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dans une petite quantité d'eau; filtrer et constater si les liquides filtrés ont la réaction acide, s'ils donnent, par le nitrate de baryte, un précipité caractéristique, s'ils laissent dégager à chaud de l'acide sulfureux, par la limaille de cuivre, après les avoir concentrés jusqu'à consistance sirupeuse. Par les raisons que nous avons précédemment indiquées, ce dernier caractère n'est pas toujours facile à constater, mais, dans plusieurs expertises légales, Barruel et Christison se sont contentés des deux premiers caractères. En effet, ces deux réactions, lorsqu'elles concordent avec les altérations propres à l'acide sulfurique, nous paraissent suffisantes. Par ce procédé, Christison et Turner ont pu reconnaître des taches d'acide sulfurique sur les vêtements, 14 jours après (observation 1re), et Christison, deux petites taches faites avec environ un 6/10me de grain d'acide, 7 semaines après, sur une couverture blanche. M. Orfila suit aussi ce procédé. M. Devergie, le trouvant insuffisant pour distinguer si les taches sont produites par l'acide sulfurique libre ou par un sulfate acide, propose de les soumettre à son procédé. Quel que soit le procédé qu'on adopte, il faut ne pas oublier que, les tissus colorés peuvent contenir des sulfates d'alumine, de fer, d'indigo, etc., produits si fréquemment employés en teinture; que l'acide sulfurique sert à préparer les peaux, les cuirs; par conséquent, on ne devra se prononcer qu'après des expériences comparatives sur d'égales portions des mêmes tissus non tachés

Tels sont les procédés en usage pour décéler l'acide sulfurique dans les matières organiques. Nous citerons encore celui qui consiste à détruire ces matières par l'acide nitrique, et tel que l'a employé Barruel dans un cas d'expertise légale, pag. 182. Tous ces procédés sont plus ou moins sujets à erreur, lorsqu'il s'agit de démontrer si l'acide sulfurique y existe à l'état libre ou combiné, mais heureusement, dans la majorité des cas, le procédé ordinaire suffit et les altérations propres à cet acide viennent corroborer le résultat des analyses.

MM. Orfila et Lesueur, ayant mêlé des quantités données d'acide sulfurique avec des matières organiques, et les ayant

placées dans les mêmes circonstances que celles que nous avons indiquées en parlant de l'acide azotique, ont obtenu à peu près les mêmes résultats.

Effets toxiques. Il serait à désirer que nous eussions une monographie toxico-médicale sur l'acide sulfurique, aussi conplète que celle de Tartra sur l'acide nitrique. D'après les auteurs, ces deux acides donneraient lieu aux mêmes effets immédiats et consécutifs. C'est ce dont on pourra se convaincre, en comparant les observations d'empoisonnement. Nous n'avons donc qu'à indiquer ce que l'acide sulfurique offre de spécial. Les rapports sont bien moins abondants, ou plutôt, n'offrent pas, ainsi que les matières des vomissements, l'odeur, la saveur particulière de l'acide nitreux. Ces dernières matières sont, le plus souvent, colorées en brun ou en noir, et n'atta quent pas les vases en cuivre à froid. La constipation, le froid externe, la suspension de la sécrétion urinaire sont des symptômes moins constants et moins persistants; il y a même quelquefois diarrhée. Les parties externes atteintes, les lèvres, le menton, les doigts, la muqueuse buccale, etc., d'abord grisâtres, prennent, au bout de 12 à 18 heures, une couleur brune ou noire. Dans la clinique des hôpitaux, on rapporte un cas où il y a eu éruption de plaques rouges sur les avant-bras, le vingtième jour de l'intoxication.

Altérations pathologiques. Elles offrent, en général, des différences bien tranchées d'avec celles que produit l'acide azotique. Les lèvres, le menton, les doigts, les parties enfin qui ont reçu l'action de l'acide sulfurique sont brunes ou noires. Les taches des vêtements sont rouges ou carbonisées, moites au centre, et plus étendues que ne le comporte la quantité d'acide, ce qui est dû à son hygrométricité. La muqueuse buccale, pharyngée, œsophagienne, stomacale, sont aussi brunes ou noires, réduites en bouillie, ou s'enlèvent par lambeaux de même couleur. La muqueuse duodénale peut offrir aussi de semblables altérations; quelquefois cependant, elle est tapissée, ainsi que la stomacale, d'un enduit jaunâtre plus ou moins épais, séparé les villosités dont les bords libres sont noircis, carbonisés,

par

Cet enduit est probablement le résultat de la décomposition de la bile. La muqueuse est assez souvent noire et carbonisée audessous. Ce caractère permettrait peut-être de distinguer ce genre d'altérations d'avec celles de même nature qu'on observe dans l'empoisonnement par l'acide azotique. Cependant, on trouve quelquefois des colorations jaunes de la muqueuse œsophagienne et pharyngée, et même laryngée. Cela tien drait-il, à ce que, l'acide sulfurique du commerce serait mêlé en ce cas à de l'acide nitrique ? Lorsqu'il existe des ulcérations, des perforations, les bords en sont noircis, carbonisés. Les matières contenues dans l'estomac ou épanchées dans le péritoine, ont ordinairement l'aspect d'une bouillie brunâtre. Le foie, la rate, les reins, le diaphragme, la base des poumons, etc., surtout lorsque l'autopsie a été différée, offrent aussi des colorations grisâtres ou brunes, et sont quelquefois durcis et comme cuits. (Obse. III).

Faits pratiques.

