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élever dans les airs. Voyez les Génies tutélaires d'Athènes, de Corinthe, de Lacédémone, planer circulairement au-dessus de ces villes; ils en écartent, autant qu'il est possible, les maux dont elles sont menacées. Cependant, leurs campagnes vont être dévastées; car les Génies du Midi, enveloppés de nuages sombres, s'avancent en grondant contre ceux du Nord. Les guerres sont aussi fréquentes dans ces régions que dans les vôtres, et le combat des Titans et des Typhons ne fut que celui de deux peuplades de Génies.

"Observez maintenant ces agens empressés, qui, d'un vol aussi rapide, aussi inquiet que celui de l'hirondelle, rasent la terre, et portent de tous côtés des regards avides et perçans: ce sont les inspecteurs des choses humaines; les uns répandent leurs douces influences sur les mortels qu'ils protègent; les autres détachent contre les forfaits l'implacable Némésis. Voyez ces médiateurs, ces interprètes, qui montent et descendent sans cesse ; ils portent aux Dieux vos vœux et vos offrandes, ils vous rapportent les songes heureux ou funestes et les secrets de l'avenir, qui vous sont ensuite révélés par la bouche des Oracles."

"O mon protecteur! m'écriai-je tout à coup, voici des êtres dont la taille et l'air sinistre inspirent la terreur; ils viennent à nous." "Fuyons, me dit-il ; ils sont malheureux, le bonheur des autres les irrite, et ils n'épargent que ceux qui passent leur vie dans les souffrances et dans les pleurs.'

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Echappés à leur fureur, nous trouvâmes d'autres objets non moins affligeans. Até, la détestable Até, source éternelle des dissentions qui tourmentent les hommes, marchait fièrement au-dessus de leur tête, et soufflait dans leur cœur l'outrage et la vengeance. D'un pas timide, et les yeux baissés, les Prières se traînaient sur ses traces, et tâchaient de ramener le calme partout où la Discorde venait de se montrer. La Gloire était poursuivie par l'Envie, qui se déchirait elle-même les flancs; la Vérité, par l'Imposture, qui changeait à chaque instant de masque; chaque Vertu, par plusieurs Vices, qui portaient des filets ou des poignards.

La Fortune parut tout à coup; je la félicitai des dons qu'elle distribuait aux mortels.

66 Je ne donne grosse usure." prête à En proférant ces paroles, elle trempait les fleurs et les fruits qu'elle tenait d'une main, dans une coupe empoisonnée qu'elle tomate

Alors passèrent auprès de nous deux puissantes Divinités, qui laissaient après elles de longs sillons de lumière. "C'est l'impétueux Mars et la sage Minerve, me dit mon conducteur. Deux armées se rapprochent en Béotie; la Déesse va se placer auprès d'Epaminondas, chef des Thébains; et le Dieu court se joindre aux Lacédémoniens, qui seront vaincus; car la Sagesse doit triompher de la Valeur."

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Voyez en même temps se précipiter sur la terre ce couple de Génies, l'un bon, l'autre mauvais. Ils doivent s'emparer d'un enfant qui vient de naître; ils l'accompagneront jusqu'au tombeau. Dans ce premier moment, ils chercheront à l'envi à le douer de tous les avantages ou de toutes les difformités du cœur et de l'esprit; dans le cours de sa vie, à le porter au bien ou au mal, suivant que l'influence de l'un prévaudra sur celle de l'autre.

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J'espérais entrevoir le Souverain de l'univers, entouré des assistans de son trône, de ces êtres purs que nos philosophes appellent Ombres, Idées éternelles, Génies immortels. "Il habite des lieux inaccessibles aux mortels, me dit le Génie: offrez-lui votre hommage, et descendons sur la terre."

Barthélemy. Voyage d'Anacharsis.

LES QUATRE SAISONS.

Le Printemps.

L'âme de la nature, l'aimable déesse du Printemps, a rompu les chaînes qui la retenaient captive; balancée sur l'aile des Zéphirs, elle descend du haut des cieux épurés par son haleine et réjouis de sa préUne vapeur légère, émanée d'elle et comme

sence.

traita.

imprégnée de verdure, décèle sa trace vivifiante; sa taille efface celle de la messagère des Dieux; ses rose nouvellement épanouie le cède à celui de son Upe caze verdoyante, et dont la transparence faisse deviner les appas qu'elle couvre, badine autour de son beau corps, et en caresse amoureusement les contours arrondis. Une de ses mains voltige sur la lyre de Cupidon, où ce Dieu lui-même a gravé ses triomphes. Soudain, aux doux accords de l'harmonie créatrice, deux âmes, l'une par l'autre attirées, se rapprochent et s'unissent: revêtues des formes sveltes que l'antiquité a prêtées à Psyché et à l'Amour, elles paraissent se pénétrer, et confondre dans l'ivresse extatique d'une ineffable félicité leurs plus vives affections. L'immortelle s'applaudit: ses regards, où brille une douce majesté, se reposent avec complaisance sur ces heureux objets de sa sollicitude. Mais tout ce qui respire a des droits assurés à son amour: à l'ombre des plis de sa robe flottante, et comme au fond d'un bosquet mystérieux, deux blanches tourterelles, émues par les sons de la lyre enchanteresse, se prodiguent de doux baisers. Leurs ailes, à demi déployées, s'agitent voluptueusement; chaque plume semble frissonner de plaisir. Un des replis du voile, à l'abri des caprices des Zéphyrs, sert d'asyle à un nid de fauvettes; la mère y couve les précieux fruits de ses amours, retenus encore dans leur faible prison. La fille de Vénus s'écoute préluder avec complaisance elle incline sa belle tête, où mille fleurs variées s'épanouissent et se renouvellent sans cesse ; elles lui tiennent lieu de tresses ondoyantes; elles forment seules son diadême et sa coiffure. Ici le narcisse majestueux, la renoncule, l'anémone et la tulipe orgueilleuse, rivalisent de magnificence, et se disputent le prix de la beauté ; là l'humble violette et la flexible hyacinthe brillent d'un plus doux éclat, et rehaussent, par le suave mêlange de leurs teintes azurées, la pourpre et l'or de la rose naissante. De volages papillons, des essaims bourdonnans s'enivrent des parfums qu'exhalent leurs calices. La jeune Déesse,

