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Procédé Devergie. Ce toxicologiste s'étant d'abord assuré : 1° qu'à la température de l'ébullition, l'eau séparait la plus grande partie d'acide azotique des matières organiques, sans qu'il y ait déperdition de cet acide; 2o que le chlore décomposait les matières organiques des liquides azotiques, et qu'on pouvait ensuite l'en dégager, sans qu'il en reste dans la liqueur, propose le procédé suivant. Introduisez les matières solides avec 4 ou 5 fois leur poids d'eau, dans une cornue bitubulée ; distillez jusqu'à ce que la moitié des liquides soit évaporée ; laissez refroidir; décantez; ajoutez une nouvelle quantité d'eau; faites bouillir pendant dix minutes; réunissez les liqueurs ; filtrez-les, et faites passer à travers un courant de chlore, jusqu'à ce qu'une portion de liquide étant filtrée, ne se trouble plus par un courant de ce gaz. Filtrez alors toutes les liqueurs, chauffez-les et maintenez-les seulement quelques instants à la température de l'ébullition, afin de dégager l'excès de chlore, ce qu'on reconnaît, à ce que, les liquides qui décoloraient le papier bleu de tournesol, le rougissent actuellement. Ajoutez du bicarbonate de potasse jusqu'à saturation; évaporez jusqu'à siccité au bain de sable ou au bain-marie, et traitez le résidu par l'acide sulfurique et la limaille de cuivre dans son appareil à morphine et au sulfate de fer.

Si ces recherches étaient sans résultat, comme les matières ainsi épuisées retiennent encore de l'acide azotique, faites-les bouillir avec de l'eau et du bicarbonate de potasse; filtrez; traitez les liquides filtrés par le chlore, enfin comme nous venons de l'indiquer ci-dessus. M. Devergie emploie aussi ce procédé pour décéler l'acide azotique dans les tissus du tube intestinal, ainsi que dans le résidu provenant de l'évaporation des liquides azotiques, lorsqu'il contient beaucoup de matières organiques. Il s'est assuré, par des expériences comparatives, qu'au lieu d'obtenir, comme par le procédé Orfila, un résidu rougeâtre, boursoufflé, et dans lequel, il est difficile ou impossible de reconnaître l'acide azotique, on obtenait un résidu cristallin, blanc, dans lequel il était aisé de constater cet acide. La théorie doit se taire devant les faits, mais cependant, il ne

nous paraît guère possible que le chlore, en présence de matières organiques, et surtout en présence d'une base, ne passe à l'état d'acide hydrochlorique ou de chlorure; or, nous verrons, dans l'empoisonnement par l'acide hydrochlorique, qu'il n'est pas possible de le dégager complétement des liquides organiques par la simple distillation; par conséquent, l'acide hydrochlorique ou le chlorure de potassium doivent modifier les réactions, inconvénient qu'a parfaitement senti Christison, puisque, dans son procédé, le but principal est de précipiter par le nitrate d'argent, le chlore des chlorures que contiennent habituellement les liquides organiques.

Taches d'acide azotique sur les organes, sur les vêtements, etc.

L'acide azotique réagit sur nos tissus, comme sur les matières alimentaires solides. Il leur cède de son oxygène, les transforme en une matière jaune particulière (matière jaune ou détonnante de Welther, acide carbazotique), laquelle peut s'enflammer spontanément quand on la chauffe. Dans cette réaction, il se forme en outre d'autres produits, parmi lesquels nous citerons les acides carbonique, acétique, oxalique, azoteux, hydrocyanique, l'ammoniaque, l'azote, le bioxyde d'azote, etc. La quantité d'acide hydrocyanique est quelquefois assez forte pour communiquer au tube intestinal et aux matières qu'il contient l'odeur d'amandes amères (Tartra ). Les portions du tube intestinal atteintes par l'acide azotique sont colorées en jaune plus ou moins brillant, et offrent quelquefois une teinte verdâtre ou orangée. Elles sont grasses, onctueuses au toucher, et réduites en une matière crétacée, pultacée, si le contact à été prolongé. Les dents, les ongles, l'épiderme deviennent cependant plus secs, plus friables. L'épiderme s'enlève au bout d'un certain temps en petites lamelles parcheminées, offrant une foule de petits pertuis, lorsqu'on les place entre l'œil et la lumière. Les escarres que l'acide azotique produit sur la peau sont dures, jaunâtres, sèches, friables. Dans quelques cas assez rares, l'acide azotique colore les tissus, les muqueuses en noir; c'est surtout lorsqu'il est affaibli.

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L'acide azotique rougit d'abord les vêtements; la tache qui passe au jaune au bout de quelques instants est circonscrite par une zone rouge; mais, à la longue, les parties deviennent d'un jaune terne;elles sont sèches, friables, et se déchirent facilement. Les portions de bouchons qui ont servi à boucher des fioles renfermant de l'acide azotique sont corrodées, d'un jaune pâle ou orangé, friables et savonneuses au toucher.

Analyse. Après avoir constaté les caractères physiques des matières atteintes par l'acide azotique, et surtout l'aspect, la couleur, l'odeur, l'état d'agrégation (lesquels offrent de bien grandes probabilités, si ce n'est une certitude complète), ainsi que leur réaction acide par le papier bleu de tournesol humide, on y décèle l'acide azotique par les mêmes procédés que dans les matières solides des vomissements; les mêmes réflexions leur sont applicables. Les cas dans lesquels le procédé ordinaire sera insuffisant seront certainement bien rares. Il importe de noter la coloration orangée que prennent les tissus, surtout ceux du tube intestinal, ainsi que la matière pultacée jaunâtre déposée à la surface de la muqueuse, quand on les chauffe avec le bicarbonate de potasse, afin de distinguer ces taches des taches de bile, qui ne changent pas de couleur par ce réactif, et des taches d'iode, qui disparaissent complétement.

