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que le Djénasdan étoit à l'orient, à l'extrémité du monde connu, et il ajoute la circonstance qu'il étoit très-fertile en soie (1). Depuis le 1x. siècle, la tradition n'a jamais été interrompue; les Orientaux ont toujours connu la double route de terre et de mer, qui conduisoit dans ce pays. Cette connoissance même passa chez les Occidentaux: Marc Paul alla en Chine en traversant l'Asie, et en revint par la mer des Indes; des missionnaires et d'autres voyageurs, au contraire, y allèrent par cette mer et en revinrent par la Tartarie. Ce qui s'est fait depuis le IX. siècle, a dû se faire antérieurement. Nous aurons bientôt la preuve, par un grand nombre de faits, que les mèmes relations, soit politiques, soit commerciales, ont toujours uni les deux extrémités de l'Asie, et qu'elles se sont connues réciproquement.

Le plus ancien auteur Arménien qui parle du Djénasdan avec quelques détails, est Moyse de Khoren, qui a dû écrire son histoire peu après l'an 440: il avoit sans doute puisé ce qu'il en raconte, dans des auteurs plus anciens que lui. On va voir, par la description qu'il en fait, si on peut raisonnablement l'appliquer à un autre pays que la Chine. Le peuple dont il parle étoit un peuple civilisé, et jamais il n'y en a eu d'autres que les Chinois à l'extrémité de l'Asie. Les habitans du Djénasdan, dit-il, étoient le plus pacifique des peuples de la terre (2) c'est peu de les appeler amis de la paix, il joint à cette épithète celle d'amis de la vie (3), qui n'a pas besoin de commentaire. En parlant ensuite des diverses sortes d'ani

(1) Voyez ci-après cet ouvrage.

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(2) Եւ զի, քան զամ` բնակեալս ի վր երկրի, ասեն՝ խաղաղասէր q quran kummairing, &c: Mos. Khor. lib. II, cap. 78, p. 206. (3) Են խաղաղասէր, արդարեւ կենասէր աղգ Ճենաց : lbid.

maux qui se trouvent dans ce pays et de ses productions naturelles, il a soin de remarquer qu'il fournit beaucoup de soie, բազմամետաքս. Plus loin il observe que ces_robes superbes, dont peu de personnes pouvoient faire usage parmi les Arméniens, étoient là communes à toutes les classes du peuple (1).

La famille des Orpélians n'étoit pas la seule qui étoit venue de la Chine s'établir dans l'Arménie. Une race puissante, qui, sous le nom de Mamigonéans, joua un rôle important dans l'histoire de l'Arménie, dont elle défendit pendant plusieurs siècles l'indépendance et la religion contre les attaques des Persans, en tiroit aussi son origine. Comme c'est deux siècles environ avant Moyse de Khoren, que les Mamigonéans s'établirent en Arménie, et que cet historien étoit né dans un bourg qui faisoit partie de leur principauté, il est fort probable que c'est de ces princes eux-mêmes, ou bien des descendans des Chinois qui les avoient accompagnés, qu'il tenoit les détails qu'il nous fournit sur le Djénasdan. Voici, selon cet historien, le récit des événemens qui les forcèrent d'abandonner leur patrie, pour venir en Arménie:

« Pendant les dernières années de la vie d'Ardeschir, un >> certain Arpog étoit djenpagour; c'est ainsi que, dans leur langue, les peuples du Djénasdan appellent le titre royal; il

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» avoit deux neveux, Peghtokh et Mamkon, qui étoient des » princes distingués. Peghtokh calomnia Mamkon, et le roi Arpog ordonna de le faire mourir. Quand Mamkon en fut » informé, il ne se rendit pas à l'invitation du roi, qui l'appe'oit auprès de lui, mais, au contraire, il se sauva avec les siens

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(1) իսկ՝ պատուականք առաւել զդեստուց, եւ սակաւուց ազատ նելիք՝, հասարակաց նց է զգեստ : Mos. Khor. lib. 11, cap. 78, P. 206.

» et se réfugia auprès d'Ardeschir, roi de Perse. Arpog envoya » des ambassadeurs pour le redemander; mais comme Ardes>> chir ne fit pas d'attention à sa demande, le roi du Djénasdan » se prépara à lui faire la guerre. Ardeschir mourut alors, et » Schabouh (Schahpour) lui succéda. Ce prince ne livra » pas Mamkon à son souverain; mais il ne lui permit pas de » rester dans la Perse, et il l'envoya comme en exil auprès » de ses gouverneurs en Arménie: puis il fit dire au roi du » Djénasdan de ne point s'inquiéter de ce qu'il n'avoit pu >> remettre Mamkon entre ses mains, parce que son père » avoit juré par la lumière du soleil de le protéger. Je pense >> avoir assez fait pour vous, ajoutoit-il : je l'ai chassé de mes >> états; je l'ai envoyé à l'extrémité de la terre, au lieu où le soleil » se couche, ce qui est comme une mort certaine. Qu'il n'y ait » donc pas de guerre entre vous et moi. Comme les habitans » du Djénasdan sont, à ce qu'on dit, les plus pacifiques des >> habitans de la terre, on se contenta de cette explication » pour faire la paix (1).

