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pour n'exister que par la volonté d'un autre ; qui sait même la prévenir, qui, par la promptitude et la précision de ses mouvemens, l'exprime et l'exécute; qui sent autant qu'on le désire, et ne rend qu'autant qu'on veut; qui, se livrant sans réserve, ne se refuse à rien, sert de toutes ses forces, s'excède, et même meurt pour mieux obéir, Le même.

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La Chèvre et la Brebis.

La Chèvre a, de sa nature, plus de sentiment et de ressource, que la Brebis; elle vient à l'homme volontiers, elle se familiarise aisément, elle est sensible aux caresses, et capable d'attachement; elle est aussi plus forte, plus légère, plus agile et moins timide que la Brebis; elle est vive, capricieuse, lascive et vagabonde. Ce n'est qu'avec peine qu'on la conduit et qu'on peut la réduire en troupeau; elle aime à s'écarter dans les solitudes, à grimper sur les lieux escarpés, à se placer et même à dormir sur la pointe des rochers et sur le bord des précipices; elle est robuste, aisée à nourrir; presque toutes les herbes lui sont bonnes, et il y en a peu qui l'incommodent. Le tempérament, qui, dans tous les animaux, influe beaucoup sur le naturel, ne paraît cependant pas dans la Chèvre différer essentiellement de celui de la Brebis. Ces deux espèces d'animaux, dont l'organisation intérieure est presque entièrement semblable, se nourrissent, croissent et se multiplient de la même manière, et se ressemblent encore par le caractère des maladies, qui sont les mêmes, à l'exception de quelques-unes auxquelles la Chèvre n'est pas sujette : elle ne craint pas, comme la Brebis, la trop grande chaleur; elle dort au soleil, et s'expose volontiers à ses rayons les plus vifs sans en être incommodée, et sans que cette ardeur lui cause ní étourdissement, ni vertiges; elle ne s'effraie point des orages, ne s'impatiente pas à la pluie, mais elle paraît sensible à la rigueur du froid. Les mouvemens extérieurs, lesquels, comme nous l'avons dit, dépendent beau

coup moins de la conformation du corps que de la force et de la variété des sensations relatives à l'appétit et au désir, sont par cette raison beaucoup moins mesurés, beaucoup plus vifs dans la Chèvre que dans la Brebis. L'inconstance de son naturel se marque par l'irrégularité de ses actions; elle marche, elle s'arrête, elle court, elle bondit, elle saute, s'approche, s'éloigne, se montre, se cache ou fuit, comme par caprice, et sans autre cause déterminante que celle de la vivacité bizarre de son sentiment intérieur; et toute la souplesse des organes, tous les nerfs du corps suffisent à peine à la pétulance et à la rapidité de ces mouvemens qui lui sont naturels.

Le même.

Le Lion et le Tigre.

Dans la classe des animaux carnassiers, le Lion est le premier, le Tigre est le second; et comme le premier, même dans un mauvais genre, est toujours le plus grand et souvent le meilleur, le second est ordinairement le plus méchant de tous. A la fierté, au courage, à la force, le Lion joint la noblesse, la clémence, la magnanimité, tandis que le Tigre est bassement féroce, cruel sans justice, c'est-à-dire sans nécessité. Il en est de même dans tout ordre de choses où les rangs sont donnés par la force; le premier qui peut tout est moins tyran que l'autre, qui, ne pouvant jouir de la puissance plénière, s'en venge en abusant du pouvoir qu'il a pu s'arroger. Aussi le Tigre est-il plus à craindre que le Lion; celui-ci souvent oublie qu'il est le Roi, c'est-à-dire, le plus fort de tous les animaux; marchant d'un pas tranquille, il n'attaque jamais l'homme, à moins qu'il ne soit provoqué; il ne précipite ses pas, il ne court, il ne chasse que quand la faim le presse. Le Tigre, au contraire, quoique rassasié de chair, semble toujours être altéré de sang; sa fureur n'a d'autres intervalles que ceux du temps qu'il faut pour dresser des embûches; il saisit et déchire une nouvelle proie avec la même rage

qu'il vient d'exercer, et non pas d'assouvir, en dévorant la première; il désole le pays qu'il habite; il ne craint ni l'aspect, ni les armes de l'homme; il égorge, il dévaste les troupeaux d'animaux domestiques, met à mort toutes les bêtes sauvages, attaque les petits éléphans, les jeunes rhinocéros, et quelquefois même ose braver le Lion.

La forme du corps est ordinairement d'accord avec le naturel. Le Lion a l'air noble : la hauteur de ses jambes est proportionnée à la longueur de son corps; l'épaisse et grande crinière qui couvre ses épaules et ombrage sa face, son regard assuré, sa démarche grave, tout semble annoncer sa fière et majestueuse intrépidité. Le Tigre trop long de corps, trop bas sur ses jambes, la tête nue, les yeux hagards, la langue couleur de sang, toujours hors de la gueule, n'a que le caractère de la basse méchanceté et de l'insatiable cruauté; il n'a pour tout instinct qu'une rage constante, une fureur aveugle, qui ne connaît, qui ne distingue rien, et qui lui fait souvent dévorer ses propres enfans, et déchirer leur mère, lorsqu'elle veut les défendre. Que ne l'eût-il à l'excès cette soif de son sang, et ne pût-il l'éteindre qu'en détruisant, dès leur naissance, la race entière des monstres qu'il produit! Le même.

