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l'industrie font vivre le monde ». C'est juste le contre-pied du vrai, c'est une maxime infernale. La vraie maxime, la maxime de la santé, la maxime du foyer domestique, la maxime des grands peuples, la voici « Consommez le moins qu'il vous sera possible; le commerce est pour vous et non pas vous pour lui. Le commerce et l'industrie sont faits pour vous nourrir et vous vêtir, et vous vous n'êtes pas créés pour alimenter le commerce et l'industrie 1».

Cette familiarité de ton et cette simplicité qu'on peut bien appeler paroissiale ne déplut nullement à l'auditoire. Chaque dimanche, la chapelle se remplissait et beaucoup de personnes arrêtaient leur place dès la veille. Cet empressement des fidèles donna lieu un jour à un incident. assez comique. Ce fait m'a été rapporté par un très vieux Dominicain qui le tenait de l'un de ses confrères en religion, contemporain de Lacordaire. Vers la fin d'une semaine, celui-ci fut atteint d'une extinction de voix qu'on espéra d'abord guérir avant le dimanche. Le mal résista à tous les soins et force fut à l'orateur de s'abstenir de parler. Cependant un auditoire très nombreux attendait dans l'église. Le loueur de chaises se plaça devant la table de communion et, au lieu de l'éloquente homélie qu'il attendait, l'auditoire entendit le petit discours suivant : « Le P. Lacordaire indisposé ne pourra pas parler aujourd'hui. Les personnes qu'elles ont déjà payé leurs chaises sont priées de passer à la sacristie. On leur-z-y rendra leurs argents. Nous sommes d'honnêtes gens ».

J'ai fini. Concluons cette étude en rappelant qu'aussi bien pour Lacordaire que pour les plus modestes curés de campagne le pur Évangile est encore la meilleure source de l'éloquence. Tels des passages que je viens de lire ne sont certes pas moins admirables que les plus beaux passages des conférences. Les citations que vous avez enten

1. Op. cit., p. 444, 445.

dues ont pu évoquer dans vos esprits le souvenir de ces maximes de Lacordaire lui-même qu'il si bien réalisées dans cette partie de son œuvre.

« Grâce à l'évangile, nous voyons la vie telle qu'elle est et notre cœur se remplit à la fois du sacrifice qui fait les saints et de l'espérance qui les console ».

((

L'Évangile est un livre d'une si singulière nature que personne n'a l'espérance de le surpasser, ni même de l'imiter. Il est debout après dix-huit siècles, gardé par le respect de tous et même de ses plus grands ennemis. La pensée humaine, si féconde en ressources, n'a pu lui découvrir ni un égal, ni un défaut » 1.

J. BEZY, Docteur ès lettres.

1. Pensées choisies du P. Lacordairc (Paris, 1902, in-32), t. I, p. 84 et p. 86.

CHRONIQUE DE L'INSTITUT CATHOLIQUE

Le peu de place qui nous reste ne nous permet pas de faire une longue chronique. Aussi bien l'histoire de ces trois derniers mois, mois de vacances pendant lesquels est suspendue la vie de l'Institut catholique, offre-t-elle peu de détails à raconter.

Nous n'avons que deux faits à signaler, deux faits de genre tout différent le décès d'un de nos Évêques-Protecteurs, et le rétablissement de notre Faculté des Lettres.

Le 18 octobre dernier, Dieu a rappelé à lui l'âme de S. S. Mgr Servonnet, archevêque de Bourges, ami fidèle et protecteur dévoué de l'Institut catholique. Nous unissons l'hommage de nos regrets à celui que lui a rendu son diocèse.

Le Vice-Recteur qui, à la place de Mgr le Recteur empêché, représentait l'Institut catholique aux funérailles de Mgr Servonnet, le 22 octobre, a été témoin de l'affluence considérable de prêtres et de fidèles venus pour accompagner le corps et honorer la mémoire de leur vénérable Pasteur. Parmi les éloges que l'on pouvait entendre ce jour-là, le plus unanime était celui qu'on adressait à Mgr Servonnet pour l'intérêt qu'il avait porté aux maisons d'éducation de sondiocèse et à l'enseignement libre à tous ses degrés. Il n'a rien négligé pour assurer partout d'excellents professeurs; chaque année, à cette intention, il envoyait plusieurs jeunes ecclésiastiques à l'Institut catholique, ne manquant jamais d'affirmer ses sympathies pour notre œuvre et la soutenant au prix de grands sacrifices, malgré toutes les charges qui pesaient sur lui.

Son souvenir nous demeurera cher, et nous garderons toujours pour lui une respectueuse reconnaissance : nous prions Dieu d'acquitter lui-même notre dette.

* **

L'autre événement que nous devons signaler à nos lecteurs est le rétablissement de notre Faculté des Lettres. Cette Faculté, créée en 1875 et, quelques années plus tard, changée en simple École, vient

de reprendre sa forme primitive; la déclaration officielle en a été faite, devant les autorités universitaires, le 29 juillet dernier.

