rée de deux remparts, l'un en brique, l'autre en terre et muni de pièces d'artillerie. Ce point en effet était parfaitement choisi pour l'attaque et pour la défense de Boulogne, car il domine, et il dominait surtout alors, toute la ville et les deux rives de la Liane. Cependant ce ne furent pas les foudres qu'on amassait sur son front qui firent périr la Tour d'Ordre, tout ce dont elle souffrit à ces époques peu éprises d'archéologie, ce fut de la destruction de sa lanterne, plusieurs fois réparée. Sa ruine est due tout entière à l'incurie des mayeurs et échevins de Boulogne. Ébranlés d'abord par le flot même qui, dans les hautes marées, bat violemment la falaise, puis par le travail souterrain des sources, enfin par l'imprudente exploitation des carrières qu'elle renferme, le fort et la tour s'écroulèrent en deux fois selon les uns, en trois fois selon les autres, de 1640 à 1644 ou 1645, avec le massif même de la falaise sur lequel ils reposaient. « Dans l'intervalle d'une chute à l'autre, dit M. Egger, on ne fit rien pour sauver au moins ce qui restait d'un si précieux monument qui pourtant servait encore aux signaux de nuit pour l'entrée du port, et quand il eût péri dans l'éboulement profond du terrain, la municipalité boulonaise se crut dégagée des redevances que, pour cette partie de son territoire, elle payait, en vertu d'un droit ancien, au seigneur de Baincthun. Le sol n'existait plus, le tenancier croyait être libre de toute obligation envers le propriétaire. Celui-ci plaida et obtint gain de cause, par arrêt du Parle ment, en date du 1er juillet 1656. MM. de Boulogne, vu qu'ils avaient eux-mêmes causé la perte dont ils arguaient pour nier la dette, furent condamnés à payer, comme devant, deux mille harengs sorets et blancs, portés à Arras, Amiens et autres villes de pareilles distances, au choix du seigneur, ou à remettre les lieux en leur ancien état (ce qui rappelle un peu l'aventure de Mummius à Corinthe) et à abandonner au seigneur de Baincthun, baron d'Ordre, « le droit de demande qui se prend pour tous les pêcheurs entrant au Havre. » Tout porte à croire qu'en expiation de sa faute, Boulogne paya les deux mille harengs jusqu'à la Révolution francaise. >> Il reste peu de chose aujourd'hui de ce monument plus glorieux par les services qu'il rendit à l'humanité que par son origine qui ne rappelle qu'une extravagance de Caligula, et M. Egger nous met en garde contre les dessins qui en ont été donnés. Celui qui lui parait mériter le plus de confiance est celui qu'exécuta Claude Châtillon, ingénieur du roi Henri IV, et que nous reproduisons. Les descriptions que l'on a faites de la tour sont également très-insuffisantes. Néanmoins elles renferment des renseignements certains et précieux sur la situation, les dimensions et la forme de l'édifice, ainsi que sur les matériaux employés à sa construction. Ceux-ci étaient simplement des pierres grises, des pierres jaunes et des briques rouges disposées de façon à composer un monument aussi solide qu'élégant et agréable à voir. La tour était située à la longueur d'un jet d'arbalète du bord de la falaise; elle était octogone, avait 192 pieds de circuit et environ 64 pieds de diamètre; ainsi que chez la plupart des phares romains, chacun de ses douze étages faisait retrait d'un pied et demi sur l'étage inférieur, ce qui lui donnait la forme d'une pyramide. On assure que sa hauteur égalait à peu près sa circonférence, soit en nombre rond, 200 pieds, « ce qui semble à vrai dire, une bien grande hauteur pour un phare, déjà situé sur une falaise haute d'environ 100 pieds au-dessus de la mer, » remarque M. Egger. Quoi qu'il en soit, chaque étage avait sur le midi une ouverture en façon de porte. On y voyait encore, au commencement du dix-septième siècle, trois chambres voûtées, l'une sur l'autre, avec un escalier intérieur pour relier ces trois étages, destinés sans doute à l'habitation des gardiens. Quant à la place où brillait le feu, on ne peutfaire à ce sujet que des conjectures. Comme les chroniqueurs du neuvième siècle disent que le sommet fut réparé en vue d'y allumer des feux, il a lieu de croire qu'avant cette réparation ces feux brillaient dans une chambre du dernier des etages. Ꭹ M. Egger suppose qu'en opérant quelques fouilles on pourrait retrouver des débris importants. D'après les motifs qu'il donne de penser ainsi, on ne peut que se ranger complétement à son avis, et faire des vœux pour que la municipalité actuelle répare |