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les arts économiques, industriels, la vie serait continuellement compromise.

Dans quel but la nature a-t-elle été si prodigue de substances nuisibles aux êtres vivants? Ce ne peut être comme moyen de destruction en général, car ils s'entre-détruisent assez d'eux-mêmes, sont assez décimés par les épidémies, mais plutôt parce que tout est relatif en ce monde, le bien comme le mal; c'est à l'homme à bien utiliser ce qui l'entoure : ainsi les poisons peuvent servir à détruire les espèces nuisibles, et, convenablement administrés, sont des médicaments précieux.

La plupart des poisons inorganiques en usage sont le produit de l'art. Ceux qui existent dans le sein de la terre s'y trouvent à l'état insoluble ou peu soluble, fort heureusement, car, dissous par l'eau, ils rendraient ce liquide toxique; bien plus, la petite quantité qui est entraînée par les eaux minérales, en forme souvent un des principes constituants le plus important.

Les poisons organiques sont répandus sur toute la surface de la terre, et, depuis les productions cryptogamiques quí se développent spontanément sur les matières alimentaires, jusqu'aux plantes qui font l'ornement de nos jardins, il est bien peu de familles qui ne fournissent de substances toxiques. Leurs propriétés résident dans des produits acides, alcalins, résineux, huileux, oléorésineux, disséminés dans toute la plante, condensés dans un organe, ou renfermés dans des réservoirs spéciaux, de manière à ne pas passer dans la grande circulation, à rester inertes, tandis que par les voies ordinaires de l'absorption ils sont toxiques, même pour l'animal, la plante qui les ont fabriqués.

Les poisons inorganiques et organiques sont solides ou liquides; plusieurs peuvent se réduire à l'état de gaz, de vapeurs, soit par l'action de la chaleur, soit par réaction chimique; cependant la plupart des gaz toxiques ou asphyxiants, stables à la température ordinaire, se dégagent du sein de la terre, résultent de l'altération spontanée ou par le feu des

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matières organiques. Depuis la découverte des agents anesthésiques, la toxicologie pneumatique a acquis une trèsgrande importance.

L'expert peut être appelé à reconnaître les poisons dans les états suivants : 1° en nature ou tels qu'on les trouve dans le commerce; 2° dissous dans l'eau ou tout autre véhicule incolore ou coloré; 3° dans les matières alimentaires, les boissons, celles des vomissements, des déjections, le tube intestinal ; 4° dans les organes (foie, rate, etc.), les liquides (urines, sang, etc.), où ils ont pénétré par absorption; 5° dans la terre du cimetière, l'atmosphère, etc.

I.-Les poisons solides, tels qu'on les trouve dans le commerce, peuvent être reconnus aux caractères physiques et organoleptiques (couleur, odeur, saveur, aspect, densité, forme cristalline, etc.), microscopiques, botaniques, zoologiques, pharmacologiques, à leur solubilité ou insolubilité dans l'eau, l'alcool, l'éther, aux modifications qu'ils éprouvent au chalumeau, sur les charbons ardents. Dans ces tâtonnements le charbon est un réactif précieux. Les poisons inorganiques peuvent fondre, déflagrer, se vaporiser en vapeurs colorées ou incolores avec ou sans odeur, se réduire même si c'est un poison de la 4 section; mais ne noircissent pas, ne se carbonisent pas, ne donnent pas des produits empyreumatiques comme les poisons organiques qui, en outre, ont une saveur amère, âcre, vireuse, mais non salée, métallique, et plusieurs une structure fibreuse, celluleuse. Nous avons une telle habitude de ces expériences, qu'avec deux charbons ardents, même sans le secours du chalumeau, nous pourrions distinguer la plupart des poisons inorganiques.

II.-Les poisons naturellement liquides ou dissous dans un liquide incolore, peuvent aussi se reconnaître aux caractères physiques, organoleptiques et pharmacologiques, à leur réaction au papier tournesol, et surtout par les réactifs généraux, l'acide sulfhydrique, qui ne précipite pas les poisons acides et à base alcaline, et précipite en blanc les sels de zinc ;

en jaune les arsénicaux, les antimoniaux, les deutosels d'étain; en noir les autres poisons de cette section, dont la plupart fournissent ensuite des réactions caractéristiques par la potasse, le cyanoferrure de potassium, l'iodure, le chlorure, un fil de fer, de cuivre en spirales, etc.

Lorsque le poison est dissous dans des liquides colorés, la matière colorante masque ces réactions. Pendant longtemps on les a préalablement décolorés par le charbon pur ou le chlore. Le charbon décolore parfaitement, mais il absorbe aussi le poison. Cet inconvénient a été un peu exagéré, et nous avons décoloré avec succès le vin pour la recherche de l'iodure de potassium, de l'acide nitrique, de l'arsenic. Mais il faut que la décoloration soit prompte. On agite vivement le liquide avec le charbon, et on filtre immédiatement. Le chlore précipite l'iode, les sels de plomb, d'argent, les protosels de mercure, transforme certains poisons. A cause de ces inconvénients, le chlore et le charbon ne sont que très-rarement employés comme corps décolorants. Il est mieux de précipiter le poison par un courant de gaz sulfhydrique en sulfure (vin plombique), qu'on transforme ensuite en azotate par l'acide azotique, ou bien d'évaporer les liquides à siccité, et d'agir sur le résidu comme s'il provenait des liquides chargés de matière organique.

