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permettre au malade de sortir de l'hospice, a trouvé le pilore tellement rétréci que son diamètre était réduit à une ligne. Ce rétrécissement s'étendait à un pouce et demi, 145 millim. dans le duodénum. Les tissus, en cet endroit, étaient évidemment lardacés, squirreux. La muqueuse offrait çà et là des rougeurs, des indices de ramollissement et des ulcérations en grande partie cicatrisées. Cet homme a été traité par la magnésie, les sangsues, et les antiphlogistiques.

Observation V. Marie Ladan, âgée de trente-cinq ans, adonnée depuis longtemps à l'ivrognerie, but avidement environ une cuillerée d'eau forte, pour de l'eau ordinaire, le 19 thermidor an IX. Aussitôt, hoquet, rapports abondants, nausées, vomissements de tous les aliments qu'elle venait de prendre en déjeunant. On lui donna une grande quantité d'eau tiède, et on la transporta, une demi-heure après, au grand hospice de l'Humanité. On lui fit une saignée du bras, et on lui donna en abondance une dissolution de gomme, du lait, et des juleps huileux composés, qui furent administrés à diverses reprises. Les premiers accidents se calmèrent par degrés; mais la constipation, excessivement opiniâtre dès les premiers jours, resta la même. Au bout d'une décade de traitement et de décroissement assez marqué dans les symptômes, cette malade mangea, pour la première fois, un peu de vermicelle, et le vomit aussitôt. Depuis son accident elle salivait beaucoup, avait une haleine d'une fétidité incroyable; mais elle ne rendait pas dans les matières de ses vomissements, des portions de membranes; seulement elle croyait sentir dans le fond de la gorge la présence d'un corps étranger qui la fatiguait sans cesse, gênait la déglutition et la respiration, altérait la parole, etc.

Le 9 thermidor, le vingtième jour de son empoisonnement, cette femme eut dans le courant de la nuit une pressante envie d'aller à la selle, et rendit, après beaucoup d'efforts, un long paquet membraneux d'une seule pièce singulièrement replié et roulé sur lui-même. Ce paquet ayant été bien lavé, étendu et développé, représenta la forme de l'œsophage et de l'estomac avec toutes leurs dimensions. C'était la membrane interne de ces organes qui avait été soulevée et décollée dans tous ses points à la fois, qu'on reconnut au plus simple examen son tissu, dont l'altération était à peu près égale partout. Elle avait 3 à 4 millimètres (1 ou 2 lignes) d'épaisseur et une couleur brune très-marquée. Les por

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tions correspondantes au grand et petit cul-de-sac de l'estomac étaient amincies et percées de plusieurs trous.

Depuis cette exfoliation en masse de la muqueuse œsophagienne et gastrique, la sensibilité du canal alimentaire est devenue exquise, les vomissements ont été plus répétés; tout est vomi, même le lait, qui, pendant les quinze premiers jours, avait servi de nourriture, était à présent rejeté tout caillé par la bouche. Cependant, quelques jours après, la sensibilité des organes gastriques paraissait se rétablir dans son état ordinaire. La malade mangeait de la soupe, des œufs, des brioches, et ne les vomissait qu'assez rarement. Son embonpoint habituel avait beaucoup diminué, quoique sa figure conservât toujours une extrême fraîcheur. Enfin, elle avait encore l'extérieur d'une personne bien portante. Elle se levait et marchait un peu, se promenait quelquefois; tout présageait alors un événement heureux; mais, des tiraillements d'estomac, une constipation des plus opiniâtres, une espèce de malaise continuel, s'opposaient sans cesse à son rétablissement.

Ces légers accidents consécutifs prirent tout à coup une intensité inattendue. Combattus vainement, ils entraînèrent bientôt l'état de ma · rasme. Cette femme vomissait, sans exception, tout ce qu'elle prenait; la salivation, excessivement abondante depuis son accident, augmentait tous les jours. Enfin, elle finit par ne plus supporter les matières alimentaires les plus douces; elle n'avait plus la force de vomir, et s'ér puisait en vains efforts. Elle succomba le 15 vendémiaire an X, 2 mois après l'accident. Les facultés intellectuelles sont toujours restées intactes.