La découverte de l'acide sulfurique date du moyen âge. On le trouve dans le commerce à l'état 1° d'acide sulfurique anhydre solide et liquide; 2o d'acide sulfurique de Saxe, d'Allemagne, de Nordhausen ou fumant, d'Angleterre ; 5o d'acide sulfurique hydraté pur et du commerce. Mais, c'est ce dernier qu'on désigne aussi sous les noms d'esprit, d'huile, ou d'acide de soufre, d'acide vitriolique, d'huile de vitriol, qui est employé comme poison. L'usage de l'acide sulfurique est assez fréquent dans les arts. îl sert au blanchîment, au tannage, à l'épuration des huiles, à dissoudre l'indigo dans la teinture, à la fabrication du cirage et de plusieurs produits chimiques, à sophistiquer les acides végétaux, et en particulier le vinaigre, à composer l'alcool sulfurique, les élixirs vitrioliques, etc.

L'acide sulfurique est bien plus fréquemment employé de nos jours comme toxique que l'acide nitrique, car, on en trouve des observations dans la plupart des journaux français, et, en Angleterre, sur 543 cas d'empoisonnements mortels, recueillis en 1838 et 1839, on en cite 41 par l'acide sulfurique. Cela

tient sans doute, à ce que, ce dernier acide est plus répandu dans le bas commerce, et qu'on peut ainsi se le procurer plus facilement. Les empoisonnements par cet acide ont presque toujours lieu par suicide ou par inadvertance. Cependant, c'est quelquefois dans un but coupable, ou pour défigurer. En voici quelques exemples. La plupart sont extraits de Christison.

Une femme fut tuée par de fréquentes doses d'acide sulfuri que qu'on lui donnait sous prétexte de médicament (Valentini). En 1829, un infirmier de l'hôpital de Strasbourg, fut condamné, pour avoir essayé de faire mourir sa femme, en la rendant d'abord malade avec de l'émétique, et en lui donnant ensuite de l'acide sulfurique dans du sirop, sous prétexte de la guérir. (Bulletin des scienc. méd., 1850.)

Aux assises d'Aberdeen, en 1830, une femme fut convaincue d'avoir tué son mari, en lui versant de l'acide sulfurique dans le gosier, pendant qu'il dormait la bouche ouverte.

Une femme Malcolm, fut exécutée à Édimbourg, pour avoir tué son enfant, en lui versant de l'acide sulfurique dans la bouche. Aux assises d'Exeter, en 1822, une autre femme fut condamnée pour le même crime. Deux autres ont été aussi exécutées, l'une à Manchester, l'autre à Shrewsbury.

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Un frère, voulait faire avaler de force à sa sœur de l'acide sulfurique pour de la liqueur, dans un but coupable. Le poison se répandit à l'extérieur. Il n'y eut pas d'intoxication. (Assises de l'Yonne, Auxerre, 1841.)

A. Dans un cas de suspicion d'homicide par empoisonnement par cet acide sur un enfant, Barruel a eu à examiner les objets suivants. Afin d'abréger, nous donnerons seulement la substance de son rapport et ses conclusions.

10 Une portion de bouchon de liége trouvée près du berceau de l'enfant, 2o une petite brassière d'enfant en étoffe rayée et de couleur violette, 30 une petite chemise à brassière, 4° une petite paillasse connue des nourrices sous le nom de paillasson.

Tous ces objets étaient plus ou moins corrodés, brunis ou noircis, et moites. Ils rougissaient fortement le papier de tournesol humide. Ils n'avaient pas d'odeur irritante. Les parties

altérées, lavées dans un peu d'eau distillée, ont donné une liqueur fortement acide, qui ne se troublait pas par un courant d'acide hydrosulfurique, mais, elle donnait, par 1 hydrochlorate de baryte, un précipité abondant, insoluble dans l'eau aiguisée d'acide nitrique. Ces altérations sont évidemment produites par l'acide sulfurique répandu à la surface des tissus dans un assez grand état de concentration.

5o Une casserole en cuivre élamée, pour constater, si les taches qu'elle offrait, étaient le résultat de l'action de l'acide sulfurique ou du vinaigre. Le fond de la casserole est de deux couleurs : le tiers a une couleur verdâtre, analogue à celle du vert-de-gris; les deux autres tiers ont une couleur brun-noir. Une petite quantité d'eau a été chauffée un instant dans cette casserole ; le liquide versé dans un verre, n'a offert aucune coloration; traité par la solution d'hydrochlorate de baryte, ce réactif y a produit une faible louche, que l'eau, fortement aiguisée d'acide nitrique pur, n'a pas fait disparaître. Cette expérience dénote bien une trace d'acide sulfurique ou d'un sulfate, mais, attendu que beaucoup de vinaigres, contiennent l'un ou l'autre de ces deux produits, il nous est impossible de dire, si le fond de la casserole, a été altéré parce qu'on y aurait fait séjourner de l'acide sulfurique ou du vinaigre.

60 Langue et morceau de peau enlevés, à partir de la lèvre inférieure jusqu'au cou, provenant du cadavre de l'enfant soupçonné être mort par l'effet de l'acide sulfurique concentré, qu'on lui aurait fait avaler. Ces débris étaient dans un petit bocal. Placés dans une capsule de verre, et développés, on a versé dessus un peu d'eau distillée, pour les débarrasser d'un liquide sanguinolent qui en recouvrait la surface. Alors, on a reconnu qu'il existait sur plusieurs points de la surface du morceau de peau désigné ci dessus des escarres ou parties altérées pendant la vie de l'enfant. Ces escarres, touchées avec du papier bleu de tournesol, le rougissaient sensiblement. La langue était très-gonflée, et le tissu de sa partie supérieure profondément corrodé ou excorié; cette partie rougissait le papier de tournesol. L'eau des lavages de ces matières rougissait faiblement

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