Il n'en résulte d'autre changement qu'un peu plus d'indépendance dans notre fonctionnement, et une simplication notable, pour nos Étudiants, des formalités nécessaires à la prise de leurs inscriptions.

Les examens de licence ès lettres commencent pendant que nous écrivons cette chronique. Aujourd'hui aussi 3 novembre nous venons, à la Messe du Saint-Esprit, d'invoquer le secours divin et de retremper nos courages pour accomplir avec persévérance ce travail quotidien, intérieur et extérieur, dont Mgr le Recteur vient de nous parler si éloquemment.

BIBLIOGRAPHIE

24.

Letters to Cassite kings from the temple archives of Nippur, par H. RADAU, Volume XVII, 1re partie, de la collection The Babylonian expedition of the University of Pennsylvania, series A : cuneiform texts, edited by H. V. Hilprecht, grand in-8° de 174 pages, 68 planches d'autographies et XII planches de reproductions photographiques (prix : 30 francs).

Dans les fouilles qu'elle poursuit à Niffer (l'ancienne Nippour) depuis plusieurs années, la mission américaine de l'Université de Pensylvanie (Philadelphie) a découvert un certain nombre de lettres babyloniennes. Ce sont ces documents que M. Radau publie aujourd'hui dans la grande collection dirigée par le Dr Hilprecht.

M. Radau étudie d'abord dans une longue introduction la date de ces lettres, 1450-1309 av. J.-C. (p. 1-12), leur nature, la généalogie des rois Cassites de cette période, le siège de leur résidence, le caractère des archives du temple. Enfin, il donne la transcription et la traduction de quelques lettres.

La deuxième partie du volume est consacrée à l'autographie de 99 tablettes et à la reproduction photographique de quelques-unes des plus belles.

A toutes les époques, on a beaucoup correspondu dans la société très commerçante et très hiérarchisée qu'était la société babylonienne. La plupart des lettres qui nous sont restées, si on en excepte celles

des courtisans, sont dénuées de prétentions littéraires. Ce sont des lettres d'affaires. Elles n'en présentent pas moins un réel intérêt, car elles sont la peinture très véridique de la vie sociale; elles reflètent fidèlement son organisation, ses bons côtés et ses lacunes, les relations de ses membres à tous les degrés de l'échelle.

Celles que publie M. Radau ne font pas exception. Une au moins, le no 75, est d'un roi; les autres émanent pour la plupart d'employés du temple de Nippour, ou de fonctionnaires divers, comme le n° 33, écrite par un personnage de l'armée ou de l'intendance.

Elles sont adressées, sinon aux rois successifs du pays, comme le soutient M. Radau, au moins à de hauts dignitaires. La formule protocolaire du début du n° 24 (p. 101) est des plus significatives: « A mon maître...lumière de ses frères... nourriture des peuples... table des hommes, » etc.

Les correspondants y traitent naturellement des affaires de leur ressort exécution de travaux divers, envoi et réception de denrées, inondations, irrigations, plaintes contre fonctionnaires négligents ou infidèles.

Comme toutes les pièces de ce genre, elles fournissent un apport philologique d'une certaine importance et enrichissent le lexique de mots et de tournures qu'on ne rencontre guère en dehors d'elles que dans les contrats. M. Radau a fait de quelques-unes une étude très détaillée. Saus doute, je ne voudrais pas me porter garant de toutes ses interprétations; la matière est d'ailleurs souvent fort difficile. Mais les notes longues et nourries dont il étaye ses explications témoignent d'une science sérieuse et de lectures considérables. Il n'en est que plus regrettable qu'il ait cru devoir abréger cette partie de son travail pour exposer des vues inexactes sur une prétendue trinité babylonienne. Il semble qu'il aurait fait œuvre plus utile en traduisant

1. Ainsi, à mon avis, le mot itu ne signifie pas «< inspecteur », mais « avec », « auprès de », au moins dans les passages suivants : p. 44, 1. 25; p. 51, ligne 36; p. 119, 1. 17; p. 125, 1. 25-26. Dans tous ces textes, c'est le mot itu, «< côté », employé comme préposition, simple masculin de la forme féminine ittu d'où itti, «< avec ». En particulier, le passage de la p. 51, 1. 36-37, est très clair: ù a-na-ku i-tu b[e-li] -ia a-na a-la-a-ki a-na charri ki-i ach-[pu-r]a charru ul i-di-na-an-ni, « Et moi, comme (ou : quoique) j'ai écrit au roi pour (obtenir de) me rendre auprès de mon maître, le roi ne m'a pas accordé ». Il en est de même dans le n° 11, ligne 21 : i-tu-ú-a ma-am-ma ia-'-nu, « avec moi il n'y a personne », dans le no 78, 1. 4 : i-tu-ú-a li ti-ga-am, « que X se rende auprès de moi ». A la page 137, ligne 11, il faut lire, je crois, a-a-i-tu, féminin du pronom interrogatif aiu, au lieu de a-a i-tu.

- et

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