Autopsie. Orifices cardiaque et pylorique très-sensiblement rétrécis. Surface interne de l'œsophage et de l'estomac très-lisse et polie, tachetée et nuancée en rouge plus ou moins vif; elle n'avait nullement l'aspect ordinaire. Estomac singulièrement diminué de volume. Le canal intestinal ne parut pas beaucoup rétréci, et tous les organes abdominaux pré 4 sentèrent à peu près l'état ordinaire.

Réflexions. L'exfoliation de la muqueuse des voies gastriques commence ordinairement du deuxième au troisième ou quatrième jour. Elle est due à l'action caustique du poison, et s'opère par lambeaux, par fragments plus ou moins gros, qui sont expulsés avec des flots de salive, ou avec les matières des vomissements. Il est rare que l'exfoliation d'un organe se fasse en masse; cependant, nous en citerons deux autres exemples dans l'empoisonnement par l'acide sulfurique. En ce

cas, elle a lieu du huitième au vingtième jour. L'eau bouillante, ainsi que les poisons corrosifs, et en particulier les poisons alcalins, produisent des exfoliations analogues. Ces exfoliations s'observent aussi dans certains états morbides. Tartra se demande si, le paquet membraneux, évacué par les selles, était véritablement la membrane muqueuse des premières voies, ou une fausse membrane de formation accidentelle. D'après l'appréciation exacte de toutes les circonstances, la première hypothèse lui paraît être la seule admissible. La membrane muqueuse œsophagienne et gastrique, exfoliée en masse, s'était régénérée d'une manière assez évidente, par une disposition particulière du tissu membraneux sousjacent, comme cela arrive à l'épiderme. Telle est aussi l'opinion de MM. Nonat et Blandin. (Voyez acide sulfurique. )

Observation VI. Mercier, âgé de cinquante-six ans, ayant perdu, pendant la révolution, sa fortune, sa femme et ses enfants, sans vêtements et sans asile, pour mettre fin à ses jours, avala d'un seul trait, et après avoir mangé une grande quantité de haricots, pour 40 centimes environ d'eau-forte de bonne qualité, le 21 messidor an VIII. Aussitôt, douleurs brûlantes à la gorge, le long de l'œsophage et de l'estomac; puis, dégagement de gaz, rapports violents et précipités par la bouche et les narines. Quelques instants après, vomissements de matières alimentaires colorées en rouge sale et faisant effervescence sur le pavé. Il se rend à pied, peu de temps après l'accident, à quatre heures de l'après-midi, de derrière Notre-Dame, au grand hospice de l'Humanité. Les vomissements étaient alors rares, et les matières rejetées liquides et noirâtres. On lui donna une boisson copieuse de décoction de graine de lin émulsionnée. A six heures du soir, frissons de temps à autre; froid à l'extérieur; difficulté de parler; respiration assez facile; pouls petit, serré; douleur vive à la gorge et à l'estomac, croissant au moindre contact; déglutition pénible; intérieur de la bouche et surface de la langue de couleur blanche un peu terne, etc.; constipation; impossibilité d'uriner dans les premiers instants; prostration des forces. Le lendemain, 22 messidor, la violence des symptômes est très-modérée; l'amélioration est très-sensible: sangsues à l'anus, boissons et juleps anti-spasmodiques. Peu à peu les accidents disparurent, et, malgré quelques récidives inattendues, l'exfoliation de l'œsophage et de l'estomac

eut lieu dans un temps assez court, et le malade était entièrement rétabli, trois mois après l'accident.

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La terminaison par la guérison complète dans la periode des accidents consécutifs est excessivement rare. Les malades conservent presque toujours quelques incommodités plus ou moins graves. Tartra, cite un graveur, qui, ayant bu de l'eau-forte par inadvertance, en rejeta la plus grande quantité, et chez lequel, les effets consécutifs s'amendèrent peu peu, de sorte que, un an après, il ne vomissait que de temps autre, mais il souffrait toujours de la gorge. La bouche et le pharynx ne formaient qu'une seule cavité par la destruction du voile du palais et des amygdales. Cet homme n'offrait pas la maigreur, suite nécessaire d'une altération forte du tube intestinal; peut-être que l'acide n'avait pas pénétré dans l'estomac.