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(1) Յամս կատարման կենաց ||րտաշրի, Արբոկ ոմն Ճենբակուր, ոպ՝ ասի ի նց լեղուն, պատիւ թադաւորութե. սորա երկու եղբօր որդիք, Բղդոխ, եւ Մամգոն՝ անուն կոչեցեալ, մեծ նախարարք. եւ չարախօսեալ Բղդոխայն զՄամգոնայն. հրամայեաց Արբոկ, Թագաւորն Ճեաց սպանանել զՄամգոնն. զոր իմացեալ Մամգոնայն, ոչ գայ ՛ի կոչ արքայի, այլ փախուցեալ աղխիւ իւրով, անկանի առ Ար տաշիր՝ թագաւոր Պարսից. եւ Արբոկ Հրեշտակս - առաքէ՝ խնդրել զնա, եւ ի չլսել Արտաշրի, պատերազմ` ի վը նր յօրինէ թագաւորն Ճենաց, եւ իսկոյն՝ մեռեալ Արտաշրի, թագաւորէ Շապուհ: Արդ՝ թէպէտ եւ ոչ տայ Շապու ղՄամգոնն `ի ձեռս տեաուն իւրոյ, այլ՝ եւ ոչ սիրեաց երկրին Թողու, բայց ամ՝ աղխիւն իւրով առաքէ զնա, իբրեւ՝ զվտարանդի, գործակալ իւր, յաշխարհիս Հայոց, եւ յղէ՝ թագաւորն Ճենաց՝, ասելով՝, թէ դ թուեսցի քեզ դժո ւարին, զի ի ձեռս քո ոչ կարացի տալ զՄամգոն, եւ վս ղի՝

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Mamkon, forcé de quitter la Perse pour habiter l'Arménie, alla à la rencontre de Tiridate, roi d'Arménie, quand il rentra dans son pays et qu'il remonta sur le trône de ses pères, dont il avoit été dépouillé par les Persans; ce qui arriva en l'an 259 de J. C. Mamkon abandonna les troupes Persanes, et se mit à son service avec tous les siens. Tiridate le reçut avec distinction, mais il ne le conduisit pas avec lui pour combattre les Persans; il lui donna un lieu pour y habiter avec sa famille, et lui fournit des provisions. Mamkon et ses Chinois menèrent pendant plusieurs années une vie errante (1), jusqu'à ce que Tiridate leur donna la province de Daron, possédée par les Selgouniens, qui s'étoient révoltés contre lui et avoient soutenu le parti des Persans.

C'est en l'an 259 de J. C. que Tiridate remonta sur son trône; et il y avoit alors plusieurs années que les Mamigonéans étoient établis en Arménie, puisque ce fut sous Ardeschir, fils de Babek, premier roi de la race des Sassanides, qu'ils vinrent de Chine en Perse, et que ce ne fut qu'au commencement du règne de son fils Schahpour qu'ils passèrent en Arménie. Ardeschir _ Babégan cessa de vivre en Ian 240;

երդուեալ նմա հորն իմոյ ի լոյսն արեգական. այլ, վասն անխռով ղքեղ առնելոյ, հալածեցի զնա յաշխարՀէս իմ յեզր երկրի, եւ ի մուտս արեւու՝, որ Հաւասար է նմա մահու. եւ արդ՝ մի լիցի պատե բազմ` ընդ իս, եւ ընդ քեզ։ Եւ զի՝, քան զամ՝ բնակեալս ՛ի վր երկրի, ասեն խաղաղասէր դոլ զազգդ ձենաստանաց, յանձն առնու՝ առւնել հաչտութիւնն։ Mos. Khor. lib. 11, cap. 78, p. 205 et 206,

(1) Բայց՝ Մամգոնայ, յոչ կամաց եկեալ յաշխարհս մեր, հան դիպեցաւ դալստեան Տրդատայ, եւ ոչ դարձաւ ընդ զօրս Պարսից » այլ ամ` իւրով աղխիլ ընդ առաջ գնաց Տրդատայ • մեծաւ պատաբադաւ ընկալաւ զնա Տրդատ, բայց՝ ընդ իւր `ի պատերաղմ` ոչ էառ, սերկիրն Պարսից, այլ` ետ տեղի աղխի նրա եւ ռոիկ ի կերակուր՝, փոխելով `ի տեղի ի տեղւոջէ ց՚բովադակ ամն : Ibid, . 206.

c'est donc peu avant cette époque qu'il faut placer l'arrivée de Mamkon en Perse. Ces princes descendoient de la race royale, qui gouvernoit le pays de Djénasdan. Si nous ouvrons l'histoire Chinoise à l'époque dont il s'agit, nous verrons que la grande dynastie des Han, déjà très-affoiblie depuis longtemps, cessa de régner en l'an 220. Son dernier empereur, Han-hian-ti, céda la couronne à Tsao-pi, fondateur de la dynastie des 'Weï, tandis que Licou-paï, nommé ensuite Tchaolie-ti, qui étoit issu d'une branche collatérale des Han, parvint à se faire aussi déclarer empereur, et à former, avec quelques provinces de la Chine, un état dans lequel il résista à l'usurpateur, et qui subsista pendant quarante-trois ans. Il ne s'écoula qu'une vingtaine d'années entre l'époque de la destruction de la dynastie des Han et l'année la plus rapprochée de nous, que l'on puisse assigner à l'arrivée des Mamigonéans en Perse. Au milieu des troubles qui déchirérent la Chine à cette époque, il ne seroit pas étonnant que quelques princes de la race impériale des Han aient été forcés de chercher un asyle loin de leur patrie: il nous paroît fort vraisemblable que les Mamigonéans sont ces mêmes fugitifs, et que le roi du Djénasdan, qui demanda leur extradition au roi de Perse, étoit l'empereur des 'Weï, fort intéressé à les avoir en sa puissance. L'histoire de la Chine fait ellemême foi qu'un grand nombre de mécontens se retirèrent alors dans la Tartarie, d'où ils purent facilement passer en Perse. Tous les historiens Arméniens font mention de l'origine Chinoise des Mamigonéans : nous nous contenterons de citer Mesrob de Siounie, qui écrivoit, en l'an 962, l'histoire du patriarche Nersès le Grand (1), et Faustus de Byzance,

(1) Cap. 11, p. 134, édition de Madras.

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