à la vue des prodiges qu'elle-même a opérés, sent une joie secrète inonder son cœur. Le sourire du bonheur siége sur ses lèvres vermeilles; mais son but est rempli tout jouit, tout est heureux par ses bienfaits, et la face de la nature est renouvelée.

L'Eté.

Le brûlant fils du Soleil, le radieux Eté règne à son tour ses regards majestueux et doux s'abaissent vers la terre; il vient perfectionner l'ouvrage du Printemps. Sa tête et sa poitrine robuste, siége des principes ignés, en lancent de tous côtés les émanations; des jets de flamme forment sa brillante chevelure. D'une main il retient près de lui le Sirius, qui souffle de ses nazeaux ses exhalaisons malignes; de l'autre, il verse abondamment l'urne des eaux fécondantes. Du mélange des deux principes, le chaud et l'humide, il compose les nuages orageux; il les foule de son pied puissant, et les abaisse vers la terre. La foudre et la grêle s'en échappent, et avec elles la pluie bienfaisante, dont la douce fraîcheur pénètre et réjouit le sein de la terre altérée. Mais l'orage est près de se dissiper déjà, dans une région presque dégagée de vapeurs, brille à l'œil consolé l'éclatante écharpe d'Iris. Le vêtement de l'Eté se peint de la verdure la plus vive le lézard européen, à demi caché sous ses replis obscurs, s'y tapit; et là, comme à l'ombre d'un épais buisson, il brave impunément les feux du jour. Plus loin, la cigale imprévoyante voltige et s'épuise en frivoles chansons, tandis que la fourmi laborieuse garnit en silence ses magasins. A l'autre extrémité du manteau, un reptile dangereux des contrées soumises au joug du brûlant équateur, déploie fiérement ses orbes redoublés; et, dressant sa tête audacieuse vers celle du Dien, il semble allumer, aux rayons de sa chevelure, le noir venin dont il se gonfle, et les couleurs variées de son armure étincelante. Cependant, l'Eté bienfaisanta produit son effet: du sein de ce riche vêtement qui le couvre, il laisse échapper libérale meut les moissons dorées, douce récompense dont il paie avec usure les sueurs du laboureur infatigable.

L'Automne.

Personnifié sous les traits d'une déité, le riche Automne vient enfin accomplir les promesses du Printemps; la Déesse incline son visage vermeil, et, souriant à la Terre qu'elle regarde avec une complaisance maternelle, elle partage la joie et le bonheur qu'elle lui procure; et, de sa main droite, elle secoue sa chevelure dorée, d'où s'échappe une pluie intarissable de mille fruits divers; de la gauche, elle presse avec amour sa mamelle féconde, et en fait jaillir une liqueur douce et vermeille, dont les heureux enfans de Cybèle seront bientôt abreuvés. Son vêtement se colore du vert brillant de l'Eté, où s'entremêlent cependant quelques-unes des teintes flétries dont l'Hiver, qui doit lui succéder bientôt, vient attrister la nature. Une écharpe legère, dont la couleur rappelle la tendre verdure du Printemps, entoure ses reins et se balance mollement, gonflée par les Zéphyrs, image allégorique de la seconde sève de l'année, qui paraît braver les approches de l'Hiver, et faire un dernier effort pour se soustraire à sa puissance. De ses pieds nus, colorés du vermillon des roses, et qu'un léger brouillard environne, elle foule la pourpre et l'or des raisins. Cette fille bienfaisante de l'Eté prépare ainsi ellemême la liqueur de Bacchus, ce baume salutaire qui charme les soucis des mortels, et dont la chaleur pénétrante soutient et vivifie leurs forces épuisées. Outre ces dons, l'Automne procure encore à l'homme avide de jouissances, les richesses et les plaisirs de la chasse. C'est en vain que la perdrix et le lièvre timide cherchent à éluder, sous les plis de sa robe, les poursuites de leur agile ennemi: bientôt hors d'état de fuir, ils deviendront la proie du chasseur.

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L'Hiver.

L'Hiver paraît le dernier, et vient fermer le cercle de l'année it renverse à ses pieds le flambeau d'où émane la chaleur créatrice, et en comprime les feux sans les éteindre. De l'urne de bronze qu'il tient sous son bras, il laisse échapper les trésors de la ge

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