EMPOISONNEMENT PAR L'ACIDE NITREUX.

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L'acide nitreux, hypo-nitrique, hypo-azotique s'obtient par la distillation du nitrate de plomb sec. Il est liquide, jaune-orangé; donne des vapeurs rutilantes et permanentes à la température ordinaire; bout et se vaporise aussi en abondantes vapeurs nitreuses à + 28°. Etendu d'eau, il se décolore et se transforme en grande partie en acide nitrique. L'acide hyponitrique est très-rare dans le commerce, et bien peu employé coume poison; mais, il est plusieurs circonstances où il peut se produire à l'état de vapeurs rutilantes, occasionner alors des accidents très-graves et même mortels; c'est lorsl'acide azotique se trouve en contact avec des que trèscorps oxydables, les métaux, les matières organiques (Voyez empoisonnement par les matières gazeuses); aussi, dans l'intoxication par l'acide nitrique, il n'est probablement pas étranger au développement des effets toxiques et des altérations pathologiques d'ailleurs, l'acide azotique en contient presque toujours. L'acide nitreux réagit sur les matières organiques, solides et liquides, sur le cuivre, sur la morphine et le soluté de sulfate de fer comme l'acide nitrique, donne lieu aux mêmes effets, et, par conséquent, réclame le même traitement.

EMPOISONNEMENT PAR L'ACIDE SULFURIQUE.

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Cet acide peut être considéré dans les mêmes états que cide nitrique, et de plus, à l'état de bleu de composition ou de sulfate d'indigo.

Car. phys. L'acide sulfurique pur et concentré est liquide, incolore, de consistance oléagineuse; il ne donne pas de vapeurs à l'air. Sa densité est de 1,85. Il marque 66o au pèse-acide; bout et se vaporise sans résidu à + 326o. L'acide sulfurique du commerce offre à peu près les mêmes caractères, si ce n'est qu'il est presque toujours coloré en brun fauve, ou brun noirâtre. Comme il contient ordinairement du sulfate de plomb et de potasse, etc., il laisse un résidu formé par ces sels, après évaporation, lequel, peut s'élever de 2 1/2 à 3 pour %.

Car. chim. Qu'il soit pur ou du commerce, l'acide sulfurique offre les caractères chimiques suivants: 10 il rougit fortement la teinture de tournesol; 20 noircit, carbonise les matières organiques solides, un fragment d'allumette, etc., qu'on y laisse séjourner un instant, en leur enlevant de l'oxygène et de l'hydrogène dans les rapports convenables pour former de l'eau. Le carbone, mis à nu, colore ensuite l'acide en brun ou en noir. C'est à cette cause qu'est due la coloration de l'acide du commerce; 3o chauffé avec du charbon, de la limaille de cuivre, le mercure, etc., il leur cède de son oxygène, et se dégage à l'état d'acide sulfureux, reconnaissable à l'odeur de soufre qui brûle, et à ce que, un papier ou une baguette amidonnés et imprégnés d'un soluté d'acide iodique ou d'iodate acide de potasse, plongés dans ce gaz, se colorent en bleu ou en violet. L'acide sulfureux s'empare de l'oxygène de l'acide iodique, et l'iode se porte sur l'amidon; 4° l'acide sulfurique donne, avec le nitrate de baryte, un précipité blanc, lourd (sulfate de baryte), insoluble dans l'eau et l'acide nitrique. Ce précipité, lavé, desséché, mêlé avec du charbon pur, et chauffé pendant 10 à 12 minutes dans une cuiller de platine-couverte, à la flamme d'une lampe à l'alcool, avivée avec le chalumeau, ou pendant une demi-heure, à une chaleur rouge, dans un creu

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