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lui dans les nues de longues traces de lumière qui se prolongent jusqu'au règne des ténèbres.

A ton coucher, le ciel se nuance de mille traits de pourpre, d'or, d'azur et d'argent: tu n'abandonnes l'horizon qu'après l'avoir inondé d'un déluge de feux que tu vas prodiguer à d'autres mondes; et la source de tes rayons, qui enfantent le jour et vivifient les astres de la nuit, ne tarit jamais.

Marais fangeux, lacs impurs, repaire de mille horribles reptiles, images des cœurs infectés du venin des passions, vous ne les souillez point par vos exhalaisons ces rayons si purs: s'ils vous éclairent, c'est sans se corrompre, et sans rien perdre de leur inaltérable beauté.

Ornement sacré des cieux, je te salue encare; reçois jusqu'à la fin des jours et des temps, les hommages multipliés des êtres sans nombre qui peuplent l'étendue de l'univers. Brille pendant l'espace infini des siècles avec la même splendeur; éclaire éternellement la terre, la mer et les cieux, et ne rentre jamais dans les gouffres du chaos.

Astre merveilleux, Roi du monde, sois immortel comme les Dieux; tu es leur céleste image: leur essence et leur gloire se peignent en caractère de feu dans l'éclat de ton globe éblouissant. O que ta vue élève mon âme, et qu'elle l'agrandit en lui dévoilant sa sublime origine! tu ne cesses de lui révéler la divinité. Oui, je suis le fils des Dieux; je n'ose plus en douter quand je te contemple; chacun de tes rayons est une preuve victorieuse de leur existence, une vive étincelle de leur grandeur, et le triomphe continuel de leur pouvoir suprême.

Reyrac. Hymne au Soleil.

RUINES.

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Effet pittoresque des Ruines de Palmyre, d'Egypte, etc, Les ruines, considérées sous les rapports pittoresques, sont d'une ordonnance plus magique dans un tableau, que le monument frais et entier. Dans les

temples que les siècles n'ont point percés, les murs masquent une partie du paysage, et empêchent qu'on ne distingue les colonnades et les cintres de l'édifice; mais quand ces temples viennent à crouler, il ne reste que des masses isolées, entre lesquelles l'œil découvre au haut et au loin les astres, les nues, les forêts, les fleuves, les montagnes: alors, par un jeu naturel de l'optique, les horizons reculent, et les galeries, suspendues en l'air, se découpent sur les fonds du ciel et de la terre. Ces beaux effets n'ont pas été inconnus des anciens; ils élevaient des cirques sans masses pleines, pour laisser un libre accès à toutes les illusions de la perspective.

Les ruines ont ensuite des accords particuliers avec leurs déserts, selon le style de leur architecture, les lieux où elles se trouvent placées, et les régnes de la nature, au méridien qu'elles occupent.

Dans les pays chauds, peu favorables aux herbes et aux mousses, elles sont privées de ces graminées qui décorent nos châteaux et nos vieilles tours; mais aussi de plus grands végétaux se marient aux plus grandes formes de leur architecture. A Palmyre, le dattier fend les têtes d'hommes et de lion qui soutiennent les chapiteaux du temple du Soleil. Le palmier remplace de sa colonne la colonne tombée; et le pêcher, que les anciens consacraient à Harpocrate, s'élève dans la retraite du Silence. On y voit encore une espèce d'arbres dont le feuillage échevelé, et les fruits en crystaux, forment, avec les débris pendans, de beaux accords de tristesse. Une caravanne, arrêtée dans ces déserts, y multiplie les effets pittoresques. Le costume oriental allie bien sa noblesse à la noblesse de ces ruines; et les chameaux et les dromadaires semblent en accroître les dimensions, lorsque, couchés entre de grands fragmens de maçonnerie, ces énormes animaux ne laissent voir que leurs têtes fauves et leurs dos bossus.

Les ruines changent de caractère en Egypte ; souvent elles étalent, dans un petit espace, toutes les sortes d'architectures et toutes sortes de souvenirs. Le Sphynx, et les colonnes du vieux style Egyptien

•s'élèvent auprès de l'élégante colonne Corinthienne. Un morceau d'ordre Toscan s'unit à une tour ArabesD'innombrables débris sont roulés dans le Nil, enterrés dans le sol, cachés sous l'herbe : des champs de fêves, des rizières, des plaines de trèfles, s'étendent à l'entour. Quelquefois des nuages, jetés en ondes sur les flancs des ruines, les partagent en deux moités : le Chakal, monté sur un piédestal vide, alonge son museau de loup derrière le buste d'un Pan à tête de bélier : la gazelle, l'autruche, l'ibis, la gerboise, sautent parmi les décombres; et la poule sultane s'y tient immobile, comme un oiseau hiéroglyphique de granit et de porphyre.

