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Parmi ces derniers amers, quelques-uns sont célèbres, plus célèbres même que beaucoup de phares. Telles sont les colonnes d'Hercule, anciennement désignées sous le nom de colonnes de Saturne, de Briarée, et la fameuse colonne de Pompée, près d'Alexandrie. Il manque toutefois une chose à la gloire de celles d'Hercule, c'est peut-être d'avoir existé. Hésychius en admet pourtant trois ou quatre, et, suivant Édrisi, il y en avait six qui étaient placées sur les bords de la mer; la plus orientale en Andalousie, à Gadès; les autres dans les îles de la mer Ténébreuse, aux Canaries, et faisant signe aux navigateurs de ne pas avancer plus loin. Nec plus ultra. Mais Strabon, en parlant de la fondation de Gadès par les Tyriens, émet des doutes à ce propos; et en ceci il ne nous paraît pas avoir tort. Nous croyons avec lui que ces fameuses colonnes d'Hercule n'ont pas existé ailleurs que dans l'imagination des écrivains de l'antiquité, souvent aussi épris de la fable que de la vérité.

Un monument également fameux et dont on ne saurait nier l'existence puisqu'il sert encore d'amer aujourd'hui, c'est la colonne d'Alexandrie. Cet édifice est le premier objet qui attire le regard lorsque le navire qui vous porte s'approche de la rive égyptienne; de loin il domine la ville, les minarets, les obélisques et le château du phare. II est vrai qu'il ne mesure pas moins de 28m,75, ce qui est quelque chose. On estime son poids à 550,492 kilogrammes.

Le moyen employé par les savants de l'expédi

tion d'Égypte en 1798, pour monter sur la colonne afin d'en mesurer exactement la hauteur et les différents diamètres, est assez ingénieux. On éleva un cerf-volant, à l'attache duquel était suspendue une corde d'une longueur indéfinie. Lorsque le cerfvolant fut enlevé et passé par-dessus le chapiteau, la corde pendante fut saisie, le cerf-volant abattu et séparé de sa corde, qui se trouva ainsi passée au-dessus du chapiteau comme sur la circonférence d'une poulie : à cette première corde on en substitua une plus grosse, qui fut fixée par des piquets au pied de la colonne, et qui était assez forte pour qu'un enfant pût se hisser sur le chapiteau, et y préparer, par le moyen de cordages, un moufle propre à élever tour à tour plusieurs personnes assises sur un banc suspendu.

La colonne de Pompée est formée de quatre morceaux de granit rose. Le fût est la seule pièce des trois principales qui soient d'un goût pur, et par conséquent de la belle antiquité; le chapiteau et le piédestal, trop courts, ont évidemment été ajoutés après coup. Néanmoins, l'élévation donnée au socle de la base, la forme corinthienne du chapiteau, et l'isolement, contribuent puissamment à faire paraître la colonne plus légère et d'un élancement plus hardi que le dorique, qui est l'ordre du fût.

Suivant de nombreux passages des auteurs modernes, la colonne telle qu'on la voit aujourd'hui, n'aurait pas été érigée isolément. Dans ses notes sur la relation d'Abd-Allatif, Sylvestre de Sacy pré

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Fig. 50. Colonne de Pompée à Alexandrie, servant d'amers..

tend que le monument avait été entouré d'un immense portique, d'où il avait pris le nom de Amoud el Saouary, colonne des Piliers, nom qu'on a corrompu et ridiculement transformé en Pilier de Severus. Le capitaine anglais G. H. Smyth pense à son tour que c'est la colonne dont parle Aphthonius, et de laquelle il dit, qu'elle «< supportait les éléments de toute chose, » expression qu'on n'eût pas appliquée à une colonne, mais plutôt à ce grand cercle de cuivre, dont Hipparque fait mention. De plus, Abd-Allatif dit positivement qu'il y a vu une coupole (environ vers l'an 1200 de J.-C.) Quelquesuns en ont inféré que cette colonne avait été destinée aux observations astronomiques, et placée au centre même de ce superbe carré de Serapeum, où probablement avait aussi été logée la fameuse bibliothèque.

Considérée comme monument isolé, cette colonne n'a pas donné lieu à moins de suppositions. Ainsi on a prétendu qu'elle avait été élevée par Cléopâtre à la mémoire de Pompée. Cependant aucun des auteurs qui ont décrit l'Égypte avec tant de soin, Pline, Diodore de Sicile, Strabon, ne fait mention de ce monument, qu'il n'eussent certainement pas oublié s'il eût existé de leur temps. Pococke suppose qu'il fut érigé en l'honneur de Titus ou d'Adrien. Aboul-Féda l'attribue à l'empereur Alexandre Sévère. Quoi qu'il en soit, s'il reste des doutes sur l'érection primitive du monument, on est du moins éclairé sur la dédicace qui en a été faite à une époque fixe de l'histoire. Pococke, en examinant

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