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dit Augustin, nous sommes loin de là, et notre Afrique elle-même renferme un grand nombre de peuplades qui n'ont point encore entendu parler de Jésus-Christ. Lorsque saint Jean l'évangéliste disait: Mes enfants, nous voici à la dernière heure, il enseignait qu'on était entré dans les derniers temps: Augustin a plus d'une fois appelé le christianisme le dernier âge du monde, et Bossuet l'a répété après lui.

C'est ainsi que l'évéque d'Hippone refusait d'enfermer les destinées du genre humain dans un petit nombre de siècles; il est écrit que mille ans ne sont devant Dieu que comme un jour, et si l'on prend pour mesure l'éternité, la ruine du monde sera toujours marquée pour un terme bien prochain. A l'époque d'Augustin, il y avait déjà près de quatre siècles que le disciple bien-aimé avait parlé de la dernière heure; quatorze siècles sont passés depuis qu'Augustin parlait des derniers temps, et l'humanité marche encore! Depuis lors, Dieu n'a cessé d'envoyer ses anges, c'està-dire les prédicateurs de l'Évangile, pour rassembler ses élus des quatre coins de l'univers, et l'œuvre de réunion n'est pas achevée; des contrées nouvelles s'ouvrent à de nouveaux courages, la croix s'avance à travers le globe et trouve toujours des nations qu'elle n'a point encore bénies. Des mondes qu'Augustin ne soupçonnait pas ont reçu la bonne nouvelle, et le centre de son Afrique est aujourd'hui aussi barbare, aussi éloigné de la foi, qu'il l'était de son temps! Oui, l'àge chrétien auquel nous sommes parvenus est le dernier àge du monde; il doit amener le genre humain au plus haut point de perfection qu'il lui soit permis d'atteindre; mais combien de révolutions s'accompliront encore avant que l'unité morale soit faite dans l'univers!

CHAPITRE XLIV

L'affaire d'Apiarius. Les deux livres des Noces et de la Concupiscence..

Julien. origine.

Des mariages adultères.

Les quatre livres sur l'Ame et son

419-420

Voici une affaire dont il est resté peu de traces, mais qui eut un grand retentissement en Afrique, dans les années 418 et 419; elle tenait aux plus graves questions de discipline ecclésiastique, et fut pour l'épiscopat africain une occasion de maintenir ses usages et les décrets de ses conciles. Augustin prit part à ces débats; il s'associa à des démarches, à des décisions toutes conformes à la légalité catholique, et dont le seul but était de donner de solides garanties à la justice, à l'ordre et aux bonnes

mœurs.

Apiarius était un prètre de Sicca, ville de la proconsulaire. Convaincu de diverses fautes, il avait été déposé et excommunié par l'évêque de cette ville, Urbain, disciple d'Augustin. Soit que la procédure de l'excommunication offrît quelque irrégularité, soit que le coupable eût envie de faire du bruit en cherchant pour sa cause un plus haut tribunal, il en appela au pape; Zozime occupait la chaire de Pierre. Plusieurs conciles d'Afrique et même le plus récent concile de Carthage (418) avaient interdit ces appellations; nulle constitution ecclésiastique ne les autorisait'; les causes des ecclésiastiques devaient se juger et se terminer dans leur province; le concile de Nicée s'était prononcé dans ce sens 2. Si nous en croyons Baronius,

1 Tillemont. Mém. eccl., t. XIII.

Malgré les conciles d'Afrique et le concile de Nicée, l'Église a maintenu aux prètres un droit d'appel à Rome.

Zozime reçut l'appel d'Apiarius, et, de plus, le rétablit dans la communion catholique et la prêtrise. Trois légats eurent mission d'aller examiner l'affaire sur les lieux, et de traiter diverses questions qui naissaient du débat engagé : c'étaient Faustin, évêque de Potentia, dans la marche. d'Ancône; Philippe et Asellus, prêtres de Rome. Zozime voulait que les évêques pussent en appeler à celui de Rome, que les prêtres et les diacres excommuniés témérairement par leurs évêques eussent pour nouveaux juges les évêques voisins; il se fondait sur des canons du concile de Sardique, qu'il produisait sous le nom du concile de Nicée. Zozime menaçait de l'anathème l'évêque de Sicca, s'il ne revenait point sur ses décisions prises à l'égard d'Apiarius. Il désirait que les évêques s'abstinssent de fréquents voyages à la cour impériale; l'épiscopat africain avait, onze ans auparavant, publié un règlement sévère sur ce point.