Christison, pour les taches des tissus, des vêtements, a employé avec succès le procédé suivant : Il fait bouillir les parties tachées, à plusieurs reprises, avec quelques grammes d'eau pure, constate la réaction acide des liqueurs réunies, et si elles ne contiennent pas d'acide sulfurique ou hydrochlorique libres, ce dont il s'assure par les nitrates de baryte et d'argent (les liquides organiques donnent toujours un léger trouble par ces deux réactifs), les sature par la potasse, les évapore jusqu'à siccité, et traite le résidu par l'acide sulfurique et la morphine. Il a pu décéler ainsi, 49 jours après, une tache produite par une goutte d'acide azotique sur du drap. Il propose de faire une contre-épreuve avec les portions des mêmes vêtements non tachées.

Lorsque les taches offrent une réaction aci de très-marquée,

on peut en dégager des vapeurs rutilantes caractéristiques, en les chauffant dans un tube avec un peu d'eau distillée, et plaçant à la surface quelques fragments de limaille de cuivre. On pourrait en même temps constater la coloration de la morphine et celle du proto-sulfate de fer.

Lorsque les taches ont été soumises à des lavages réitérés, il n'est pas toujours possible d'y décéler l'acide azotique, soit qu'il ait été entraîné par l'eau, soit qu'il ait été complétement décomposé par les tissus. Sur un fragment de muqueuse œsophagienne, nous avons pu reconnaître l'acide azotique par le procédé ordinaire; à la vérité, la tache offrait encore la réaction acide; tandis que sur une portion de muqueuse duodénale, cela nous a été impossible; mais cette tache ne rougissait pas le papier tournesol. On nous a dit qu'elle avait été soumise à des lavages répétés. Nous pensons que c'était plutôt une tache de bile, car la muqueuse n'était ni friable, ni onctueuse au toucher, et ne changeait pas de couleur par la po

tasse.

MM. Orfila et Lesueur, pour savoir après combien de temps il était possible de décéler l'acide azotique dans les matières organiques, ont mêlé des quantités variables de cet acide avec des portions du tube intestinal, du foie, etc., dans des vases en porcelaine ouverts et laissés au contact de l'air, ou placés dans une boîte de sapin, et enfouis en terre. Lorsque la quantité d'acide était un peu forte, de 4 grammes par exemple, et que le mélange était placé en terre, au bout de 17 mois à 2 ans, il offrait encore la réaction acide, et on pouvait facilement y reconnaître l'acide azotique. Lorsque la quantité d'acide était faible (10 gouttes), et que le mélange était surtout exposé à l'air, il ne conservait son acidité que pendant 24 à 50 jours, et offrait même plus tard la réaction alcaline et répandait l'odeur ammoniacale; mais, par la potasse il donnait encore les caractères de l'acide azotique. Dans ce dernier cas, l'expert doit être très-circonspect, le mélange pouvant contenir du nitrate d'ammoniaque, par suite de la putréfaction des matières organiques.

Ces expériences sont intéressantes sans doute, mais elles auraient reçu une application plus directe à la toxicologie, si elles avaient été faites sur des chiens empoisonnés par l'acide azotique, ou même sur les cadavres dans l'estomac desquels cet acide aurait été ingéré. Dans ces derniers cas, comme dans les cas d'empoisonnement, il y a des phénomènes d'imbibition qui n'ont pas lieu dans les vases inertes.

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Effets toxiques. Nous n'avons presque rien à ajouter à ce que nous avons dit dans les généralités sur l'empoisonnement par les acides; car, c'est l'acide nitrique qui nous a servi de type. Nous dirons seulement : 1o que les rapports gazeux sont bien plus fréquents dans cette espèce, et qu'ils offrent l'odeur et la saveur particulières de l'acide nitreux, et que, le malade perçoit ces qualités dans l'intervalle des vomissements, et même quand ceux-ci n'ont pas lieu; 2o que les matières des vomissements. présentent aussi cette odeur et cette saveur, et qu'ordinaire ment elles sont colorées en jaune, et corrodent les vases en cuivre, même à froid ; 3° que la constipation, la suspension de la sécrétion urinaire, et le froid à l'extérieur, surtout des extrémités inférieures, sont plus prononcés, et offrent en général plus de persistance; 4o qu'enfin la coloration des tissus offre quelque chose de spécial. Fourcroy a noté aussi une éruption de boutons à la peau, semblables à ceux de la petite vérole, mais cet effet est très-rare et non spécial à ce poison.

Allérations pathologiques. Lorsque le malade succombe dans la période des effets immédiats ou primitifs, en outre des lésions communes aux acides minéraux, on en observe de spéciales à l'acide azotique, c'est-à-dire, la coloration jaune des tissus, qui, d'après Tartra, serait assez caractéristique pour qu'on puisse affirmer judiciairement, soit sur l'homme vivant, soit sur le cadavre, qu'il y a eu empoisonnement par cet acide. Il conviendrait peut-être d'ajouter, dans l'état actuel de la science, que les taches ne disparaissent pas par la potasse, qu'au contraire elles se foncent en couleur, ce qui les distingue des taches d'iode et de bile. Cependant, nous verrons ci-après que, dans

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