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avoir délivrés du joug des infidèles. David fit réparer et rebâtir toutes les villes et les villages qui avoient été détruits ou ruinés, et obtint ainsi le surnom d'Aghina-schenebali, qui signifie réparateur. A son avénement au trône, son peuple étoit, pour ainsi dire, obligé de se cacher dans quelques forteresses et dans quelques vallées situées au milieu des montagnes. Son premier soin fut de chasser les Musulmans des terres qu'ils avoient conquises sur les bords du Mikvari [le Kour], de l'lori et de l'Alasani; il vainquit en peu de temps les Turks, qui désoloient la Géorgie par leurs continuelles invasions; battit les Persans devant Téflis et Rousthavi, conquit la forteresse de Samschvildé, et procura une profonde paix à son pays; puis il envoya son fils Démétrius [Dimitri] dans le Schirwan, qu'il occupa à main armée. Pour remettre la Géorgie dans un état florissant, il avoit soin d'être présent par-tout; il entra ainsi en personne, à la tête de son armée, dans la ville Persane de Kabalah, qu'il avoit conquise. En s'en retournant, il vint dans l'Anatolie, alors soumise aux Turks, et conquit tout le pays situé sur les bords du Pont-Euxin, jusqu'à Trébisonde. Lorsqu'il rentroit dans la Géorgie, pour punir les Arméniens d'une invasion hardie qu'ils avoient faite dans ses états, il leur prit Ani, alors au pouvoir des Persans, et gouvernée par un roi Arabe nommé Dourbes. Ce prince revint avec une puissante armée vers la Géorgie, pour reprendre ses états; mais le valeureux roi David marcha en avant avec des troupes inférieures en nombre, battit complétement le général ennemi, et prit les villes de Karabagh et de Berbend. Il mourut en l'an 1130. L'église de Géorgie honore encore sa mémoire comme celle d'un saint, à cause de ses vertus extraordinaires et des services qu'il a rendus à sa patrie.

(2) Ce prince est George II, fils de Bagrat IV, dont nous avons souvent parlé dans les notes du chapitre précédent; ce fut sous son règne que les Turks Seldjoukides s'emparèrent de la plus grande partie de la Géorgie. Il régna, selon les auteurs Géorgiens, depuis l'an 1072 jusqu'en l'an 1089. (Klaproth, Reise in den Kaukasus und nach Georgien, tom. II, p. 174 et 175.)

(3) J'ignore si ce personnage est le même qu'Ivané, fils de Libarid, dont nous avons déjà parlé, ou un de ses descendans. Il nous paroît peu vraisemblable que ce soit le fils du fameux Libarid, qui, ayant une vingtaine d'années en 1058, auroit pu difficilement prendre une part

active à des guerres faites plus de soixante-dix ans après; il est bien plus probable que c'étoit son petit-fils, qui portoit son nom, selon l'usage presque constant des Arméniens et des Géorgiens. Ce qui nous donne encore lieu de le croire, c'est que Samuel d'Ani (ms. Arménien, n.o 96, folio 40 verso) fait mention, entre ces deux époques, d'un prince nommé Libarid, qui, en l'an 531 de l'ère Arménienne [1082 de J. C], embrassa le musulmanisme. Il étoit sans doute le fils du premier Ivané, qui s'étoit allié avec les Musulmans, et le père du dernier, dont il est question dans cet endroit.

(4) Ces exploits, dont notre historien donne la gloire à Ivané Orpélian, sont mis par tous les autres sur le compte du roi David II; mais il est cependant possible qu'il y ait pris une très-grande part en qualité de son connétable. Selon les historiens Arméniens (Tchamtchéan, Histoire d'Arménie, tom. III, p. 43), l'émir Ilghazy, fils d'Ortok, qu'ils appellent Elkhazi, huh, vint, en l'an 1121, attaquer la Géorgie avec une armée de trente mille hommes; il fut vaincu par le roi David, et obligé de prendre la fuite avec les débris de ses troupes. En apprenant ce revers, un prince que les Arméniens appellent Up, Melik'h, et que je crois être Thoghrul-Begh, Seldjoukide, qui possédoit Nakhidchevan (parce qu'ils ne lui donnent que le titre d'ischkhan, 2), rassembla une armée bien plus considérable, pénétra dans la Géorgie et jusqu'à Téflis, auprès de la montagne de Tégor, knp. David vint à sa rencontre à la tête d'un grand nombre de Géorgiens, d'Alains et d'autres montagnards; le battit, et le chassa devant lui jusqu'à la principauté d'Ani. L'année suivante, 1122, le même prince revint avec quatre-vingt mille hommes, et passa le Kour sur un pont; David le traita de la même façon, le chassa de ses états, et reprit toutes les villes de la Géorgie qui avoient été possédées par ses aïeux. Il conquit aussi beaucoup de villes et de forteresses dans les provinces de Koukarie et d'Oudie, qui avoient appartenu aux rois Arméniens de l'Albanie, telles que Kat, Dérounagan, Davousch, Gaïéan, Gaïdzon, Lorhi, Daschir et Mahganapert. On voit par ce récit que les Musulmans auroient été les agresseurs,

