Images de page
PDF
ePub

Peut-être sous nos yeux, d'une marche incertaine,
Deux amaus se perdront au fond de la forêt ;
Pardonnez à l'amour, ét gardez leur secret :
Ce sont-là vos Vernet, vos Poussin, vos Albane.

Les Hospices.

Fontanes. Le Verger.

JE m'éloigne, je vole aux asyles pieux,
Des besoins, des douleurs abris religieux,
Où la tendre Pitié, pour adoucir leurs peines,
Joint les secours divins aux charités humaines.
Elle-inême en posa les sacrés fondemens.

Mais de ces saints abris, ouvrage des vieux temps,
Souvent la négligence ou l'infâme avarice

A fait de tous les maux "'épouvantable hospice.
Là, sout amoucelés, daus des nurs dévorans,
Les vivans sur les morts, les morts sur les mourans ;
Là d'impures vapeurs la vie environnée,
Par un air corrompu languit empoisonnée ;
Là, le long de ces lits où gémit le malheur,
Victime des secours plus que de la douleur,
L'ignorance, en courant, fait sa roude homicide;
L'indifférence observe, et le hasard décide.

Mais la pitié revient achever ses travaux,
Sépare les douleurs, et distingue les maux,
Les recommande à l'art que sa bonté seconde ;
Tantôt, les délivrant d'une vapeur immoude,
Ouvre ces longs canaux, ces frais ventilateurs,
De l'air renouvelé puissans réparateurs.
Par elle un ordre heureux conduit ici le zèle ;
La propreté soigneuse y préside avec elle.
La vie est à l'abri du soufe de la mort ;

Grâce à ses soins pieux, sans terrreur, sans remord,
L'agonie en ses bras plus doucement s'achève.
L'heureux convalescent sur son lit se relève,
Et revient, échappé des horreurs du trépas,
D'un pied tremblant encor former ses premiers pas.
Les besoins, la douleur, la sauté la bénissent,
La terre est consolée, et les cieux applaudissent.

Delille. Poëme de la Pitié, ch. II.

L'Instinct paternel et maternel des Oiseaux.
O TOI. qui follement fais ton dieu du hasard,
Viens me développer ce nid qu'avec tant d'art,
Au même ordre toujours architecte fidèle,
A l'aide de son bec maçonne l'hirondelle !

[graphic]

A-t-elle, en le broyant, arrondi son ciment 2NIVERSITY
Et pourquoi ces oiseaux si remplis de prudence,
Ont-ils de leurs enfans su prévoir la naissance?
Que de berceaux pour eux aux arbres suspendus
Sur le plus doux coton que de lits étendus !
Le père vole au loin, cherchant dans la campagne
Des vivres qu'il rapporte à sa tendre compagne :
Et la tranquille mère, attendant son secours,
Echauffe dans son sein le fruit de leurs amours.
Des ennemis souvent ils repoussent la rage;
Et dans de faibles corps s'anime un grand courage.
Si chèrement aimés, leurs nourrissons un jour
Aux fils qui naîtront d'eux rendront le même amour.
Quand des nouveaux zéphyrs l'haleine fortunée
Allumera pour eux le flambeau d'hyménée,
Fidèlement unis par leurs tendres liens,

Ils rempliront les airs de nouveaux citoyens :
Innombrable famille, où bientôt tant de frères
Ne reconnoîtront plus leurs aïeux ni leurs pères.
Ceux qui, de nos hivers redoutant le courroux,
Vont se réfugier dans des climats plus doux,
Ne laisseront jamais la saison rigoureuse
Surprendre parmi nous leur troupe paresseuse.
Dans un sage conseil, par les chefs assemblé,
Du départ général le grand jour est réglé :
Il arrive, tout part. Le plus jeune peut-être
Demande, en regardant les lieux qui l'ont vu naître,
Quand viendra ce printemps, par qui tant d'exilés
Dans les champs paternels se verront rappelés?

Racine le fils. Relig. ch. I.

La Tendresse Maternelle.

