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pour lui expliquer la doctrine de l'Église sur la Trinité, et une lettre au seigneur Elpide, qui eût bien voulu, disait-il, tirer Augustin de son erreur touchant le Fils de Dieu. Le médecin Maxime avait abjuré l'arianisme en présence des évêques d'Hippone et de Thagaste. Les efforts du grand docteur prémunissaient ainsi la foi des catholiques africains contre des périls futurs.

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En 428, la question de l'arianisme se présenta d'une façon plus sérieuse qu'auparavant dans la personne de Maximin, évêque de cette secte, venu à Hippone avec le comte Ségisvult et sa troupe de Goths mis au service de la troupe impériale. Une conférence avec Maximin, commencée par le prêtre Heraclius, et continuée par Augustin, donna lieu à d'importants débats; l'assemblée était nombreuse des notaires recueillaient la discussion. Interrogé sur sa foi touchant le Père, le Fils et le Saint-Esprit, Maximin répondit que sa profession de foi était celle du concile de Rimini soutenu par cent trente évêques; il confessa un seul Dieu Père, qui n'a reçu la vie de personne; un seul Fils, qui a reçu du Père son être et sa vie ; un seul SaintEsprit consolateur, qui illumine et sanctifie les âmes. Pressé de s'expliquer sur la manière dont le Christ illumine le monde, savoir, si le Christ illumine par l'EspritSaint ou l'Esprit-Saint par le Christ, l'évêque arien, après bien des divagations, fit entendre que le Saint-Esprit est soumis au Verbe. Augustin lui montra l'inexactitude de cette parole, et ajouta quelques mots sur l'égalité des trois Personnes divines qui forment un seul Seigneur.

Il parut à Maximin que le saint docteur n'avait pas suffisamment établi la mystérieuse égalité des trois personnes.

1 Collatio cum Maximino, t. VIII, p. 650. Possidius raconte la conférence avec Maximin, dans le dix-septième chapitre de la Vie de saint Augustin. 2 L'Eglise a rejeté le concile de Rimini.

Augustin répondit que le nombre trois ne contraignait point les catholiques d'admettre trois dieux; que chacune des trois personnes est Dieu, mais que la Trinité est un Dieu unique. Si l'Apôtre, ajoutait le docteur, a pu dire avec vérité qu'après la descente du Saint-Esprit des milliers d'hommes n'avaient qu'un corps et qu'une âme, à plus forte raison pouvons-nous proclamer l'unité divine dans les trois personnes inséparablement liées par un ineffable amour! Maximin prit texte de cette observation pour appuyer ses propres pensées : « Si tous les croyants ne fai«saient qu'un cœur et qu'une âme, pourquoi ne dirions«< nous point que le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne font «< qu'un Dieu dans la convenance, l'amour et la conformité « de sentiment? Qu'a fait le Fils qui n'ait plu au Père? « Qu'a ordonné le l'ère que n'ait exécuté le Fils? Quand << donc le Saint-Esprit a-t-il donné des commandements «< contraires au Christ ou au Père? » D'après Maximin, l'Esprit-Saint est soumis au Fils, parce que son office est de gémir pour nous. L'évèque d'Hippone explique ce qu'il faut entendre par les gémissements inėnarrables du SaintEsprit, dont parle l'apôtre saint Paul.

Maximin ne voit dans les rapports du Fils et du SaintEsprit avec le Père que des rapports de prières et d'adorations, d'amour et de paix. Le seul Dieu tout-puissant, c'est le Père. Maximin veut prouver l'infériorité du Fils par tous les passages de l'Écriture qui parlent du Verbe divin comme homme. Il demande des textes qui disent qu'il n'est pas né et n'a pas eu de commencement, et que nul n'a pu voir sa face. Qu'Augustin produise des preuves, et Maximin deviendra volontiers son disciple. L'évêque arien adorait le Christ comme auteur de toute créature, et notre docteur, dans sa réponse, montre à Maximin qu'il proclame ainsi deux dieux, deux seigneurs; l'un plus grand, l'autre