La Fauvette.

Le triste hiver, saison de mort, est le temps du sommeil, ou plutôt de la torpeur de la nature; les insectes sans vie, les reptiles sans mouvement, les végétaux sans verdure et sans accroissement, tous les habitans de l'air détruits ou relégués, ceux des eaux renfermés dans des prisons de glace, et la plupart des animaux terrestres confinés dans les cavernes, les antres et les terriers, tout nous présente les images de la langueur et de la dépopulation; mais le retour des oiseaux au printemps est le premier signal et la douce annonce du réveil de la nature vivante, et les feuillages renaissans, et les bocages revêtus de leur

nouvelle parure, sembleraient moins frais et moins touchans sans les nouveaux hôtes qui viennent les

animer.

De ces hôtes des bois, les Fauvettes sont les plus nombreuses comme les plus aimables; vives, agiles, légères et sans cesse remuées, tous leurs mouvemens ont l'air du sentiment, tous leurs accens le ton de la joie, et tous leurs jeux l'intérêt de l'amour. Ces jolis oiseaux arrivent au moment où les arbres développent leurs feuilles, et commencent à laisser épanouir leurs fleurs; ils se dispersent dans toute l'étendue de nos campagnes : les uns viennent habiter nos jardins; d'autres préfèrent les avenues et les bosquets; plusieurs espèces s'enfoncent dans les grands bois, et quelques-unes se cachent au milieu des roseaux. Ainsi les Fauvettes remplissent tous les lieux de la terre, et les animent par les mouvemens et les accens de leur tendre gaîté.

A ce mérite des grâces naturelles, nous voudrions réunir celui de la beauté; mais en leur donnant tant de qualités aimables, la nature semble avoir oublié de parer leur plumage. Il est obscur et terne, excepté deux ou trois espèces qui sont légèrement tachetées, toutes les autres n'ont que des teintes plus ou moins sombres, de blanchâtre, de gris et de rous→ sâtre.....

La Fauvette à tête noire est de toutes les Fauvettes celle qui a le chant le plus agréable et le plus continu; il tient un peu de celui du rossignol, et l'on en jouit plus long-temps; car plusieurs semaines après que ce chantre du printemps s'est tû, l'on entend les bois résonner partout du chant de ces Fauvettes; leur voix est facile, pure et légère, et leur chant s'exprime par une suite de modulations peu étendues, mais agréables, flexibles et nuancées; ce cbant semble tenir de la fraîcheur des lieux où il se fait entendre; il en peint la tranquillité, il en exprime même le bonheur; car les cœurs sensibles n'entendent pas sans une douce émotion les accens inspirés par la nature aux êtres qu'elle rend heureux.

Le même.

Le Rossignol.

Il n'est point d'homme bien organisé à qui ce nom ne rappelle quelqu'une de ces belles nuits du printemps où, le ciel étant serein, l'air calme, toute la nature en silence, et, pour ainsi dire, attentive, il a écouté avec ravissement le ramage de ce chantre des forêts. On pourrait citer quelques autres oiseaux chanteurs, dont la voix le dispute, à certains égards, à celle du Rossignol; les alouettes, le serin, le pinçon, les fauvettes, la linotte, le chardonneret, le merle commun, le merle solitaire, le moqueur d'Amérique, se font écouter avec plaisir, lorsque le Rossignol se tait les uns ont d'aussi beaux sons, les autres ont le timbre aussi pur et plus doux ; d'autres ont des tours de gosiers aussi flatteurs; mais il n'en est pas un seul que le Rossignol n'efface par la réunion complète de ces talens divers, et par la prodigieuse variété de son ramage; en sorte que la chanson de chacun de ces oiseaux, prise dans toute son étendue, n'est qu'un couplet de celle du Rossignol.

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Le Rossignol charme toujours, et ne se répète jamais, du moins jamais servilement; s'il redit quelque passage, ce passage est animé d'un accent nouveau, embelli par de nouveaux agrémens: il réussit dans tous les genres, il rend toutes les expressions, il saisit tous les caractères, et de plus il sait en augmenter l'effet par les contrastes. Ce coryphée du printemps se prépare-t-il à chanter l'hymne de la nature? il commence par un prélude timide, par des tons faibles, presque indécis, comme s'il voulait essayer son instrument et intéresser ceux qui l'écoutent; mais ensuite, prenant de l'assurance, il s'anime par degrés, il s'échauffe, et bientôt il déploie dans leur plénitude toutes les ressources de son incomparable organe coups de gosier éclatans; batteries vives et légères; fusées de cbant, où la netteté est égale à la volubilité; murmure intérieur et sourd qui n'est point appréciable à l'oreille, mais très-propre à augmenter l'éclat des tons appréciables; roulades précipitées, brillantes et rapides, articulées avec force, et même

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