leur qualité de signes, qui est beaucoup fondée sur la rareté. Ainsi c'est en raison de la quantité de ces métaux que l'intérêt, de l'argent est diminué ou augmenté.

Il nous montre une grande vérité; savoir, que le prince ne peut pas plus fixer la valeur des marchandises, qu'ordonner que le rapport, par exemple, d'un à dix soit égal à celui d'un à vingt: car l'établissement d'un prix des choses dépend fondamentalement de la raison totale des choses au total des signes.

Il passe à l'article du change. Comme tout est du ressort de l'esprit lumineux de notre auteur, de sorte que la matière qu'il traite successivement paroît celle qu'il sait le mieux, il examine, il analyse, il approfondit tout ce qui a rapport au change. Le change, dit-il, est une fixation de la valeur actuelle et momentanée des monnoies. Il est formé par l'abondance et la rareté relatives des monnoies des divers pays. Il entre dans un grand détail pour montrer les variations du change, comment il attire les richesses d'un état dans un autre : il fait voir ses différentes positions, ses différents effets. Pour se faire mieux entendre, souvent il ne dédaigne pas les détails les plus minutieux, dont il profite pour s'élever aux vues générales ; il sait quelquefois même semer, pour ainsi dire, des fleurs sur les plus séches et les plus épineuses recherches de cette matière de calcul, et il est consolant de voir élever entre ses mains ces mêmes recherches à un rang si éminent,

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qu'on les honore aujourd'hui du nom de sciences.

Notre auteur, toujours persuadé que l'érudition choisie, bien loin de s'opposer à la science du gouvernement, lui prête un grand secours, à l'aide des précieux monuments de l'antiquité, examine la conduite des Romains sur les monnoies. Il reconnoît que, quand ils firent des changements là-dessus lors de la première et de la seconde guerre punique, ils agirent avec sagesse ; mais qu'on n'en doit pas faire un exemple de nos jours, vu les différentes circonstances. La monnoie haussa et baissa à Rome, à mesure que l'or et l'argent devinrent plus ou moins rares. Ainsi les Romains, dans leurs opérations sur les monnoies, ne firent que demandoit la nature des choses.

ce que

Du temps de la république, on procéda par voie de retranchement; l'état confioit au peuple ses besoins sans le séduire. Sous les empereurs on procéda par voie d'alliage. Ces princes, réduits au désespoir par leurs libéralités mêmes, altérèrent la monnoie. Ces opérations violentes, pratiquées pendant que l'empire étoit affaissé sous un mauvais gouvernement, ne sauroient avoir lieu dans ce temps-ci, où, indépendamment de la modération et de la douceur des gouvernements de nos jours, le change a appris à comparer toutes les monnoies du monde, et à les mettre à leur juste valeur. Le titre des monnoies ne peut plus être un secret. Si un état commence le billon, tout le monde continue, et le fait pour lui. Les espèces fortes sortent d'abord, et on les lui renvoie foibles. Ainsi ces sortes de violences ne feroient que dessécher les racines du commerce, et éteindre le germe même de son existence. Le change empêche les grands coups d'autorité, et rend inutiles les lois qui blesseroient la liberté de

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