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les cormorans, et si dangereux, que les moines de l'abbaye d'Arbroath avaient cru devoir y installer une cloche qui sonnait au moyen d'une machine mise en mouvement par l'action des flots : c'est de là qu'est venu le nom que porte l'écueil : Rocher de la Cloche. Mais vers l'année 1800, le conseil des commissaires pour les phares du nord, désirant élever un monument plus durable sur le BellRock, engagea un ingénieur alors peu connu, Robert Stevenson, à visiter les lieux et à faire un rapport sur la possibilité de l'exécution. Stevenson obéit, et alla prendre connaissance du roc, qu'il trouva couvert des traces des naufrages que celui-ci avait causés.

Quoique Stevenson eût reconnu que l'érection d'un phare était possible sur l'ilot de la Cloche, il se produisit différentes opinions contraires à la sienne et à son plan, en raison de l'enfoncement considérable du roc au-dessous du niveau des hautes marées. Les uns voulaient qu'on assît l'édifice sur des piliers de fer; les autres voulaient autre chose. Le projet de Stevenson l'emporta enfin, et une somme de 1,125,000 francs fut mise à sa disposition.

Par suite de la situation isolée et lointaine du rocher, le premier soin de l'ingénieur fut d'assurer aux ouvriers un lieu de retraite convenable pendant qu'ils seraient occupés à cet ouvrage. On y pourvut en amarrant, à la hauteur du roc, une patache, où l'on plaça un fanal provisoire; et un vaisseau fut destiné à établir une communication avec le rivage. Le revêtement extérieur du monument devait être en granit, et la partie intérieure en grès. On dis

posa, à Arbroath, un vaste chantier, où les pierres devaient être taillées. L'on y construisit pareillement une maison d'abri pour les ouvriers. Le 7 août 1807, Robert Stevenson, accompagné de Pierre Logan, son second, et de quelques ouvriers, se rendit à Bell-Rock, et fixa l'emplacement du phare. On commença sur-le-champ les opérations, en débarrassant le rocher de la couche épaisse d'herbes marines qui le couvrait, et en y traçant une ligne de fondation. Il fut convenu que les ouvriers resteraient un mois sans aller à terre.

Au début de cette pénible entreprise, on pensait avoir beaucoup fait, dans l'espace d'une marée à l'autre, quand on avait travaillé deux ou trois heures; alors les hommes étaient obligés de rassembler leurs outils, de courir aux bateaux. Stevenson voulut leur procurer un refuge momentané dans le cas où il arriverait quelque accident à ces bateaux. Cet ouvrage si nécessaire reçut la dernière main vers la fin de septembre. Ce fut un premier triomphe, qui, comme le dit Robert Stevenson, dépouilla le roc de ce qu'il avait de plus redoutable, et facilita des travaux qu'on eût eu autrement beaucoup de peine à exécuter. Ceux-ci étaient naturellement soumis aux vicissitudes du temps et de la saison; les ouvriers étaient obligés de travailler les dimanches, et à la lueur des torches, pendant la nuit, quand la marée le permettait. L'ouvrage n'avançait donc qu'à travers mille obstacles et mille périls, et peu s'en fallut que plusieurs n'amenassent de grands malheurs.

Une fois la chaloupe Smeaton, qu'on employait comme patache, rompit ses amarres et entraina avec elle un des bateaux des ouvriers; pour surcroît de malheur, le mouvement de la marée rendait son retour impossible jusqu'à ce que le rocher fût entièrement submergé. Il y avait alors trentedeux hommes sur l'îlot et les deux bateaux qui restaient en auraient à peine pu recevoir la moitié, la mer étant fort grosse. Robert Stevenson et la personne préposée au débarquement avaient seuls connaissance de l'accident. Les ouvriers qui travaillaient dans les fondations, assis ou agenouillés, ignorèrent totalement le péril de leur situation jusqu'à ce que la marée montante, en les chassant des travaux, les eut engagés à chercher les bateaux pour reprendre leurs vêtements. On se représentera facilement leur effroi lorsqu'ils n'aperçurent que deux bateaux au lieu de trois. « Cependant, dit Robert Stevenson, dans le récit qu'il a laissé de cette entreprise hardie, nul d'entre eux ne proféra un seul mot; ils paraissaient tous occupés à se compter en silence se regardant les uns les autres et laissant voir seulement, par l'expression de leurs traits, l'inquiétude qu'ils éprouvaient. » Heureusement un bateau qui apportait des lettres d'Arbroath, arriva, dans ce moment critique, fort à propos pour les sauver. On mit ensuite à la voile pour aller à la recherche de la patache, que l'on atteignit enfin et à bord de laquelle on se retira, sans autre accident.

L'année suivante, on pourvut à ce que de sem1 An account of the Bell Rock lighthouse.

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