III.

Recherche des poisons dans les matières alimentaires, celles des vomissements, des déjections, le tube intestinal. Ils peuvent s'y rencontrer à l'état : 1° solide; 2° de dissolution; 3o de combinaison. Après avoir constaté l'odeur, la couleur, l'aspect, la saveur de ces matières, delayez-les dans s. q. d'eau et décantez-les dans un autre vase, afin de s'assurer si, au fond, sur les parois, il n'existe aucune trace de poison. Séparez les parties liquides des solides; étendez cellesci par petites couches sur une lame de verre, et examinez-les à une bonne lumière. Le tube intestinal et son contenu seront soumis au même examen (voyez arsenic, cantharides). Chauffez graduellement les parties solides et liquides en vase clos, afin

d'isoler les poisons solubles et inégalement volatils; examinez séparément le produit distillé et les liquides de la cornue par les réactifs généraux des poisons inorganiques. Si les résultats sont nuls, consacrez une portion des matières solides et liquides à la recherche des alcalis végétaux (voyez t. II, p. 2). Enfin, le restant sera consacré à la recherche des poisons minéraux quiforment des composés insolubles avec les matières organiques (arsenic, antimoine, mercure, cuivre, plomb, et autres poisons de la 4° section), par l'un.des procédés que nous avons décrits dans la toxicologie générale, et sur lesquels nous reviendrons, aux préparations arsénicales, cuivreuses, etc. Ils ont pour but, en général, de détruire la matière organique. Ce sont les procédés de Reinch, par le chlore, par l'eau-régale, par l'acide azotique ou chlorhydrique et le chlorate de potasse, la carbonisation par l'acide sulfurique ou azotique, l'incinération simple ou par l'azotate de potasse.

La carbonisation par l'acide sulfurique est le procédé le plus souvent employé dans les cas d'expertise; c'est le plus simple, il s'applique au plus grand nombre des cas. Les liquides sont évaporés en consistance sirupeuse, et, ainsi que les parties molles, introduits dans une cornue suivie d'un récipient entouré de linges froids, additionnés à froid de 1/3 environ d'acide sulfurique pur, chauffés ensuite jusqu'à carbonisation. Le charbon est broyé, humecté d'eau-régale, desséché et broyé de nouveau, puis mis à bouillir dans l'eau distillée. Les liqueurs filtrées et concentrées, sont examinées par les réactifs généraux, l'acide sulfhydrique, des fils de fer, de cuivre, et l'appareil de Marsh pour la recherche de l'arsenic, de l'antimoine. Le charbon sulfurique est ensuite incinéré, les cendres sont traitées par l'acide azotique, l'excès d'acide est évaporé, le résidu repris par l'eau, et la liqueur filtrée et concentrée, essayée par les fils de fer, de cuivre, le cyanoferrure de potassium, l'iodure, le chlorure, pour y déceler le cuivre, le plomb, le bismuth, l'argent, etc. Dans le produit distillé, on recherche les métaux volatils (arsenic, mercure).

IV.-Recherche des poisons absorbés. Dans le cours de ce traité, surtout aux préparations cyaniques, aux strychnées, aux animaux venimeux, nous rapportons des faits et expériences qui démontrent que les poisons sont absorbés par toutes les voies et transportés dans les organes par les veines. Quoique M. Homolle, après avoir pris un bain avec l'iodure de potassium, ou un décocté de 1 à 2 kilogr. de feuilles de Belladone ou de digitale, n'ait pas trouvé d'iode dans les urines, n'ait éprouvé aucun effet narcotique, nous citons cependant des empoisonnements par la peau non dénudée avec l'opium, les solanées, etc. Le curare, les venins, le sont par la muqueuse pulmonaire, le tissu cellulaire, non par les muqueuses gastrointestinale et externes. Orfila, qui pendant longtemps a nié l'absorption des acides, a constaté que les urines des chiens empoisonnés par les acides sulfurique, chlorhydrique, précipitaient plus abondamment par le nitrate de baryte, d'argent, que les urines normales. M. Devergie a trouvé l'acide tartrique dans le sang, le foie des chiens intoxiqués. Enfin, tous les poisons minéraux, la plupart des poisons organiques, l'acide cyanhydrique, plusieurs huiles essentielles, l'alcool, l'éther, le chloroforme, et parmi les alcaloïdes, la morphine, la nicotine, la conicine, ont été décélés dans le foie et autres organes, le sang, les urines et autres liquides. C'est dans le foie qu'ils se condensent spécialement; cependant la nicotine, la conicine, se trouvent en plus grande quantité dans les poumons (MM. Stas, Orfila), le chloroforme dans le cerveau, le sang ( M. LudgerLallemand).

Les poisons envahissent les organes les plus vasculaires et ensuite ceux qui le sont moins, le cerveau, la graisse, les os. Leur séjour y est d'autant plus long qu'ils sont donnés par doses fractionnées et plus longtemps prolongées, qu'ils forment des composés insolubles avec les produits immédiats. Dans les empoisonnements aigus, l'élimination peut être complète en cinq, quinze jours. M. Quevesne, après avoir pris 60 centig. d'iodure de potassium ou 4 gramme d'iodure de fer, constate l'iode

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