Les trois légats déclarèrent le but de leur mission dans une assemblée d'évèques tenue à Carthage vers la fin de l'année 418; les évêques firent observer que leurs exemplaires du concile de Nicée ne renfermaient pas les canons sur lesquels se fondait Zozime; quant au concile de Sardique, l'Afrique ne connaissait pas encore ses décrets. On convint de se soumettre aux canons produits par le souverain pontife, jusqu'à ce qu'on eût pris de suffisantes informations sur le concile de Nicée. Les évêques d'Afrique écrivirent à Zozime, qui peut-être ne reçut pas leur lettre, car il mourut le 26 décembre 418.

Cinq mois après, deux cent dix-sept évêques d'Afrique se réunissaient en concile à Carthage dans la basilique de Fauste, sous la présidence d'Aurèle. Faustin était présent; Philippe et Asellus, simples prêtres, avaient leur place au-dessous des évêques. La discussion porta d'abord sur

le canon attribué au concile de Nicée et que le pape Zozime avait mis en avant dans les instructions remises aux trois légats. Alype, prenant la parole, rappela que les exemplaires grecs du concile de Nicée ne renfermaient rien de pareil; il pria le saint pape Aurèle d'envoyer à Constantinople pour consulter l'original de ce concile, et de s'adresser aux évêques d'Alexandrie et d'Antioche; Alype était aussi d'avis de supplier le pape Boniface, successeur de Zozime, de travailler de son côté à cette importante vérification. Les propositions de l'évêque de Thagaste furent accueillies. Le concile fit ou renouvela trente-trois décrets relatifs à la discipline ecélésiastique; ces canons de Carthage furent reçus de tout l'Occident; traduits en grec, ils eurent place dans la collection des canons de l'Église orientale. Ils nous représentent la vieille constitution de l'Église; ces témoignages de la liberté catholique dans l'ordre ancien font songer à l'état présent de l'Église de France, qui ne peut plus ni réunir ses pasteurs, ni juger dans ses propres causes, et qui redemande en vain les droits sacrés transmis par les siècles, conquis par les travaux des apôtres et le sang des martyrs.

Ce fut le 25 mai 419 que se tint le concile qu'on appelle le sixième de Carthage. Cinq jours après, les évêques se rassemblèrent encore dans la basilique la Restituée; les trois légats étaients présents. On y régla plusieurs affaires que nous ignorons, et comme il en restait d'autres à terminer, on décida de choisir des commissaires, afin que les évêques ne demeurassent pas trop longtemps éloignés de leurs diocèses. On nomma vingt commissaires, parmi lesquels figuraient Augustin, Alype et Possidius, représentants de la Numidie. Après que tout fut fini, une lettre au nom du concile fut adressée au pape Boniface. Les évêques laissaient voir combien il avait été difficile de résoudre les

questions posées par Zozime sans blesser la charité; ils annonçaient la conclusion de l'affaire d'Apiarius, conclusion qui n'avait eu rien de violent et pour laquelle les deux parties s'étaient rapprochées. Apiarius avait demandé pardon de ses fautes, et l'évêque de Sicca était revenu sur sa procédure. Les évêques rétablissaient le prêtre dans la communion et dans le sacerdoce, mais, en vue de la paix, ils l'éloignaient de l'Église de Sicca; ils le munissaient d'une lettre à l'aide de laquelle Apiarius pouvait exercer partout ailleurs le saint ministère. Les évêques acceptaient les décrets de Zozime en attendant leur vérification dans les exemplaires les plus complets du concile de Nicée. Une certaine vivacité de langage se montre dans leur lettre à Boniface. « Nous espérons, disent-ils, en la miséricorde « de Dieu, que, puisque vous êtes maintenant assis sur « le trône de l'Église romaine, nous n'aurons plus à souf<«<frir ce faste du siècle indigne de l'Église de Jésus-Christ, « et qu'on ne nous refusera pas la justice que la seule << raison devrait nous faire obtenir sans que nous la de«mandassions. >>

L'épiscopat africain ne s'était point trompé; les copies des actes du concile de Nicée, faites à Constantinople et à Alexandrie, n'offrirent rien de plus que les copies de Carthage. On les transmit au pape Boniface. L'Église d'Afrique garda sa coutume de juger ses prêtres définitivement et sans appel.

Sans nous arrêter au livre de la Patience, composé en 418, nous jetterons un coup d'œil sur des ouvrages plus importants qui appartiennent à l'année 419. Un écrit pélagien avait accusé l'évêque d'Hippone de condamner le mariage; un ami d'Augustin, le comte Valère, ayant eu connaissance de cet écrit, se hâta de démentir l'assertion pélagienne. De son côté, le grand docteur ne laissa pas

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