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CHRONIQUE DE L'INSTITUT CATHOLIQUE

Si« les peuples heureux» font le désespoir des historiens, la continuité d'une marche régulière a aussi pour effet de mettre le chroniqueur dans l'embarras. Pendant ces deux derniers mois, la vie intérieure de l'Institut catholique s'est poursuivie dans un travail calme et constant; la Providence a permis qu'aucune cause nouvelle de tristesse ne vînt s'ajouter aux deuils qui nous ont frappés, en trop grand nombre, l'année dernière, et nous n'avons qu'à lui demander de nous maintenir sa protection.

Aux Facultés canoniques, M. SIMETERRE a inauguré son cours de philosophie médiévale, grandement apprécié de ses auditeurs.

Mgr GRAFFIN, professeur d'hébreu et de syriaque, ayant été appelé à la présidence de la Société antiesclavagiste, a dû demander un congé à l'Institut catholique. Il est suppléé par M. TOUZARD pour l'enseignement de l'hébreu, et par M. J.-B. PÉRIER pour celui du syriaque.

Dans la Faculté de Droit, plusieurs jeunes docteurs, candidats au prochain concours, prennent une part active aux conférences d'agrégation.

M. BRIOT, dans l'École des Sciences, achève l'installation de son laboratoire de physiologie, et continue son enseignement, si utile à la fois aux étudiants en philosophie et à ceux qui préparent des certificats de sciences naturelles.

A l'heure où nous écrivons cette chronique, les élèves de l'École des Lettres sont en train de faire leurs compositions semestrielles ; et malgré l'empressement des étudiants à répondre à l'appel qui leur a été adressé, leur nombre, au moins celui des étudiants en Philosophie et en Histoire, l'emporte à peine sur le nombre des sujets proposés; tant sont variées les matières entre lesquelles le choix leur est laissé par les nouveaux programmes. La besogne des correcteurs est loin de s'en trouver simplifiée.

Un de nos anciens élèves vient d'être reçu docteur ès lettres. C'est M. Palhoriès, dont la thèse principale était une étude sur Rosmini; sa seconde thèse avait pour titre la théorie idéologique de Galluppi,

dans ses rapports avec la philosophie de Kant. Le jury, présidé par M. Boutroux, a reçu le candidat avec les plus grands éloges.

Ces deux thèses viennent d'être publiées dans la collection les Grands Philosophes (Félix Alcan, éditeur) que dirige M. l'abbé Piat. Nous ne pouvons parler aujourd'hui que de la grande thèse, l'étude sur Rosmini. Dans cet ouvrage important, M. Palhoriès expose d'une manière pénétrante et objective la pensée si complexe, si originale, mais toujours si intéressante de Rosmini.

Ce volume, qui condense en 400 pages l'œuvre immense du célèbre Italien, en reproduit aussi la grande division : idéalité, réalité, moralité.

Dans la difficile et subtile controverse de l'ontologisme et du panthéisme, qui a provoqué tant de discussions, et constitue, en définitive, le fond même de la question rosminienne, M. Palhoriès a su prendre une position pleine de droiture et de probité intellectuelle dont lui sauront gré ceux qui ont suivi de près ces luttes trop souvent passionnées.

Dans une solide conclusion, l'auteur établit avec un sens critique remarquable les sources mêmes de la philosophie de Rosmini, qui se trouve ainsi comparé avec Platon, Leibniz, Malebranche, Saint-Thomas, Kant et Hégel.

Le livre de M. Palhoriès constitue une œuvre de fond que devront désormais consulter ceux qui voudront connaître ou exposer les théories de Rosmini.

C'est là l'heureux commencement de travaux par lesquels M. Palhoriès a l'intention de nous faire connaître le mouvement moderne de la philosophie italienne. En le félicitant du succès déjà obtenu, nous ne pouvons que former des vœux pour l'heureux achèvement de son entreprise.

Pour la plupart des Cours publics, auxquels un très nombreux auditoire demeure toujours fidèle, la seconde série commence en ce

moment.

Déjà le 26 janvier, M. l'abbé PAQUIER a inauguré ses leçons sur le Quiétisme. M. l'abbé BROUSSOLLE fera, le lundi, le cours d'apologétique il étudiera, à partir du 8 février, le Dogme et la Piété dans l'art de la Renaissance italienne. M. Philippe VIREY commencera le 19 février son cours sur la Religion des anciens Egyptiens.

M. LEBRETON chaque jeudi, et M. GAUTHEROT chaque samedi continuent avec le même succès leurs cours d'Histoire des origines chrétiennes et d'Histoire de la Révolution.

