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CHAP. II. - Continuation du même sujet.

Je n'entends pas ce premier chapitre.

L'esprit d'un législateur doit être la justice, l'observation du droit naturel dans tout ce qui est proprement loi. Dans les règlements sur la forme des jugements ou des décisions particulières, il doit chercher la meilleure méthode de rendre ces décisions conformes à la loi et à la vérité. Ce n'est point par esprit de

(1) Ces observations ont paru pour la première fois à la suite d'un nouveau Commentaire sur l'Esprit des Lois, imprimé à Liège en 1817, et réimprimé à Paris cette année. M. le comte Destutt de Tracy vient de donner une nouvelle édition de ce Commentaire, dont il est l'auteur.

modération, mais par esprit de justice, que les lois criminelles doivent être douces, que les lois civiles doivent tendre à l'égalité, et les lois d'administration au maintien de la liberté et de la propriété.

Les deux exemples cités sont mal choisis. La simplicité des formes n'est pas contraire à la sûreté, soit de la personne, soit des biens, pour le maintien de laquelle les formes sont établies. Montesquieu semble le croire; mais il ne le prouve nulle part, et les injustices causées par les formes compliquées rendent l'opinion contraire au moins vraisemblable.

Le second exemple est ridicule. Qu'importe à la science de composer les lois que Cécilius ou AuluGelle aient dit une sottise?

Par esprit de modération, Montesquieu n'entendroit-il pas cet esprit d'incertitude qui altère par cent petits motifs particuliers les principes invariables de la justice? (Voyez le chap. xvIII.)

CHAPITRE III. Que les lois qui paroissent s'éloigner des vues du législateur y sont souvent conformes.

Le premier devoir d'un législateur est d'être juste et raisonnable. Il est injuste de punir un homme pour n'avoir pas pris un parti, puisqu'il peut ou ignorer quel est le parti le plus juste, ou les croire tous deux coupables. Il est contre la raison de prononcer la peine d'infamie par une loi; l'opinion seule peut décerner cette peine. Si la loi est d'accord avec l'opinion, la loi est inutile; et elle devient ridicule, si elle est contraire à l'opinion.

Montesquieu ne se trompe-t-il pas sur l'intention de Solon? Il semble qu'elle étoit plutôt d'obliger le gros

de la nation à prendre parti dans les querelles entre un tyran, un sénat oppresseur, des magistrats iniques, et les défenseurs de la liberté, afin d'assurer à ceux-ci l'appui des citoyens bien intentionnés, mais que la crainte auroit empêchés de se déclarer.

C'étoit un moyen de changer en guerre civile toute insurrection particulière : mais ce motif étoit conforme à l'esprit des républiques grecques.

CHAPITRE IV.-Des lois qui choquent les vues du législateur.

Un bénéfice étant ou une fonction publique, ou une récompense, doit être donné au nom de l'état, et on doit savoir à qui l'état l'a donné. Un procès pour un bénéfice est donc une chose ridicule.

Si on regarde au contraire un bénéfice comme une propriété, et le droit de le donner comme une autre espèce de propriété, alors la loi citée est évidemment injuste.

Comment dans l'Esprit des Lois Montesquieu n'a-t-il jamais parlé de la justice ou de l'injustice des lois qu'il cite, mais seulement des motifs qu'il attribue à ces lois? Pourquoi n'a-t-il établi aucun principe pour apprendre à distinguer, parmi les lois émanées d'un pouvoir légitime, celles qui sont injustes et celles qui sont conformes à la justice? Pourquoi, dans l'Esprit des Lois, n'est-il question nulle part de la nature du droit de propriété, de ses conséquences, de son étendue, de ses limites?

CHAPITRE V.-Continuation du même sujet.

Je ne sais pourquoi Montesquieu appelle une loi ce serment qui étoit aussi imprudent que barbare. Une Joi qui ordonneroit de détruire une ville, parceque ses habitants en ont détruit une autre, peut être très injuste; mais elle ne seroit pas plus contraire aux vues du législateur que la loi qui décerne la peine de mort contre les assassins, dans la vue d'empêcher les meurtres.

Il existe près de nous tant de lois importantes qui contrarient les vues pour lesquelles le législateur les a établies, qu'il est bien étrange que l'auteur de l'Esprit des Lois ait été choisir ces deux exemples.

Cette observation se présente souvent, et l'on peut en donner la raison. (Voyez chap. xvI.)

CHAPITRE VI. - Que les lois qui paroissent les mêmes n'ont pas toujours le même effet.

La loi de César étoit injuste et absurde. Quelle étoit donc la tyrannie de cet homme si clément, s'il s'étoit arrogé le droit de fouiller les maisons des citoyens, d'enlever leur argent, etc.! et s'il n'employoit pas ces moyens, à quoi servoit sa loi? D'ailleurs elle devoit augmenter la masse des dettes, et elle n'auroit pu être utile aux débiteurs qu'en diminuant l'intérêt de l'argent. Or, la liberté du commerce est le seul moyen de produire cet effet. Toute autre loi n'est propre qu'à faire hausser l'intérêt au-dessus du taux naturel.

La loi de César n'étoit vraisemblablement qu'un brigandage, et celle de Law étoit de plus une extravagance. (Voir Dion Cassius, liv. XLI.)

CHAPITRE VII. Continuation du même sujet.

Nécessité de bien composer les lois.

L'ostracisme étoit une injustice. On n'est point criminel pour avoir du crédit, des richesses, ou de grands talents. C'étoit de plus un moyen de priver la république de ses meilleurs citoyens, qui n'y rentroient ensuite qu'à la faveur d'une guerre étrangère ou d'une sédition.

Et comment la nécessité de bien composer les lois, et, ce qui en devroit être la suite, les principes d'après lesquels on doit les composer, sont-ils établis par l'exemple de deux mauvaises lois établies dans deux villes grecques?

Il s'agit de donner aux hommes les lois les plus conformes à la justice, à la nature, et à la raison; il s'agit de composer ces lois de manière qu'elles puissent être bien exécutées et qu'on n'en abuse point; et l'auteur de l'Esprit des Lois fait l'éloge d'une loi absurde des Athéniens! Jamais d'analyses, jamais de discussions, jamais aucun principe précis; toujours un ou deux exemples qui le plus souvent ne prouvent qu'une chose, c'est qu'il n'y a rien de si commun que les mauvaises lois.

CHAPITRE VIII.

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Que les lois qui paroissent les mêmes n'ont pas toujours eu le même effet.

La liberté de faire des substitutions dérive, dans les lois romaines comme dans les nôtres, du principe que le droit de propriété s'étend jusqu'à la disposition des biens après la mort. Ce principe est assez générale

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