Images de page
PDF
ePub

290

je n'aperçus en lui aucun des caractères de la majesté Royale: sans génie, sans élévation dans l'âme, esclave de ses passions, impétueux dans ses désirs, livré sans réflexion à tous ses caprices, emporté, intraitable, inhumain, aussi avide d'argent qu'indifférent pour l'honneur et la gloire, ennemi de la paix, également incapable de se gouverner et d'écouter un bon conseil ; jugez des qualités de son cœur par cet air sombre et farouche qu'il porte dans ses regards!

[graphic]

Si vous êtes obstinés à changer de Prince, si vous ne pouvez souffrir Hormisdas, il vous offre un Roi c'est un frère de Chosroès; mais il ne l'est pas d'esprit et de caractère. Plus heureux qu'Hormisdas, plus digne de régner que Chosroès, il fera révivre ces Monarques sages et généreux dont la mémoire vous est précieuse. Hélas! j'ai marché sur leurs traces. N'ai-je pas étendu leurs conquêtes? Interrogez les Turcs, qui vous paient aujourd'hui le tribut qu'ils vous avoient imposé; interrogez les Dilimnites, que j'ai forcés dans leurs montagnes à plier sous le joug qu'ils refusaient de porter; interrogez les Romains, qui pleurent la perte de Martyropolis.ogg busival only here

Mais oubliez tous mes triomphes; ce n'est plus à mes yeux qu'un songe brillant, qui ne me laisse que la misère et l'attente d'une mort cruelle. Je consens à m'oublier moi-même. C'est à vous de prendre un so sin parti dent la Perse n'ait pas à se repentir. Le Beau. Histoire du Bas-Empire.o

[ocr errors][ocr errors][merged small][ocr errors][merged small][merged small]

LECONS

DE LITTÉRATURE

ET

DE MORALE,

CARACTÈRES.

Coligny.

COLIGNY, de Condé le digne successeur,
De moi, de mon parti, devint le défenseur.
Je lui dois tout, Madame, il faut que je l'avoue ;
Et d'un peu de vertu si l'Europe me loue,
Si Rome a souvent même estimé mes exploits,
C'est à vous, ombre illustre, à vous que je le dois.
Je croissais sous ses yeux; et mon jeune courage
Fit long-tems de la guerre un dur apprentissage.
Il m'instruisait d'exemple au grand art des héros :
Je voyais ce guerrier, blanchi dans les travaux,
Soutenant tout le poids de la cause commune
Et contre Médicis et contre la fortune;
Chéri dans son parti, dans l'autre respecté,
Malheureux quelquefois, mais toujours redouté ;
Savant dans les combats, savant dans les retraites;

Plus grand, plus glorieux, plus craint dans ses défaites,
Que Dunois ni Gaston ne l'ont jamais été

Dans le cours triomphant de leur prospérité.

Voltaire. Henriade, ch. II.

Henri de Guise, le balafré.

SA valeur, ses exploits, la gloire de son père, Sa grace, sa beauté, cet heureux don de plaire Qui, mieux que la vertu, sait régner sur les cœurs, Attiraient tous les vœux par des charmes vainqueurs.

Nul ne sut mieux que lui le grand art de séduire ;
Nul sur ses passions n'eut jamais plus d'empire,
Et ne sut mieux cacher, sous des dehors trompeurs,
Des plus vastes desseins les sombres profondeurs :
Altier, impérieux, mais souple et populaire,
Des peuples en public il plaignait la misère,
Détestait des impôts le fardeau rigoureux;
Le pauvre allait le voir, et revenait heureux :
Il savait prévenir la timide indigence;

Ses bienfaits dans Paris aunonçaient sa présence ;
Il se faisait aimer des grands qu'il haïssait;
Terrible et sans retour alors qu'il offensait ;
Téméraire en ses vœux, sage en ses artifices,
Brillant par ses vertus, et même par ses vices;
Connaissant le péril, et ne redoutant rien ;
Heureux guerrier, grand prince, et mauvais citoyen.
Le même, Henriade, ch. III.

Catherine de Médicis.

SON époux, expirant dans la fleur de ses jours,
A son ambition laissait un libre cours,

Chacun de ses enfans, nourri sous sa tutelle,
Devint son ennemi, dès qu'il régua sans elle.
Ses mains autour du trône, avec confusion,
Semaient la jalousie et la division:

Opposant sans relâche, avec trop de prudence,
Les Guises aux Condés, et la France à la France;
Toujours prête à s'unir avec ses ennemis,
Et changeant d'intérêt, de rivaux et d'amis ;
Esclave des plaisirs, mais moins qu'ambitieuse;
Infidèle à sa secte, et superstitieuse ;
Possédant en un mot, pour n'en pas dire plus,
Les défauts de son sexe, et peu de ses vertus.

Le même, Henriade, ch. II.

Elizabeth et l'Angleterre.

SUR ce sanglant théâtre où cent héros périrent,
Sur ce trône glissant dont cent Rois descendirent
Une femme, à ses pieds enchaînant les destins,
De l'éclat de son règne étonnait les humains.
C'était Elizabeth; elle dont la prudence
De l'Europe à son choix fit pencher la balance,
Et fit aimer son joug à l'Anglais indomté,
Qui ne peut ni servir, ni vivre en liberté.

