sables en cherchant des coquilles, et qu'elle fuyait, en jetant de grands cris, devant les flots de la mer qui quelquefois lui mouillaient les pieds, Héva sa compagne aperçut sous les ondes les chevaux blancs, le visage empourpré et la robe bleue de Neptune. Ce dieu venait des Orcades après un grand tremblement de terre, et il parcourait les rivages de l'Océan, examinant avec son trident si leurs profondeurs n'avaient pas été ébranlées. A sa vue, Héva jeta un grand cri, et avertit la Seine, qui s'enfuit aussitôt vers les prairies. Mais le dieu des mers avait aperçu la nymphe de Cérès, et touché de sa bonne grâce et de sa légèreté, il poussa sur le rivage ses chevaux marins après elle. Déjà il était près de l'atteindre, lorsqu'elle invoqua Bacchus son père et Cérès sa maîtresse. L'un et l'autre l'exaucèrent dans le temps que Neptune tendait les bras pour la saisir, tout le corps de la Seine fondit en eau; son voile et ses vêtements verts, que les vents poussaient devant elle, devinrent des flots couleur d'émeraude; elle fut changée en un fleuve de cette couleur, qui se plaît encore à parcourir les lieux qu'elle a aimės étant nymphe; ce qu'il y a de plus remarquable, c'est que Neptune, malgré sa métamorphose, n'a cessé d'en être amoureux, comme on dit que le fleuve Alphée l'est encore en Sicile de la fontaine Aréthuse. Mais si le dieu des mers a conservé son amour pour la Seine, la Seine garde encore son aversion` pour lui. Deux fois par jour, il la poursuit avec de grands mugissements; et chaque fois la Seine s'enfuit dans les prairies en remontant vers sa source, contre le cours naturel des fleuves'. En tout temps, elle sépare ses eaux vertes des eaux azurées de Neptune. « Héva mourut de regret de la perte de sa maîtresse, Mais les Néréides, pour la récompenser de sa fidélité, lui élevèrent sur le rivage un tombeau de pierres blanches et noires, qu'on aperçoit de fort loin. Par un art céleste, elles y enfermèrent même un écho, afin qu'Héva, après sa mort, prévînt par l'ouïe et par la vue les marins des dangers de la mer. Ce tombeau, c'est cette montagne escarpée, formée de couches funèbres de pierres blanches et noires. Elle porte toujours le nom d'Héva. »> Ce cap de la Hève, l'ancien promontoire des Calètes, est l'une des jetées de la grande embouchure de la Seine; il s'étendait, au dixième siècle, trèsavant dans la mer, et faisait partie intégrale du banc de l'Éclat, qui en est maintenant séparé par une passe d'environ 2 kilomètres. Ce banc en a été distrait, comme son nom l'indique, par une irruption subite des courants ou par un tremblement de terre. Depuis, l'Océan n'a pas cessé ses ravages, et l'on estime à 2 mètres ce qu'il enlève au cap tous les ans. Si nous en croyons une vieille chronique, les phares de la Hève auraient une origine assez ancienne. Ils remonteraient à l'époque où Harfleur était le rendez-vous des flottes espagnoles. La tour qu'on voyait alors sur le groing de Caux aurait été construite en 1364; on y faisait du feu en tout temps, et 1 Nos lecteurs ont compris qu'il s'agit ici du phénomène du mascaret. on l'appelait la Tour des Castillans. Il n'en restait aucun vestige lorsque les instances réitérées du commerce et de la marine déterminèrent le gouvernement de Louis XV à céder aux vœux de la chambre de Normandie, en construisant les phares qui éclairent aujourd'hui le Havre. Les édifices que représentent notre dessin ont été construits en 1774. Surmontés d'abord par des foyers dans lesquels on brûlait de la houille, chacun d'eux fut couronné en 1781 par une lanterne qui contenait un appareil d'éclairage formé de seize réflecteurs sphériques illuminés les uns par trois, les autres par deux lampes à mèches plates. Il y avait quarante becs par appareil. Des réflecteurs à deux paraboloïdes de Bordier-Marcet, au nombre de six par phare, furent substitués en 1811 et 1814 à ces vicieux appareils. Ils furent portés à dix en 1819. Enfin, en 1845, les deux tours ont été restaurées et modifiées à leur partie supérieure, de manière à recevoir des appareils lenticulaires et des lanternes de 3,50 de diamètre1. De la même époque datent les logements de gardiens établis entre les deux tours. Ces gardiens ont chacun deux chambres à feu, un cabinet, un grenier et un bûcher qui est établi dans une cour de service. On voit qu'il ne sont pas trop mal logés. Les élévations des phares de la Hève présentent un fort beau caractère. Le spectacle dont on jouit de leur sommet est également très-imposant; quelques 1 Ces tours viennent d'être encore modifiées pour recevoir un appareil électrique. |