L'Association des Étudiants n'a pas manqué pendant ces deux mois de réunions intéressantes. Après le punch du 8 décembre où les Gens scénistes eurent tant de succès dans leur revue Un courant d'airs, il fallut donner de cette revue une seconde représentation, qui eut lieu dans l'après-midi du 23 décembre. Les familles des Professeurs et des Étudiants avaient été invitées, et applaudirent chaleureusement à l'esprit des auteurs et au brio des artistes. La veille, 22 décembre, Raymond BAROTTE fit une bien intéressante causerie sur les Bulgares, au milieu desquels il a passé une partie de ses dernières vacances. A la messe de minuit, chants et morceaux d'orgue et de violon habilement exécutés par des étudiants ecclésiastiques ou laïques. Le mardi 12 janvier, conférence avec projections sur les Aéroplanes, par M. P. FABRE, de la Jeunesse catholique. Le mardi 26, M. BRiot, le professeur de physiologie, voulut bien parler, dans une spirituelle causerie, des Générations spontanées. Le mardi, 2 février, fête de la Purification, les étudiants assistent en grand nombre à une messe qu' u'ils ont demandé au Vice-Recteur de célébrer pour eux à la Crypte. Ils se préparent maintenant à assister, le 9 février, à une représentation cinématographique, donnée par notre ami J. Lecomte; à faire, le 13 février, leur nuit d'adoration à l'occasion de l'Adoration perpétuelle; et enfin, le 18, à fêter leurs aînés dans un punch joyeux qui suivra le banquet des anciens élèves, fixé ce jour-là.

Le mois prochain, ils réaliseront sans doute leur projet de voyage à Soissons. Un peu plus tard, le 2 mai, ils fêteront solennellement la Bienheureuse Jeanne d'Arc. Les Étudiants de l'Institut catholique ont déjà bien souvent manifesté leurs sentiments pour l'héroïne nationale. Si quelques-uns d'entre eux, ces derniers temps, devant d'outrageants blasphèmes, ont été tentés de donner à l'expression de ces sentiments la forme d'une protestation indignée, tous seront heureux, le 2 mai, de célébrer avec l'entrain qui convient à la jeunesse une fête intime, manifestation pieuse et pacifique de foi, d'espoir et d'amour.

J. B.

Institut catholique de Toulouse.

INSTALLATION DU NOUVEAU RECTEUR

La Revue de l'Institut catholique de Paris, dans son dernier numéro, a salué le nouveau Recteur des Facultés catholiques de Lille ;

elle tient à remplir aujourd'hui le même devoir à l'égard du nouveau Recteur qui, presqu'au même moment, prenait possession du gouvernement de l'Institut catholique de Toulouse, M. le chanoine, maintenant Mgr Breton.

La cérémonie, qui eut lieu le 10 novembre, fut présidée par Mgr Germain, archevêque de Toulouse, chancelier de l'Institut, assisté de Mgr Mignot, archevêque d'Albi, de Mgr Ricard, archevêque d'Auch et de Nosseigneurs de Carsalade, Bougoin, Izard, du Vauroux, de Bauséjour, de Ligonnès, Gély, Nègre, Laurans, Marty, Gienre et Touzet. De nombreuses notabilités catholiques et l'élite intellectuelle de la ville étaient présentes.

Voici quelques passages de l'allocution de Mgr Germain:

« Ce que vous avez appris déjà sur M. Breton, la réputation dont il jouit dans nos contrées, les regrets unanimes qu'il laisse dans le diocèse de Tulle, son premier contact avec vous ont déjà ouvert vos âmes à la confiance.

Il vient à vous, je vous en donne l'assurance, animé d'un immense amour pour l'Église, et comme Bossuet le disait d'un de ses plus illustres contemporains: « avec le ferme dessein de ne vous donner d'autre esprit que celui de l'Eglise, d'autres règles que ses canons, d'autres supérieurs que ses Évêques, d'autres biens que sa charité... désireux, avant tout, pour faire de vous de vrais prêtres, de vous mener à la source de la vérité, de mettre entre vos mains les saints Livres pour en chercher sans cesse la lettre par l'étude, l'esprit par l'oraison, la profondeur par la retraite, l'efficace par la pratique, la fin par la charité à laquelle tout se termine et qui est le trésor du christianisme. Christiani nominis thesaurus, comme dit Tertullien. »....... «Jadis dans nos vieilles provinces, les règlements de certaines Universités commandaient au Recteur, quand il était reçu, de faire son entrée avec sa robe écarlate et son chapeau d'hermine, et, pour le recevoir, aux maîtres et aux élèves, aux nobles gradués ou simples étudiants, de chanter le Te Deum, de sonner les cloches, et puis, précédés des bedeaux portant leurs masses, de l'accompagner joyeusement à sa demeure : in gaudio comitandus.