AVEC notre existence

De la femme pour nous le dévoûment commence.
C'est elle qui, neuf mois, dans ses flancs doulourenx
Porte un fruit de l'hymen trop souvent malheureux,
Et, sur un lit cruel long-temps évanouie,
Mourante, le dépose aux portes de la vie.
C'est elle qui, vouée à cet être nouveau,

Lui prodigue les soins qu'attend l'homme au berceau.
Quels tendres soins! Dort-il? attentive, elle chasse
L'insecte dont le vol ou le bruit le menace;
Elle semble défendre au réveil d'approcher.
La nuit même d'un fils ne peut la détacher;
Son oreille de l'ombre écoute le silence;
Ou, si Morphée endort sa tendre vigilance,

Au moindre bruit rouvrant ses yeux appesantis,
Elle vole, inquiète, au bérceau de son fils,

Dans le sommeil long-temps le contemple immobile,
Et rentre dans sa couche, à peine encor tranquille.
S'éveille-t-il? son sein, à l'instant présenté,
Dans les flots d'un lait pur lui verse la santé.
Qu'importe la fatigue à sa tendresse extrême ?
Elle vit dans son fils, et non plus dans soi-même ;
Et se montre, aux regards d'un époux éperdu,
Belle de son enfant à son sein suspendu.

Legouvé. Mérite des Femmes.

Les Fleurs.

CE sol, sans luxe vain, mais non pas sans parure,
Au doux trésor des fruits mêle l'éclat des fleurs.
Là, croit l'œillet si fier de ses mille couleurs ;
Là, naissent au hasard le muguet, la jonquille,
Et des roses de mai la brillante famille,
Le riche bouton d'or, et l'odorant jasmin,
Le lis, tout éclatant des feux purs du matin,
Le tournesol, géant de l'empire de Flore,
Et le tendre souci qu'un or pâle colore;
Souci simple et modeste, à la cour de Cypris,
En vain sur toi la rose obtient toujours le prix :
Ta fleur, moins célébrée, a pour moi plus de charmes ;
L'Aurore te forma de ses plus douces larmes.

Dédaignant des cités les jardins fastueux,

Tu te plais dans les champs; amis des malheureux,
Tu portes dans les cœurs la douce rêverie ;
Ton éclat plaît toujours à la mélancolie :

Et le sage Indien, pleurant sur un cercueil,

De tes fraîches couleurs peint ses habits de deuil.

Michaud. Le Printemps d'un Proscrit, ch. II.

Les Jardins de Versailles et Marly.

LOIN de ces vains apprêts, de ces petits prodiges, Venez, suivez mon vol au pays des prestiges,

A ce pompeux Versaille, à ce riant Marli,

Que Louis, la nature et l'art, ont embelli.

C'est là que tout est grand, que l'art n'est point timide;
Là, tout est enchanté ; c'est le palais d'Armide;

C'est le jardin d'Alcine, ou plutôt d'un Héros,
Noble dans sa retraite et grand dans son repos,

Qui cherche encore à vaincre, à dompter des obstacles,
Et pe marche jamais qu'entouré de miracles.

Voyez-vous et les eaux, et la terre, et les bois,
Subjugués à leur tour, obéir à ses lois ;
A ces douze palais d'élégante structure
Ces arbres marier leur verte architecture,
Ces bronzes respirer, ces fleuves suspendus,
En gros bouillons d'écume à grand bruit descendus,
Tomber, se prolonger dans des canaux superbes ;
Là, s'épancher en nappe, ici, monter en gerbes,
Et, dans l'air s'enflammant aux feux d'un soleil pur,
Pleuvoir en gouttes d'or, d'émeraude et d'azur ?
Si j'égare mes pas dans ces bocages sombres,
Des Faunes, des Sylvains en ont peuplé les ombres ;
Et Diane et Vénus enchantent ce beau lieu :

Tout bosquet est un temple, et tout marbre est un Dieu :
Et Louis, respirant du fracas des conquêtes,

Semble avoir invité tout l'Olympe à ses fêtes,

Delille. Les Jardins, ch. I.

Les Ruines antiques.

