Images de page
PDF
ePub

loi divine; adopté par une seconde mythologie qui plaça les fées sur le trône des anciennes enchanteresses; devenu l'emblême des actions éclatantes des vaillans chevaliers, il a vivifié la poésie moderne, ainsi qu'il avait animé l'ancienne. Proclamé par la voix sévère de l'histoire, partout décrit, partout célébré, partout redouté, montré sous toutes les formes, toujours revêtu de la plus grande puissance, immolant ses victimes par son regard, se transportant au milieu des nuées avec la rapidité de l'éclair, frappant comme la foudre, dissipant l'obscurité des nuits par l'éclat de ses yeux étincelans, réunissant l'agilité de l'aigle, la force du lion, la grandeur du serpent, présentant même quelquefois une figure humaine, doué d'une intelligence presque divine, et adoré de nos jours dans de grands empires de l'Orient, le Dragon a été tout, et s'est trouvé partout, hors dans la na

ture.

Il vivra cependant toujours cet être fabuleux, dans les heureux produits d'une imagination féconde. Il embellira long-temps les images hardies d'une poésie enchanteresse; le récit de sa puissance merveilleuse charmera les loisirs de ceux qui ont besoin d'être quelquefois transportés au milieu des chimères, et qui désirent de voir la vérité parée des ornemens d'une fiction agréable. Mais à la place de cet être fantastique, que trouvons-nous dans la réalité ?Un animal aussi petit que faible, un lézard innocent et tranquille, un des moins armés de tous les quadrupèdes ovipares, et qui, par une conformation particulière, a la facilité de se transporter avec agilité, et de voltiger de branche en branche dans les forêts qu'il habite. Les espèces d'ailes dont il a été pourvu, son corps de lézard, et tous ses rapports avec les serpens, ont fait trouver quelque sorte de ressemblance éloignée entre ce petit animal et le monstre imaginaire dont nous avons parlé, et lui ont fait donner le nom de Dragon par les naturalistes. Le même.

ALLEGORIES.

1041

La Fable et l'Allégorie.

Tous les matins une jeune Déesse ouvre les portes de l'Orient, et répand la fraîcheur dans les airs, les fleurs dans la campagne, et les rubis sur la route du Soleil. A cette annonce, la Terre se réveille, et s'apprête à recevoir le Dieu qui lui donne tous les jours une nouvelle vie ; il paraît, il se montre avec la magnificence qui convient au souverain des cieux. Son char, conduit par les Heures, vole et s'enfonce dans l'espace immense qu'il remplit de flammes et de lumière. Dès qu'il parvient au palais de la souveraine des mers, la Nuit, qui marche éternellement sur ses traces, étend ses voiles sombres, et attache des feux sans nombre à la voûte cêleste. Alors s'élève un autre char dont la clarté douce et consolante porte les cœurs sensibles à la rêverie : une Déesse le conduit. Elle vient en silence recevoir les tendres hommages d'Endymion. Cet arc qui brille de si riches couleurs, et qui se courbe d'un bout de l'horizon à l'autre, ce sont les traces lumineuses du passage d'Iris, qui porte à la Terre les ordres de Junon. Ces vents agréables, ces tempêtes horribles, ce sont des Génies qui tantôt sé jouent dans les airs, tantôt luttent les uns contre les autres pour soulever les flots.

Au pied de ce côteau, est une grotte, asile de la fraîcheur et de la paix. C'est là qu'une nymphe bienfaisante verse de son urne intarissable le ruisseau qui fertilise la plaine voisine; c'est de là qu'elle écoute les vœux de la jeune beauté qui vient contempler ses attraits dans l'onde fugitive. Entrez dans ce bois sombre, ce n'est ni le silence, ni la solitude qui occupe votre esprit vous êtes dans la demeure des Dryades et des Sylvains, et le secret effroi que vous éprouvez, est l'effet de la majesté divine.

Barthélemy. Voyage d'Anacharsis.

Les Divinités de la Grèce.

[ocr errors]

L'imagination fertile des Grecs peupla l'univers d'une foule de Divinités. Cette théologie bizarre et confuse eut pourtant ses charmes. Elle fut ornée de tout ce que le goût peut enfanter de plus délicat ... L'enthousiasme de la liberté, la pureté de l'air, la variété des paysages, l'excellence des productions, les accidens de la nature, la beauté du ciel, ce délicieux concours portait aux sens des Grecs les émotions les plus voluptueuses, et disposait leur esprit aux plus brillantes images, comme leur cœur aux plus douces jouissances: pour eux la nature était vivante et animée; tout ce qui les environnait semblait doué de sentiment et d'intelligence. Le spectacle de la mer leur offrait le cortège le plus galant de Divinités c'était Neptune sur son char, c'était Amphitrite accompagnée des plus charmantes Néréides, qui parcourait légèrement sa surface. Zéphyre agitait mollement ses ondes; et si quelquefois le violent Borée bouleversait ses flots, on avait encore l'espoir de l'apaiser par des sacrifices. Le Dieu qui présidait au cours d'un fleuve, penché sur son urne et couronné de roseaux, regardait avec attendrissement les danses des Nymphes auxquelles ses ondes servaient d'asile ; les sources et les fontaines étaient des grottes de cristal, où les Naïades faisaient leur demeure; les Oréades habitaient les montagnes ; dans la solitude des forêts, on se trouvait au milieu d'une troupe de Dryades, de Faunes et de Satyres, dont la figure grotesque faisait contraste avec la taille svelte et dégagée des Nymphes qui cherchaient à éviter leurs poursuites..