Ses peuples sous son règne ont oublié leur pertes ;
De leurs troupeaux féconds teurs plaines sont couvertes,
Les guérets de leurs blés, les mers de leurs vaisseaux :
Ils sont craints sur la terre, il sont Rois sur les eaux ;
Leur flotte impérieuse asservissant Neptune,
Des bouts de l'univers appelle la fortune :
Londres, jadis barbare, est le centre des arts,
Le magasin du monde et le temple de Mars.

Aux murs de Westminster on voit paraître ensemble
Trois pouvoirs étonnés du nœud qui les rassemble,
Les députés du peuple, et les grands, et le Roi,
Divisés d'intérêt, réunis par la loi ;

Tous trois, membres sacrés de ce corps invincible,
Dangereux à lui-même, à ses voisins terrible.
Heureux, lorsque le peuple instruit dans son devoir,
Respecte,autant qu'il doit, le souverain pouvoir !
Plus heureux, lorsqu'un Roi, doux, juste et politique,
Respecte, autant qu'il doit, la liberté publique !

Le même, Henriade, ch. 1.

Le Prince Eugène.

DES rives du Danube aux rives de la Seine,
La renommée alors vantait le nom d'Eugène.
Ce guerrier, du Germain guidant les étendards,
Enchaînait la victoire au trône des Césars.
Louis, souvent trompé par quarante ans d'ivresse,
Louis avec orgueil dédaigna sa jeunesse ;
Il ne crut voir en lui qu'une indiscrète ardeur,
Et d'un Héros naissaut méconnut la grandeur.
Un sujet dédaigné fut terrible à son maître :
Eugène méconnu devint plus grand peut-être,
Et son Roi, sur un trône entouré de débris,
Se repentit quinze ans d'un instant de mépris.
Politique, guerrier, ministre, capitaine,
Les dous les plus heureux s'unissaient dans Eugène ;
Terrible dans l'attaque, et ferme à résister,
Sage pour concevoir, prompt pour exécuter.
On admirait en lui, dans un jour de carnage,
Ce calme redouté, ce tranquille courage,
Ces secrets du génie et ces grands mouvemens,
Cet art qu'ont les Héros de saisir les momens ;
Ce coup-d'œil étendu qui mesure en silence,
Et va fixer au loin le destin qui balance;
Grand parmi les périls, et grand dans le repos,
Joignant le goût des arts aux talens des Héros.
La fortune, à son choix, eût fait de ce grand homme.
Ou Colbert à Paris, ou Scipion à Rome.

Thomas. Pétréïde.

Fénélon.

EPARGNEZ votre ami.

Je n'ai point eu de gloire, et cette vaine idole,
Même pour le grand homme est une ombre frivole,
On ne m'admire point; puissé-je être estimé !
Je tiens sur-tout, Delmance, au bonheur d'être aimé,
Je vais de mes destins vous faire confidence.
Je ne murmure point contre la Providence,
J'ai connu les chagrins, mais j'ai dû les souffrir;
Et tout homine ici bas doit pleurer et mourir.
Sans fatiguer les cieux de plaintes éternelles,
Nous pouvons adoucir ces épines cruelles ;
Dans le champ de la vie il faut semer des fleurs,
Et c'est nous trop souvent qui faisons nos malhenrs :
J'ai sur ces sentimens fondé ma vie entière.
Vous m'avez vu jadis entrer dans la carrière ;
L'indulgence accueillit mes timides essais;
Même dans un autre âge elle a fait mes succès.
J'ai trois ans dans l'Aunis, aux bords de la Charente,
Parmi les protestans traîné ma vie errante,
Pour appaiser des cœurs justement irrités,
Aigris par des revers qu'ils n'ont pas mérités.
Là, j'ai vu, mon ami, la misère publique,
Tous les maux qui sont nés d'un édit fanatique ;
J'ai calmé les chagrins, j'ai converti l'erreur.
Aujourd'hui, de Cambrai je suis nommé pasteur :
Quand de l'Episcopat les soins doux, mais pénibles,
Me laisseront goûter quelques momens paisibles,
Je veux de l'amitié cultiver les plaisirs,
Et d'utiles travaux rempliront mes loisirs.
Art de former l'enfance, intéressante étude,
Tu viendras de tes fleurs orner ma solitude!
Nous avons oublié la nature et ses lois ;
Les cris des préjugés ont fait taire sa voix.
Cherchant la vérité sous le voile des fables,
Conduits à la vertu par des routes aimables,
Puissent nos successeurs un jour plus éclairés,
Dissiper les erreurs qui nous ont égarés !
Pour eux aux arts brillans j'ouvrirai mon asile ;
Télémaque instruira leur jeunesse docile.
Là, mauvais courtisan, je veux peindre à la fois
Les misères du peuple et les crimes des Rois.
Là, de l'humanité je plaiderai la cause.
Au succès de mes soins si notre âge s'oppose,
S'il méconnaît encore et craint la vérité,
Peut-être on l'entendra chez la postérité.

Chénier. Fénélon, acte III.

« PrécédentContinuer »