MAIS de ces monumens la brillante gaîté,
Et leur luxe moderne, et leur fraîche jeunesse,
D'un auguste débris valent-ils la vieillesse ?
L'aspect désordonné de ces grands corps épars,
Leur forme pittoresque attache les regards;
Par eux le cours des aus est marqué sur la terre ;
Détruits par les volcans, ou l'orage, ou la guerre,
Ils instruisent toujours, consolent quelquefois.
Ces masses qui du temps sentent aussi le poids
Enseignent à céder à ce commun ravage,
A pardonner au sort. Telle jadis Carthage
Vit sur ces murs détruits Marius malheureux;
Et ces deux grands débris se consolaient entr'eux,
Liez donc à vos plans ces vénérables restes.
Et toi qui, m'égarant dans ces sites agrestes,
Bien loin des lieux frayés, des vulgaires chemins,
Par des sentiers nouveaux guides l'art des jardins,
O sœur de la Peinture, aimable Poésie,

A ces vieux monumens viens redonner la vie ;
Viens présenter au goût ces riches accidens,
Que de ses lentes mains a dessinés le temps.
Tantôt c'est une antique et modeste chapelle,
Saint asile, où jadis, dans la saison nouvelle,
Vierges, femmes, enfans, sur un rustique autel
Venaient, pour les moissons, implorer l'Eternel;
Un long respect consacre encore ces ruines:
Tantôt c'est un vieux fort, qui du haut des collines
Tyran de la contrée, effroi de ses vassaux,
Portait jusques au ciel l'orgueil de ses créneaux ;

Qui, dans ces temps affreux de discorde et d'alarmes,
Vit les grands coups de lance et les nobles faits d'armes
De nos preux chevaliers, des Bayards, des Henris;
Aujourd'hui la moisson flotte sur ses débris.
Ces débris, cette mâle et triste architecture
Qu'environne une fraîche et riante verdure,
Ces angles, ces glacis, ces vieux restes de tours
Où l'oiseau couve en paix le fruit de ses amours,
Et ces troupeaux peuplant ces enceintes guerrières, ·
Et l'enfant qui se joue où combattaient ses pères;
Saisissez ce contraste, et déployez aux yeux
Ce tableau doux et fier, champêtre et belliqueux.
Plus loin une abbaye antique, abandonnée,
Tout à coup s'offre aux yeux de bois environnée.
Quel silence! c'est là qu'amante du désert
La Méditation avec plaisir se perd

Sous ces portiques saints, où des vierges austères,
Jadis, comme ces feux, ces lampes solitaires,
Dont les mornes clartés veillent dans le saint lieu,
Pâles, veillaient, brûlaient, se consumaient pour Dieu.
Le saint recueillement, la paisible innocence
Semble encor de ces lieux habiter le silence;
La mousse de ces intrs, ce dôme, cette tour,
Les arcs de ce long cloître impénétrable au jour,
Les degrés de l'autel usés par la prière,

Ces noirs vitraux, ce sombre et profond sanctuaire
Où peut-être des cœurs, en secret malheureux,
A l'inflexible autel se plaignaient de leurs nœuds,
Et
pour des souvenirs encor trop pleins de charmes
A la religion dérobaient quelques larmes ;

Tout parle, tout émeut dans ce séjour sacré :
Là, dans la solitude en rêvant égaré,

Quelquefois vous croirez, au déclin d'un jour sombre,
D'une Héloïse en pleurs entendre gémir l'ombre.
Mettez donc à profit ces restes révérés,
Augustes ou touchans, profanes ou sacrés.
Mais loin ces monumens dont la ruine feinte
Imite mal du temps l'inimitable empreinte.

Tous ces temples anciens récemment contrefaits,

Ces restes d'un château qui n'exista jamais,

Ces vieux ponts nés d'hier, et cette tour gothiq ue
Ayant l'air délâbré sans avoir l'air antique,
Artifice à la fois impuissant et grossier:

Je crois voir cet enfant, tristement grimacier,
Qui, jouant la vieillesse et ridant son visage,

Perd, sans paraître vieux, les grâces du jeune âge.
Mais un débris réel intéresse mes yeux :
Jadis contemporain de nos simples aïeux,
J'aime à l'interroger, je me plais à le croire ;

« PrécédentContinuer »