tandis

que ç'auroit été tout le contraire selon les écrivains Arabes et

Syriens. Nous observerons à ce sujet qu'il est fort probable que c'est l'extrême accroissement de forces qu'avoit pris le roi David, et les avantages qu'il avoit déja remportés sur les Turks dans l'in

térieur de la Géorgie, qui amenèrent l'expédition d'Ilghazy et les guerres qui conduisirent David dans l'Arménie, sur les pas des Turks fugitifs. Samuel d'Ani parle très-brièvement de toutes ces expéditions (ms. Arménien, n.o 96, folio 42 recto); il dit qu'en l'an 569 de l'ère Arménienne [1120 de J. C.], le roi David vainquit Elkhazi et Melek'h, up; et en l'an 571 {1122 de J. C.], il met la prise de Téflis, qui fut suivie en l'an 573 [1124 de J. C.] de celle de Kat, de Dérounagan et d'Ani. Abou'lfaradj dit, dans sa Chronique Syriaque (p. 302, et vers. Latine, p. 308), que Mahmoud, sultan des Sel- . djoukides, envoya, en l'an 1433 de l'ère des Séleucides [ 1121 et 1122 de J. C.], une nombreuse armée de Turks en Géorgie, qui fut détruite en grande partie par le roi de ce pays, dans les défilés des montagnes. Le même auteur en parle plus au long dans sa Chronique Arabe (texte Arabe, p. 377 et 378, vers, Latine, p. 248 et 249); il dit qu'en l'an 514 de l'hégire [1120 et 1121 de J. C.], les Géorgiens, qu'il confond avec les Khazars,, joints aux peuples du Kaptchak et à d'autres nations, repoussèrent les Musulmans, commandés par l'émir Il-ghazy, par Dobaïs, fils de Sadakah, et par le roi Thoghrul, qui possédoit Nakhidchevan et l'Aran, K, Jb elut . Ils s'étoient avancés jusqu'à Téflis, au nombre de plus de trente mille hommes, et ils éprouvèrent une entière défaite. Abou❜lféda se contente de dire (Annal. Mosl. tom. III, p. 398) qu'en l'an 514 de l'hégire [1120 et 1121 de J.-C.], les Géorgiens firent une invasion sur le territoire des Musulmans, et prirent Téflis.

الملك طغرل

(5) La ville de Téflis n'avoit pas été conquise par les Seldjoukides sur les rois de Géorgie; elle étoit depuis long-temps au pouvoir des Musulmans. Selon Ibn-alathir, le Turk Bougha, général du khalife Motawakkel, s'en étoit emparé en l'an 238 de l'hégire [852 et 853 de J. C. J. (Ms. Arabe non coté, tom. II, folio 21 verso ). Abou❜lfaradj parle aussi de cette conquête, mais sans en indiquer l'époque d'une manière précise. (Chronique, texte Syriaque, p. 163, vers. Lat. p. 166; Chronique Arabe, texte, p. 260, et vers. Lat. p. 169 et 170.) Elle resta aux Musulmans jusqu'à ce que David II s'en rendit maître. Sous leur domination, elle étoit le chef-lieu d'un canton qui s'appeloit Jules, Tsoghr-Téflis [la frontière militaire de Téflis]. (Abou’lféda, Géogr. ms. Arabe, n.o 578, folio 98 recto.) Il paroit que le siége

de Téflis fut long. Notre auteur met sa prise en l'an 1123 nous avons déja vu que, selon Samuel d'Ani, ce fut en l'an 1124; mais suivant les écrivains Arabes, ce seroit plutôt; car, selon Abou❜lféda, ce fut en l'an 514 de l'hégire [1120 et 1121 de J. C.]; et Abou'lfaradj (Chronique Arabe, texte, p. 378, version Latine, p. 249) dit d'une manière plus précise que le siége commença en l'an 514, et que la ville fut prise en l'an 515 [1121 et 1122 de J. C.], ce qui nous fait croire qu'il faut placer cet événement en l'an 1121.