La vallée de Tempé, les bois de l'Olympe, les côtes de l'Attique et du Péloponèse, étalent de toutes parts les ruines de la Grèce. Là, commencent à paraître les mousses, les plantes grimpantes, et les fleurs saxatiles; une guirlande vagabonde de jasmin embrasse une Vénus antique, comme pour lui rendre sa ceinture. Une barbe de mousse blanche descend du menton d'une Hébé ; le pavot croît sur les feuillets du livre de Mnémosyne, aimable symbole de la renommée passée, et de l'oubli présent de ces lieux. Les flots de l'Egée qui viennent expirer sous de croulans portiques, Philomèle qui se plaint, Alcyon qui gémit, Cadmus qui roule ses anneaux autour d'un autel, le cygne qui fait son nid dans le sein d'une Léda tous ces accidens, produits par les Grâces, enchantent ces poétiques débris. Un souffle divin anime encore la poussière des temples d'Apollon et des Muses, et le paysage entier, baigné par la mer, ressemble au beau tableau d'Apelle, consacré à Neptune, et suspendu à ses rivages.

Chateaubriand. Génie du Christianisme.

Les Ruines de Palmyre.

Le soleil venait de se coucher; un bandeau rougeâtre marquait encore sa trace à l'horizon lointain des monts de la Syrie la pleine lune, à l'Orient, s'élevait

sur un fond bleuâtre aux planes rives de l'Euphrate ; le ciel était pur, l'air calme et serein; l'éclat mourant du jour tempérait l'horreur des ténèbres; la fraîcheur naissante de la nuit calmait les feux de la terre embrasée; les pâtres avaient retiré leurs chameaux ; l'œil n'apercevait plus aucun mouvement sur la plaine monotone et grisâtre ; un vaste silence régnait sur le désert; seulement, à de longs intervalles, l'on entendait les lugubres cris de quelques oiseaux de nuit et de quelques Chakals... L'ombre croissait, et déjà, dans le crépuscule, mes regards ne distinguaient plus que les fantômes blanchâtres des colonnes et des murs.. Ces lieux solitaires, cette soirée paisible, cette scène majestueuse, imprimèrent à mon esprit un recueillement religieux. L'aspect d'une grande cité déserte, la mémoire des temps passés, la comparaison de l'état présent, tout éleva mon cœur à de hautes pensées. Je m'assis sur le tronc d'une colonne ; et là, le coude appuyé sur le genou, la tête soutenue sur la main, tantôt portant mes regards sur le désert, tantôt les fixant sur les ruines, je m'abandonnai à une rêverie profonde.

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Ici, me dis-je, ici fleurit jadis une ville opulente ; ici fut le siége d'un Empire puissant. Oui, ces lieux maintenant si déserts, jadis une multitude vivante animait leur enceinte ; une foule active circulait dans ces routes aujourd'hui solitaires en ces murs, où règne un morne silence, retentissaient sans cesse le bruit des arts et les cris d'allégresse et de fêtes; ces marbres amoncelés formaient des palais réguliers; ces colonnes abattues ornaient la majesté des temples; ces galeries écroulées dessinaient les places publiques! Là, pour les devoirs respectables de son culte, pour les soins touchans de sa subsistance, affluait un peuple nombreux. Là, une industrie créatrice de jouissances appelait les richesses de tous les climats, et l'on voyait s'échanger la pourpre de Tyr pour le fil précieux de la Sérique ; les tissus moelleux de Cachemire pour les tapis fastueux de la Lydie ; l'ambre de la Baltique pour les perles et les parfums Arabes; l'or d'Ophir pour l'étain de Thulé.

Et maintenant, voilà ce qui subsiste de cette ville puissante, un lugubre squelette! Voilà ce qui reste d'une vaste domination, un souvenir obscur et vain! Au concours bruyant qui se pressait sous ces portiques, a succédé une solitude de mort. Le silence des tombeaux s'est substitué au murmure des places publiques. L'opulence d'une cité de commerce s'est changée en une pauvreté hideuse. Les palais des Rois sont devenus le repaire des bêtes fauves; les troupeaux parquent au seuil des temples, et les réptiles immondes habitent les sanctuaires des Dieux !.... Ah! comment s'est éclipsé tant de gloire !.......Comment se sont anéantis tant de travaux !...... Ainsi donc périssent les ouvrages des hommes! Ainsi s'évanouissent les Empires et les Nations.

Volney. Les Ruines.

Vue du Liban.

Le Liban, dont le nom doit s'étendre à toute la chaîne du Kesraouân et du pays des Druses, présente tout le spectacle des grandes montagnes. On y trouve à chaque pas ces scènes où la nature déploie, tantôt de l'agrément ou de la grandeur, tantôt de la bizarrerie, toujours de la variété. Arrive-t-on par la mer et descend-on sur le rivage? la hauteur et la rapidité de ce rempart qui semble fermer la terre, le gigantesque des masses qui s'élancent dans les nues, inspirent l'étonnement et le respect. Si l'observateur curieux se transporte ensuite jusqu'à ces sommets qui bornaient sa vue, l'immensité de l'espace qu'il découvre devient un autre sujet de son admiration. Mais, pour jouir entièrement de la majesté de ce spectacle, il faut se placer sur la cime même du Liban, ou du Sannin. Là, de toutes parts, s'étend un horizon sans bornes; là, par un temps clair, la vue s'égare et sur le désert qui confine au golfe Persique, et sur la mer qui baigne l'Europe: l'âme croit embrasser le monde. Tantôt les regards, errant sur la chaîne successive des montagnes, portent l'esprit, en un clin

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