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jours une réaction plus grande que de coutume; mais toujours absence de troubles des facultés intellectuelles (saignée de 10 onces, reste idem).

Les jours suivants, la fièvre persiste, ainsi que la diarrhée, mais la déglutition devient de plus en plus facile; la rougeur de la gorge disparaît; on insiste sur les adoucissants, les calmants et la diète.

Le vingtième jour, le malade rendit, au milieu des évacuations alvines, un corps solide, membraneux, coloré en noir, présentant les caractères d'un tissu parfaitement organisé, et ayant l'aspect d'une membrane muqueuse dépouillée de ses villosités. Placé entre l'œil et la lumière, il nous offrit un grand nombre de vaisseaux injectés de sang noir, coagulé. Ce corps membraneux avait la forme du grand cul-desac de l'estomac.

Depuis cette époque la fièvre cessa complétement; la face conserva une teinte jaune-pâle, un peu terne; la langue resta humide, sans enduit, sans rougeur; il n'y eut plus de douleur ni à la gorge, ni à l'épigastre; l'appétit revint; mais les digestions sont restées lentes, difficiles; la diarrhée s'est bientôt calmée. (On accorda du bouillon, du vermicelle, de la bouillie et du lait); ces aliments n'étaient point vomis.

Le vingt-sixième jour, le malade essaya inutilement d'avaler un peu de pain. Les jours suivants, il mangea quelques carottes, de la viande, des pommes de terre et de la purée de pois, en petite quantité à la fois. Ges aliments furent vomis au bout de quelques heures, sans avoir subi aucun changement. Nous fûmes bientôt obligés de suspendre ces essais, parce qu'ils fatiguaient inutilement le malade. Depuis cette époque, il n'accusa de douleur ni sur le trajet de l'œsophage, ni à l'épigastre. Son état est resté le même pendant plusieurs jours. Les selles étaient rares, la peau fraîche, le pouls sans fréquence. Dans les derniers temps de la vie, les vomissements reparurent, et la maigreur fit chaque jour des progrès lents, mais continus. Enfin, le malade réduit au marasme le plus complet, succomba le 13 novembre, deux mois et demi après l'empoisonnement.

Autopsie. Rien de particulier à l'extérieur, sauf l'état de marasme que nous venons de signaler. La bouche et le pharynx n'ont offert rien qui mérite d'être noté. L'œsophage, dans son quart supérieur, avait son volume et son épaisseur ordinaires; dans ses trois quarts inférieurs, il était beaucoup plus petit qu'il ne doit l'être ; en haut, les parois avaient 3 millim. (1 ligne 112) d'épaisseur, et en bas, près de 9 à 11 millim. (4 ou 5 lignes). Cette augmentation d'épaisseur était due principalement à la membrane charnue. Le calibre de l'œsophage n'avait pas subi de chan

gement moins remarquable; en haut, son diamètre était de 11 millim. (5 lignes); et en bas, à peine de 3 à 5 millim. (1 ligne et 112 à 2 lignes). La partie la plus rétrécie occupait l'extrémité inférieure. En effet, dans une étendue de 7 à 11 millim. (3 à 5 lignes), un peu au-dessus de l'orifice cardiaque, l'œsophage n'avait que 2 à 3 millim. (1 ligne à 1 ligne et 112) de diamètre. Là où l'œsophage avait conservé les dimensions ordinaires, la membrane muqueuse existait encore tout entière, tandis que dans la partie rétrécie, elle était détruite et remplacée par une couche de tissu cellulaire condensé, blanchâtre, dépourvu d'épithélium et de granulations folliculeuses. Les fibres charnues étaient presque immédiatement à découvert. La face interne de l'œsophage était, en outre, parsemée de fentes profondes dans les points ou la muqueuse avait disparu. L'estomac avait beaucoup diminué de volume; il égalait à peine le poing d'un sujet ordinaire; sa surface interne était en partie revêtue de sa membrane muqueuse, qui, avait conservé son aspect villeux et sa consistance normale. Malgré le peu d'étendue de cette membrane aucun pli ne se remarquait à sa surface interne. Ailleurs, c'est-à-dire au niveau de l'orifice cardiaque du grand cul-de-sac, et le long de la petite courbure, l'estomac offrait une surface blanchâtre, non veloutée, en un mot, dépourvue totalement de membrane muqueuse. Partout, où cette tunique était détruite, la membrane charnue avait acquis une épaisseur considérable de 11 à 14 millim. (5 à 6 lignes). Par suite du resserrement de la tunique charnue, le grand cul-de-sac de l'estomac était presque entièrement effacé, et sa surface présentait en dehors, des circonvolutions ou plissements analogues aux circonvolutions du cerveau, signe incontestable du retrait que cette portion de l'estomac avait subie. De là vient que la surface dénudée de membrane muqueuse n'était pas proportionnée à l'étendue de la membrane rejetée pendant la vie avec les déjections alvines. Ce phénomène se conçoit trop facilement pour que nous nous y arrêtions plus longuemeut. Le reste du tube digestif ne nous offrit aucune lésion. La membrane muqueuse était intacte et couverte de follicules isolés, gros comme des grains de millet. Rien de particulier dans les organes respiratoires, circulatoires et nerveux. Il y avait une atrophie considérable du tissu cellulaire graisseux, et des muscles de la vie de relation.

