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à mesure qu'ils en perdirent, faisant des associations, donnant les droits de cité et trouvant une pépinière de citoyens dans leurs esclaves: il se borne à parler de ce qu'ils firent pour réparer la perte des hommes.

Jamais les vues de sagesse et de prévoyance qui dictèrent ces lois n'ont eu une application plus nécessaire que dans les circonstances de nos jours. Ainsi il n'est point indifférent que je suive pas à pas notre auteur dans leur origine, leurs motifs, leurs avantages, leurs suites, leurs infractions. Notre auteur a été très exact à en recueillir toutes les vues, et assez sage pour en choisir les plus essentielles.

Les anciennes lois de Rome cherchèrent à détermi→ ner les citoyens au mariage. Les censeurs y eurent l'œil, et, selon les besoins, ils y engagèrent et par la honte et par les peines.

La corruption des mœurs dégoûta du mariage, et détruisit la censure elle-même.

Le nombre des citoyens fut assez diminué par les discordes civiles, le triumvirat, les proscriptions, qui, si j'ose le dire, remplirent Rome d'un deuil général et d'un désastre universel.

Pour y remédier, César et Auguste rétablirent la censure, et se firent censeurs eux-mêmes. Ils firent aussi des réglements favorables au mariage.

César donna des récompenses à ceux qui avoient beaucoup d'enfants. Attaquant les femmes par la vanité, il défendit à celles qui avoient moins de quarante-cinq ans, et qui n'avoient ni mari ni enfants, de porter des pierreries et de se servir de litière.

Auguste augmenta les récompenses et imposa des peines nouvelles. Il fit sentir aux Romains que la cité ne consistoit point dans les maisons, les portiques, leś places publiques, mais dans le nombre des hommes,

qui sont les premiers biens, et les biens les plus précieux de l'état. Il leur reprochoit le célibat où ils vivoient pour vivre dans le libertinage. « Chacun de « vous, s'écrioit-il, a des compagnes de sa table et de << son lit, et vous ne cherchez que la paix dans vos déréglements.

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Pour y remédier, il donna la loi qu'on nomma julia pappia poppaa, du nom des consuls. Notre auteur la regarde avec raison comme un code de lois, ou un corps systématique de tous les règlements qu'on pouvoit faire à cet égard. Elle fut, dit-il, la plus belle partie des lois civiles des Romains.

On y accorda au mariage et au nombre des enfants les prérogatives, c'est-à-dire tous les honneurs et toutes les préséances que les Romains accordoient par respect à la vieillesse.

On donna quelques prérogatives au mariage seul, indépendamment des enfants qui en pourroient naître; ce qu'on appela le droit des maris.

On donna d'autres prérogatives à ceux qui avoient des enfants; ce qu'on appela droit d'enfants.

On en donna de plus grandes à ceux qui avoient trois enfants; ce qu'on appela droit de trois enfants.

Notre auteur nous avertit de ne point confondre ces trois choses. « Il y avoit, dit-il, des privilèges dont les << gens mariés jouissoient toujours, comme, par exemple, une place particulière au théâtre; il y en avoit dont ils ne jouissoient que lorsque des gens qui « avoient des enfants, ou qui en avoient plus qu'eux, « ne les leur ôtoient pas, "

"

Les gens mariés qui avoient le plus grand nombre d'enfants étoient préférés, soit dans la poursuite des honneurs, soit dans leur exercice.

Le consul qui avoit le plus d'enfants prenoit le

premier les faisceaux ; il avoit le choix des pro

vinces.

Le sénateur qui avoit le plus d'enfants étoit écrit le premier dans le catalogue des sénateurs; il disoit son avis le premier.

L'on pouvoit parvenir avant l'âge aux magistratures, chaque enfant donnant la dispense d'un an.

Le nombre de trois enfants exemptoit de toutes charges personnelles.

Les femmes ingénues qui avoient trois enfants, et les affranchies qui en avoient quatre, sortoient de la tutéle perpétuelle établie par les lois.

Outre les récompenses, il y avoit des peines. Les voici :

Ceux qui n'étoient point mariés ne pouvoient rien recevoir par le testament des étrangers.