moindre. Il lui dit que le Christ fut visible comme homme, mais qu'il demeura invisible comme Dieu. Dans sa nature divine, le Christ est égal au Père, également Dieu, également tout-puissant, également immortel. S'il est vrai que l'âme ne puisse pas mourir, pourquoi le Verbe serait-il mort? Pourquoi la sagesse de Dieu, incarnée dans l'HommeDieu, serait-elle morte? Jésus a dit : Mon Père et moi nous ne faisons qu'un; l'Apòtre a dit en parlant du Sauveur : Il n'a pas cru rien usurper en se proclamant égal à Dieu'.. C'était sa nature et non point un vol. Il n'a point usurpé cela, il est né cela 2. L'infériorité du Verbe a commencé le jour qu'il a pris la forme d'un esclave. Les raisonnements d'Augustin sont les mêmes que ceux dont nous avons donné l'analyse dans le chapitre sur le traité de la Trinité. En finissant, l'évêque d'Hippone demande à Maximin plus de sobriété dans la parole 3. Maximin, dans sa réplique, d'une longueur démesurée 1, adore le Christ à la manière de saint Paul, dit-il, qui nous montre tous les genoux fléchissant devant Jésus au ciel, sur la terre et aux enfers. Le Christ doit au Père ces merveilleux priviléges. Maximin désirerait des témoignages qui pussent établir l'adoration due à l'Esprit-Saint; il fait observer que le Père n'a pris ni la forme d'un esclave comme le Fils, ni la forme d'une colombe comme le Saint-Esprit; il est Celui qui ne change point.

La réplique de Maximin avait pris tout le temps qui restait pour la conférence; l'évêque d'Hippone put à peine ajouter quelques mots. Maximin avait dit que le docteur

1 Philip., II, 6.

2 Natura enim erat, non rapina; non enim usurpavit hoc, sed natus est hoc.

3 Si non vis esse discipulus, noli esse multiloquus.

4 Cette réplique tient quatorze colonnes in-folio.

parlait avec l'appui des princes, et non point selon la crainte de Dieu. « Celui-là ne craint pas Dieu, répondit le saint << vieillard, qui introduit deux dieux et deux seigneurs. » Il invita son adversaire à croire afin de voir: Crede et videbis Tous les deux signèrent ensuite les actes de la conférence; Augustin promit de reprendre la discussion dans un écrit, car Maximin voulait retourner tout de suite à Carthage. Celui-ci s'engagea à répondre à cet écrit sous peine d'être déclaré coupable, et l'assemblée se sépara.

Le verbeux évêque de l'arianisme entassait les citations de l'Écriture sans but précis, répandait des torrents de phrases pour prouver ce qui n'avait pas besoin de preuves, et laissait de côté la question même à laquelle il fallait donner une solution. Il flottait devant le grand logicien d'Hippone comme quelque chose d'insaisissable et de confus; le docteur était tour à tour condamné à courir après lui pour le retenir dans les limites de la discussion, et à subir un déluge de mots qui rendait peu facile la netteté des réponses. Le reproche de multiloquus parut lui déplaire, mais ne changea rien à sa prolixité vagabonde. Les discours de Maximin donnent d'ailleurs l'idée d'un homme habile et fin, instruit dans les Écritures, et d'un orgueilleux aplomb. Revenu à Carthage, il parla de la conférence d'Hippone comme d'une victoire qu'il venait de remporter; il chantait la défaite de son adversaire, mais on croyait trop au génie et à la cause du grand évêque pour croire au triomphe de Maximin.

Augustin tint sa promesse ; il écrivit aussitôt deux livres ' adressés à l'évêque arien, sous la forme épistolaire. Dans le premier livre, il fit voir que rien de ce qu'il avançait n'avait été réfuté par Maximin; dans le deuxième livre, il

1 Deux livres contre Maximin hérétique, évéque des ariens. Tome VIII, page 678.

démolit pièce à pièce toutes les assertions de l'évêque hérétique, et ses dernières pages sont une fraternelle invitation à la foi catholique. Maximin ne répondit point; son silence fut celui d'un vaincu, et l'Afrique chrétienne eut le droit de le croire coupable (culpabilis), comme il l'avait dit lui-même en signant les actes de la conférence d'Hippone.

CHAPITRE LIII

La Révision des ouvrages de saint Augustin.

Le livre des Hérésies, à Quod vultdeus. Les lettres de saint Prosper et d'Hilaire, et les semipélagiens des Gaules. Les deux livres de la Prédestination des saints et du Don de la persévérance.

428-429

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La puissante universalité de l'intelligence d'Augustin a rencontré des contradicteurs qui ont parlé en ces terOui, cet homme a touché à tout; mais que de choses sur lesquelles il s'est trompé ! et la preuve ce sont ses rétractations qui tiennent tant de place! - Voilà ce que la mauvaise foi a voulu accréditer, et ce que l'ignorance répète; et du reste la première cause de cette fausse opinion est peut-être le sens inexact que des traducteurs, des commentateurs et des compilateurs ont attaché au mot recensione. De Recensione librorum, tel est le titre de l'ouvrage d'Augustin dont il s'agit ici. Le mot ne signifie point rétractation, mais révision ou revue. Au lieu d'un penseur malheureux qui se trouverait condamné à revenir sur la plupart des choses qu'il a dites, nous sommes en présence d'un grand homme, aussi admirable par sa conscience que par son génie, travaillé de scrupules aux approches de la

1 De Recensione librorum, t. I, edit. Bened.

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