Réflexions. Cette observation, que nous devons à l'obligeance et au désintéressement du docteur Nonat, puisqu'il ne l'a pas encore publiée, offre une extrême analogie avec l'observation V, acide nitrique, page 160. Dans les deux cas, les ma

lades ont pris une grande quantité d'eau immédiatement après l'ingestion du poison, qui, ainsi délayé, aura cautérisé superficiellement les tissus, étendu son action sur une plus grande surface, ce qui explique, peut-être, l'exfoliation en masse de l'œsophage et de l'estomac. Remarquons, qu'après l'exfoliation, chez Marie Ladan, les organes gàstriques ont pris un surcroît de sensibilité, de manière à ne pouvoir supporter les boissons et le lait qui l'étaient auparavant; mais, la sensibilité s'est affaiblie peu à peu, l'estomac a pu garder les aliments solides, et une recrudescence inattendue est survenue, lorsque tout faisait présager une heureuse terminaison; tandis que chez le sujet de M. Nonat, les symptômes généraux et gastriques se sont immédiatement amendés, les aliments liquides étaient supportés, non les aliments solides qui étaient vomis sans avoir subi de changement. Enfin, chez le premier malade, il y a eu une constipation opiniâtre, et chez le second, diarrhée, si ce n'est vers la fin, et tous les deux se sont graduellement éteints dans le marasme et l'affaiblissement les plus complets. L'observation de M. Nonat est si bien détaillée, qu'elle nous dispense d'autres commentaires. On pourrait se demander, toutefois, si, dans les cas de destruction, d'exfoliation en masse de la muqueuse gastrique, la membrane adventive ou de nouvelle formation, peut la remplacer dans ses fonctions digestives, si, enfin, le rétablissement de la santé peut être complet. L'alimentation qui s'est opérée pendant un certain temps chez Marie Ladan, le rétablissement complet de Mercier (observ. VI, acide nitriq. pag. 162) après l'exfoliation de l'œsophage et de l'estomac, les expériences de M. Bretonneau sur les chiens, lesquels ont survécu et bien portants, à la destruction de la muqueuse gastrique par la potasse caustique (voyez ce poison), seraient pour l'affirmative. Mais ces cas doivent être extrêmement rares. Le Dr Corbet (Gaz Méd., 1835) rapporte un autre cas d'exfoliation de l'estomac et l'œsophage au 8e jour de l'intoxication. La personne vécut encore 25 jours.

BLEU DE COMPOSITION.