(6) Selon Samuel d'Ani (ms. Arménien, n.° 96, folio 41 recto), la ville de Lorhé étoit tombée au pouvoir des Musulmans en l'an 554 de l'ère Arménienne [1105 de J. C.]; elle avoit été prise par un général appelé Kizil ou Khezel, Juq, qui avoit brûlé en même temps les deux monastères d'Haghpad et de Sanahin, qui sont dans le voisinage.

(7) Samuel d'Ani place la conquête d'Ani en l'an 573 de l'ère Arménienne [de J. C. 1124]. (Ms. Arménien, n.o 96, folio 42 recto). Elle étoit alors possédée par une famille d'origine Korde, qui la tenoit en fief des sultans Seldjoukides. Nous avons dit, dans notre premier volume, P. 434, que nous ne connoissions cette race que par les écrivains Arméniens, et que nous ne pouvions pas, par conséquent, donner l'orthographe exacte des noms de ses princes. Nous avons trouvé depuis un passage du Kamel-altewarikh d'Ibn- alathir (ms. Arabe, non coté, tom. IV, folio 202 recto) qui en fait mention, et qui nous apprend que le premier émir de cette ville, appelé par les Arméniens Manouché, nt, portoit réellement le nom Persan de Menoutcheher, ou Menoudjeher, . Il étoit frère de Fadhloun,

(en arménien, n, P'hadoun), émir de Tovin, de la tribu des Kurdes Rewady, . Voici comment Ani tomba au pouvoir des Géorgiens, selon Vartan, cité par Tchamtchéan (Histoire d'Arménie, tom. III, p. 44). Les habitans d'Ani et de Schirag, ruinés par les courses des Musulmans, étoient gouvernés par Abou'lsewar, fils de Manoutché ou Menoutcheher, homme sans courage, qui vouloit céder sa souveraineté à l'émir de Kars pour soixante mille dinars. Les habitans d'Ani, informés de son projet, livrèrent leur ville à David, roi de Géorgie, qui emmena Abou'lsewar prisonnier, et confia la défense de cette place à Abouleth et à son fils Ivané, généraux célèbres par les services qu'ils avoient rendus dans les guerres précédentes. Selon Samuel d'Ani (ms.

Arménien, n.o 96, folio 42 recto et verso), les habitans d'Ani et de Schirag, las des ravages et du joug des Musulmans, livrèrent leur ville et leur prince Abou'lsewar au roi David. Abou'lsewar mourut peu après en Géorgie avec deux de ses fils, qui avoient été emmenés captifs avec lui. On peut voir dans notre premier volume, p. 379, comment la ville d'Ani fut reconquise, après un long siége, par Fadhloun, fils aîné d'Abou'isewar.

(8), Tarpas, nommé par les Géorgiens Darbas. Cet endroit est marqué sur les cartes de la dernière édition de l'atlas Russe; il est situé un peu au sud-ouest de Lorhé ou Lori. Pupun signifie en arménien palais, cour royale; il est le même que les mots Persans 8jl,♪ et j, Derwazeh et Derwaz, qui ont à-peu-près le même sens. On le trouve plusieurs fois dans cette Histoire avec cette signification. Peutêtre le lieu nommé Tarpas n'avoit-il reçu ce nom que parce que les princes Orpélians, ou peut-être d'autres avant eux, y avoient tenu leur cour.

(9) On voit par les extraits de l'Histoire de Géorgie, relatifs à David II, que j'ai rapportés plus haut, que ce prince fit sur les Turks la conquête de Samschvildé, qui avoit été usurpée par le roi de Géorgie Bagrat IV, après l'assassinat de Libarid, et qui étoit ensuite tombée au pouvoir des Turks: il n'est pas alors étonnant que le roi en ait rendu la possession aux princes Orpélians par une patente royale.

(10) Dans le texte, #2, sidchil, patente ou édit royal, mot qui ne se trouve point dans les dictionnaires, soit de la langue littérale, soit de la langue vulgaire. On le retrouve encore dans ce même ouvrage, chapitre VII, p. 138 de cette édition. Dérivé du latin sigillum, ce mot s'est assez éloigné de son sens primitif. Éléazar Schamir l'explique par ipsшh, mourhag, qui signifie édit royal, ordonnance. s mouhr, en persan, signifie cachet. Dans une ordonnance rendue par le roi d'Arménie Léon III, en l'an 1288, en faveur du commerce des Génois, dont nous donnerons le texte et la traduction dans le onzième volume des Notices et extraits des manuscrits, on trouve le même mot écrit pqkq, sikegh, et employé avec le même sens. On le rencontre avec la même signification dans le grec du Bas-Empire. Voyez du Cange, sub voce Znimiov

(11) Nous avons vu que, selon les Géorgiens, David II mourut en

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