Cousin-Despréaux. Histoire de la Grèce.

Le Séjour du Temps.

Sous le pôle arctique, aux extrémités du monde connu, et au couchant de l'astre du jour, est une plaine inculte et aride, où le Temps, monstre créé avec la Terre, règne despotiquement. Ce fier tyran de tout ce qui respire, élevé sur une colonne de marbre

blanc, étale sur un même front les grâces de l'adolescence et les rides de la vieillesse. Son visage miparti par une longue barbe grise, laisse voir une décrépitude parfaite à côté de l'embonpoint de la jeune virilité; son corps, toujours prêt à voler, ne porte que sur un pied, qu'il appuie légèrement sur une horloge de sable; les Heures, qui le font couler, en comptent scrupuleusement tous les grains; lui-même il tient une faulx tranchante dans ses mains; et, de ses yeux perçans, qui ne se livrent jamais au sommeil, il choisit ses victimes dans la multitude innombrable des mortels supplians qui implorent sa pitié. Mais ce monstre également dur et sourd, sans égard ni pour l'âge qu'il affaiblit, ni pour les conditions qu'il anéantit, ni pour les sexes qu'il confond, ni pour la beauté qu'il flétrit, ni pour l'esprit qu'il énerve, agitant ses ailes longues et bleuâtres, chasse loin de lui les jours, les mois, les années, et frappe indistinctement tantôt un fils unique, l'espérance de toute une famille, tantôt un Monarque chéri qu'il précipite du trône presqu'aussi-tôt qu'il y est monté quelquefois il arrache une jeune épouse du lit nuptial, et change la joie d'un doux hyménée en pompe funèbre. Souvent il épargne un vieillard caduc et goutteux, pour trancher les jours d'un jeune 'homme sain et robuste. Il ne laisse enfin tomber sa faulx meurtrière sur les vieillards qui l'environnent, que lorsque son bras appesanti de lassitude, ne peut s'étendre au loin pour choisir ses victimes: alors ils *tombent, semblables aux feuilles jaunâtres que le soufle du rigoureux Aquilon secoue des arbres sur la fin de l'automne:

Tels sont les jeux cruels qui amusent le Temps lorsque de sa faulx sanglante il frappe ses victimes. L'affreux contre-coup qui les livre à la Mort empressée de les enlever, leur ouvre ces noires barrières qui servent de porte à l'Eternité. C'est par là que les âmes entrent dans cet empire immense, d'où nul mortel ne peut revenir à la lumière. Son insatiable voracité ne se borne pas aux faibles mortels: empires, royaumes, républiques, villes, temples, pala tout éprouve sa dent de fer. Les monumens respectables de l'art ne

sont pas plus respectés que les chefs-d'œuvres de la nature autour de lui sont entassés les débris des dignités et des grandeurs humaines, couronnes fracassées, sceptres brisés, trônes mis en poudre, et sur les ruines desquels il élève d'autres trônes qu'il renverse incontinent. Il se fit un jeu d'élever les quatre grands empires du monde, de les détruire tour à tour, les uns par les autres, et d'en faire disparaître les nations. Devant lui passent rapidement toutes les générations, 'les vieillards poussés par les hommes un âge viril, et ceux-ci par des enfans. Tel est le Temps qui engloutit et dévore tout; mais à la fin des siècles, ce monstre, dévoré lui-même, expirera aux portes de l'éternité. De la Beaume.

Les Génies.

Le moment du départ étant arrivé, je sentis mon 'âme se dégager des liens qui l'attachaient au corps, et je me trouvai au milieu d'un nouveau monde de substances animées, bonnes ou malfaisantes, gaies ou tristes, prudentes ou étourdies; nous les suivîmes pendant quelque temps, et je crus reconnaître qu'elles dirigent les intérêts des Etats et ceux des particuliers, les recherches des sages et les opinions de la multitude.

Bientôt une femme de taille gigantesque étendit ses crêpes noirs sous la voûte des cieux; et étant descendue lentement sur la terre, elle donna ses ordres au cortège dont elle était accompagnée. Nous nous glissâmes dans plusieurs maisons; le Sommeil et ses ministres y répandaient des pavots à pleines mains; et tandis que le Silence et la Paix s'asseyaient doucement auprès de l'homme vertueux, les Remords et les Spectres effrayans secouaient avec violence le lit du scélérat. Platon écrivait sous la dictée du Génie d'Homère, et des Songes agréables voltigeaient autour de la jeune Lycoris.

"L'Aurore et les Heures ouvrent les barrières du Jour, me dit mon conducteur; il est temps de nous

« PrécédentContinuer »