Le bleu de composition, bleu en liqueur, bleu de Saxe, bieu

des blanchisseuses, est une dissolution de 1 partie d'indigo ou d'indigotine, dans 9 à 10 parties d'acide sulfurique concentré. Cependant, les proportions d'acide sont très-variables. Il est liquide, de consistance sirupeuse, d'un bleu foncé, d'une odeur particulière. Mêlé à l'eau, il se produit une élévation de température comme avec l'acide sulfurique. Une seule goutte suffit pour colorer une grande quantité d'eau ou de tout autre liquide incolore. Il fait éffervescence avec les carbonates alcalins ou terreux. Pour constater la réaction acide, on plonge dans le liquide une bandelette de papier bleu de tournesol; presque immédiatement, la partie immergée s'entoure d'une zone rouge. Chauffé seul ou avec de la limaille de cuivre, du charbon, le bleu de composition dégage des vapeurs ayant d'odeur caractéristique de l'acide sulfureux. Cependant, il se produit assez souvent des vapeurs blanches piquantes, probablement d'acide sulfurique anhydre, qui empêchent de constater ce caractère. Le bleu de composition se décolore par le chlore, passe au jaune paillet, et donne ensuite, par le nitrate dc baryte, un précipité blanc (sulfate de baryte), insoluble dans l'eau, l'acide nitrique, etc. Par l'acide nitrique à froid, il prend la teinte d'acajou. C'est ce qui a lieu aussi pour les taches sur l'épiderme, sur le linge. S'il est étendu d'eau, de manière à communiquer une couleur bleue claire à ce liquide, il se décolore complétement quand on le fait bouillir avec l'acide azotique. Pour constater l'acide sulfurique dans le bleu de composition, on pourrait encore, après l'avoir décoloré par le charbon, en traiter une partie par le nitrate de baryte, concentrer l'autre jusqu'à consistance sirupeuse et la chauffer ensuite avec de la limaille de cuivre pour en dégager l'acide sulfureux. Le bleu de composition ne se décolore pas par la filtration simple au papier.

On trouve dans le commerce plusieurs autres sortes de bleu : 1o le bleu de Serbat, composé de bleu de Prusse délayé et suspendu dans l'eau par l'intermédiaire du cyanure jaune de potassium et de fer (hydrocyanate-ferruré de potasse), il est trèsfréquemment employé par les blanchisseuses des environs de Paris. Il est de couleur bleue, à reflet verdâtre, lorsqu'il est vu

par petites couches, d'une saveur acide plus faible que celle du sulfated'indigo, dont il se distingue par les caractères suivants. Il se décolore par la filtration au papier, la matière colorante reste sur le filtre, et, le liquide filtré ne précipite point par l'hydrochlorate de baryte, mais il donne, avec le nitrate d'argent, un précipité blanc (chlorure et cyanure d'argent), et avec un sesqui. sel de fer, un précipité bleu (bleu de Prusse). Ce bleu ne se décolore que très-difficilement et qu'incomplétement par le chlore. Il prend une couleur verte par l'acide sulfurique concentré, et se colore de nouveau en bleu par l'addition d'eau. Enfin, le bleu de Serbat laisse déposer sa matière colorante par reposition, donne sur le linge une tache bleue mêlée de points verdâtres. Tels sont les caractères que nous a présenté le bleu pris chez une blanchisseuse des environs de Paris.

2o Le bleu de Roux-Lecoynet de Dôle (Jura). Il est d'un trèsbeau bleu foncé, brillant, sans reflet verdâtre. Il tache le papier en bleu irrisé cuivreux, n'a pas de réaction acide; il se décolore parfaitement par le chlore; ainsi décoloré, le liquide se trouble à peine par le nitrate de baryte. Ce bleu, qui ne contient pas d'acide sulfurique, ne serait probablement pas toxique, et serait préférable au bleu de composition ordinaire et au bleu de Serbat, si on pat venait à le fixer sur le linge. Il n'est point décoloré par la simple filtration, et ne dépose pas l'indigo par le repos.

Bleu de composition et matières organiques. S'il fallait démontrer le bleu de composition dans les matières des vomissements, sur les tissus, sur les vêtements, etc., on constaterait d'abord la coloration en vert ou en bleu des parties tachées, leur réaction acide par le papier de tournesol, leur décoloration par l'acide azotique, en agissant à chaud sur les matières liquides, et à froid, et avec l'acide concentré, sur les parties solides. Dans ce dernier cas la couleur passe d'abord au brun-acajou et disparaît ensuite complétement par l'addition d'eau si ces matières sont humides. Enfin, on y décèlerait l'acide sulfurique par les procédés que nous avons indiqués en parlant de cet acide mêlé avec les matières organiques.

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