Ceux qui étoient mariés, mais n'avoient point d'enfants, ne recevoient que la moitié.

Le mari et la femme, par une exemption de la loi qui limitoit leurs dispositions réciproques par testament, pouvoient se donner le tout, s'ils avoient des enfants l'un de l'autre ; s'ils n'en avoient point, ils pouvoient recevoir la dixième partie de la succession à cause du mariage; et s'ils avoient des enfants d'un autre mariage, ils pouvoient se donner autant de dixièmes qu'ils avoient d'enfants.

Si un mari s'absentoit d'auprès de sa femme pour autre cause que pour les affaires de la république, il ne pouvoit en être l'héritier.

La loi donnoit à un mari ou à une femme qui survivoit, deux ans pour se remarier, et un an et demi pour le divorce.

Les pères qui ne vouloient pas marier leurs enfants;

ou donner des maris à leurs filles, y étoient contraints par le magistrat.

On défendit les fiançailles lorsque le mariage devoit être différé de plus de deux ans, et comme on ne pouvoit épouser une fille qu'à douze ans, on ne pouvoit la fiancer qu'à dix; car la loi ne vouloit pas que l'on pût jouir inutilement, et sous prétexte de fiançailles, [des priviléges des gens mariés.

Il étoit défendu à un homme qui avoit soixante ans d'épouser une femme qui en avoit cinquante; car on ne vouloit point de mariages inutiles après tant de priviléges.

La même raison déclara inégal le mariage d'une femme qui avoit plus de cinquante ans avec un homme qui en avoit moins de soixante.

Pour que l'on ne fût pas borné dans le choix, Auguste permit à tous les ingénus qui n'étoient pas sénateurs d'épouser des affranchies.

La loi pappienne interdisoit aux sénateurs le mariage avec les affranchies, ou avec les femmes de théâtre.

Du temps d'Ulpien, la loi défendoit aux ingénus d'épouser des femmes de mauvaise vie, des femmes de théâtre, des femmes condamnées par un jugement public. Du temps de la république, ces lois étoient inconnues, car la censure corrigeoit ces désordres, ou les empêchoit de naître.

Les peines contre ceux qui se marioient contre la défense des lois étoient les mêmes que celles contre ceux qui ne se marioient point du tout.

Les lois par lesquelles Auguste adjugea au trésor public les successions et les legs de ceux qu'elles déclaroient incapables, parurent plutôt fis ca les que poli

tiques et civiles. Ainsi le dégoût pour le mariage s'augmenta. Cela fit qu'on fut obligé tantôt de diminuer les récompenses des délateurs, tantôt d'arrêter leurs brigandages, tantôt de modifier ces lois odieuses.

D'ailleurs, les empereurs, dans la suite, les énervèrent par les privilèges des droits de maris, d'enfants, de trois enfants, par la dispense des peines. On donna le privilège des maris aux soldats. Auguste fut exempté des lois qui limitoient la faculté d'affranchir, et de celle qui bornoit la faculté de léguer.

Les sectes de philosophie introduisirent un esprit d'éloignement pour les affaires. Ces fatales semences produisirent l'éloignement pour les soins d'une famille, et par conséquent la destruction de l'espèce hu

maine.

Les lois de Constantin ôtèrent les peines des lois pappiennes, et exemptèrent tant ceux qui n'étoient point mariés que ceux qui, étant mariés, n'avoient point d'enfants.

Théodose le jeune abrogea les lois décimaires, qui donnoient une plus grande extension aux dons que le mari et la femme pouvoient se faire à proportion du nombre des enfants, comme on l'a remarqué cidessus.

Justinien déclara valables tous les mariages que les lois pappiennes avoient défendus.

Par les lois anciennes, la faculté naturelle que chacun a de se marier et d'avoir des enfants ne pouvoit être ôtée. Ainsi la loi pappienne annuloit la condition de ne se point marier apposée à un legs, et le serment de ne se point marier et de n'avoir point d'enfants, que le patron faisoit faire à son affranchi; mais on vit éma

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