Nous y mettons de nos jours moins de pompe. L'usage et le règlement n'ont plus les exigences d'autrefois, mais les sentiments demeurent les mêmes; aussi c'est avec un profond respect et une joie très vive que nos cœurs font cortège aujourd'hui, in gaudio comitandus. Demain, ils se réjouiront bien davantage, en vous voyant affermi dans la confiance de tous et dans notre commune affection. In fine et dilectione confirma

tus ».

Le nouveau Recteur, après un début plein de modestie, a fait un éloge très senti et très remarqué de son distingué prédécesseur :

« Je succède à un homme qu'il n'est pas facile de remplacer. Esprit rare par l'étendue de ses connaissances et par le don de les mettre en œuvre, attentif à toutes les voix qui méritent d'être entendues dans la sphère des idées, éveillant à son tour, chaque fois qu'il parlait, la curiosité du monde

intellectuel, il avait un rang d'honneur parmi cette élite d'ouvriers de la pensée dont la Providence lui avait confié la conduite. Il n'a pas seulement donné de l'éclat à l'Institut par son mérite personnel, il l'a vivifié par les travaux qu'il a inspirés, par l'élan qu'il a communiqué autour de lui: c'était un excitateur d'esprits. Du reste, aussi vrai prêtre qu'homme de talent, le triomphe de l'Église était le grand désir de son âme; on ne le vit jamais indifférent aux angoisses de cette mère divine.

Et maintenant, Messeigneurs, je viens à votre appel, moi, homo novus... Toutefois si pour remplir vos desseins la bonne volonté suffit; si du moins la bonne volonté est le principal ressort de l'œuvre qui doit s'accomplir ici, j'ose vous promettre que vous ne serez pas trompés. C'est en effet le privilège, la force incomparable du prêtre, à l'heure présente, de connaître facilement son devoir. Dieu ne nous laisse pas, même dans ces temps abaissés, sans témoignages éclatants de son empire souverain. Il y a un homme qui a le droit et le devoir de parler en son nom. Cet homme, désarmé, captif, n'a pour défendre la cause de Dieu que sa foi et sa parole. Il dit un mot et ce mot suffit pour jeter le trouble et le désarroi dans le camp ennemi. Il porte dans la barque de Pierre l'âme des peuples; il ne se livrera pas! Sa résolution est prise, elle est annoncée, elle est éternelle ».

Mgr Breton a ensuite rappelé quelles espérances avait fait naître la fondation de l'Université catholique de Toulouse et montré ce qu'en dépit de dures circonstances elle avait su faire : « Il y a, je pense, dans cet auditoire des héritiers de ceux qui posèrent les premières assises de l'Institut au prix des plus grands efforts? Qu'ils gardent avec fierté le souvenir des sacrifices de ces généreux fondateurs et si, avec leurs noms, ils ont recueilli leurs habitudes de libéralité, qu'ils s'applaudissent, dans le secret de leur conscience et devant Dieu, de concourir à une œuvre d'une fécondité incomparable. L'Institut catholique, en effet, n'est pas seulement une maison de haute éducation intellectuelle, ouverte à quelques privilégiés; c'est un foyer d'où rayonne sur toute la France du Sud-Ouest la vie de l'esprit. Sans doute, les rêves de la première heure ne se sont pas tous réalisés; il a fallu renoncer à l'espoir d'amener ici ce que l'on appelle la jeunesse des Ecoles et l'Institut ne fait ni des avocats, ni des médecins. L'on peut le regretter, dans un temps surtout où le suffrage populaire choisit parmi eux, si facilement et si souvent, les maîtres de la France. Mais il ne faut pas mesurer la portée de l'enseignement supérieur qui se donne ici aux limites des cadres où il est renfermé; ce que le champ d'action n'a pas en surface est largement compensé par le travail en profondeur qui s'y accomplit. C'est comme un flot perpétuel de vie intellectuelle et morale qui part d'ici, depuis trente ans, et qui s'en va par des ondes mystérieuses et ininterrompues, sollicitant, soulevant les âmes de toute une région dans le clergé d'abord, et, par lui, dans les couches les plus profondes du peuple chrétien. Oui, chaque année, depuis trente ans. sont sortis de l'Institut des hommes jeunes, à l'intelligence éveillée, à l'âme ardente, ayant des perspectives sur les grandes avenues de la pensée, emportant plus et mieux que du savoir, le goût de l'étude, une méthode du travail et l'art de communiquer ce qu'ils apprenaient; aucun progrès ne les a surpris, aucun devoir ne les a trouvés défaillants. Ils ont été l'âme d'une vie nouvelle dans nos maisons d'éducation chrétienne et d'abord par l'enseignement des sciences, qui était, avant eux,

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