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Si l'observation précédente est douteuse, complexe, les faits suivants démontrent que l'acide chlorydrique agit comme ses congénères.

Observ. 11. Le 28 juin 1852, à 7 heures du soir, Élisa, âgée de 24 ans, prend en deux fois, et coup sur coup, 65 gramm. d'acide chlorhydrique aussitôt, sensation de brûlure et douleurs vives dans l'arrière-bouche, le pharynx, le long de l'œsophage, l'estomac, suffocation, enrouement, exhalation de vapeurs blanches par la bouche; vomissements de matières faisant effervescence sur le carreau. Transportée à l'Hôtel-Dieu, service de M. Guérard, à 10 heures du soir, ses vêtements et le brancard sont souillés par une matière brune sanguinolente; persistance des vomissements toute la nuit; rejet de l'eau albumineuse avant qu'elle ait franchi le pharynx.

Le 29, à 9 heures du matin, Élisa est couchée sur le côté droit; facies calme; langue ecchymosée à sa pointe, rouge devant en arrière, couverte de pellicules blanchâtres, ainsi que les amygdales, le voile du palais, le pharynx. Les autres parties sont intactes: persistance de douleurs ut suprà; ventre indolent. Les vomissements ont cessé depuis une heure. Les boissons ne peuvent franchir le pharynx; elles provoquent des convulsions violentes; ptyalisme abondant d'un mucus visqueux; quelques crachats à teinte rouillée. Les matières vomies pendant la nuit remplissent les 2/3 d'un bassin, consistent en un liquide rougeâtre non acide, dans lequel nagent de petites masses d'un rouge brunâtre; voix basse, rauque, donloureuse; respiration calme; pouls régulier, assez plein, à 96; peau chaude, sèche; urines rares; pas de selles depuis l'ingestion de l'acide. Gomme sucrée; glace; 20 sangsues et cataplasme à l'épigastre. A 5 heures du soir, grand soulagement; douleurs épigastriques presque disparues; elles persistent à la gorge. Les pellicules se détachent en lambeaux; pas de vomissements; ptyalisme considérable; peau chaude; pouls plus régulier, à 120. 12 șangsues au cou.

Le 30 juin, délire dans la nuit; pas de vomissement; salivation abondante; déglutition très-pénible, renvois acides; pouls régulier, à 116; 36 inspirations; chaleur générale pénible; pas d'affaissement; urines rouges abondantes; pas de selle. Saignée de 3 palettes 16 ventouses sèches au dos; cataplasme; lavement huileux. A 5 heures du soir, selle peu abondante sans caractère spécial; paralysie complète de sentiment dans toute l'étendue des membres; rien de semblable au tronc; sorte d'extase, délire.

Le 1er juillet, affaissement, douleurs locales aussi intenses s'étendant à tout l'abdomen; pommettes colorées; respiration gênée;

narines pulvérulentés; toux; diminution du ptyalisme; elle n'a pas la force de cracher; langue violacée, tuméfiée, presque sans pellicules; peau couverte de sueur; pouls large, à 120; délire, céphalalgie; vue obscurcie par moment; pas de selles. Gomme sucrée; glace; cataplasmes; lavement émollient; bain. — Le 2, délire, respiration tranquille, déglutition plus facile; épigastre et abdomen indolents. Même prescription. Le 3, cessation du délire; moins d'abattement; crachats abondants, rouillés; selle avec une escarre brune d'environ 2 centim. de long; apparition des règles; elle se croyait enceinte. Sinapismes aux cuisses.

Le 4, les règles cessent; amélioration jusqu'au 6; pouls à 100: La malade descend au jardin, supporte le bouillon, non les épinards; ptyalisme abondant; selle copieuse, plus de douleurs à la gorge, voix normale. Le 8, vomissement abondant d'un liquide épais jaunâtre et de lambeaux mous, grisâtres; épigastre très-douloureux; pouls à 104. Bain; eau de seltz; bouillon de poulet; gomme. Du 10 au 24, les vomissements, le ptyalisme, la toux, les douleurs, les spasmes du pharynx persistent avec des alternatives d'amélioration. Les aliments sont tantôt supportés, tantôt rejetés. Élisa descend au jardin par une température froide, se procure des aliments, éprouve une amélioration notable du 24 au 29, des alternatives jusqu'au 6 août. Dès ce jour, ses forces diminuent; du 15 au 16 elle est prise d'une pleurésie avec épanchement des 2/3 inférieurs du côté gauche, s'affaiblit de plus en plus, et succombe dans le marasme, le 21 août, à 6 heures du soir.

Autopsie le 23, à 9 heures. Muqueuse œsophagienne tuméfiée, ramollie dans presque toute son étendue; musculeuse dénudée dans quelques points. Ramollissement gélatiniforme de la muqueuse du grand cul-de-sac avec arborisations brunâtres. Pylore rétréci, induré, coloré en brun. Un verre d'un liquide purulent dans le péritoine, avec pseudo-membranes. Foie hypertrophié, d'un gris-ardoise, adhérent aux reins, qui sont brunâtres. Çà et là quelques plaques avec injection de l'intestin grêle; épiglotte, ventricule de larynx, partie supérieure de la trachée assez fortement injectés, brunâtres. 1 litre de liquide trouble dans la plèvre; poumons engorgés.

ASSISES DU HAINAUT 1846.-Auguste Denisthy est accusé d'avoir remis à sa maîtresse une fiole d'acide chlorhydrique pour provoquer l'avortement. Désirée Darveng rentre bien portante chez sa mère à dix heures du soir. Le 24, de grand matin, elle est prise de vives douleurs intestinales, de vomis

sements. Le docteur Dejean constate de la rougeur, du gonflement de la muqueuse buccale, des amygdales avec pseudo-membranes grisâtres, qui, à leur chute, laissent des ulcérations, de la gêne dans la déglutition; douleurs à la partie inférieure du pharynx, à l'épigastre, au ventre. Traitement anti-phlogistique énergique. Les accidents continuent. Le 2 août, le docteur Boué constate l'état suivant: amaigrissement général; vomissements de matières couleur marc de café. Après chaque prise d'aliments, de boissons, douleur aigue à l'œsophage, au ventre; déglutition difficile, perte d'appétit, fièvre lente, hoquet. Mort le 18 mars 1846.

Le 19, à l'autopsie: Marasme des plus marqués; fiquide brunâtre, fétide dans l'abdomen; muqueuse de l'arrièrebouche ramollie, injectée, donnant une matière purulente à la pression; œsophage épaissi dans toute son étendue et sa muqueuse en suppuration; estomac entièrement désorganisé, ramolli, offrant à sa partie postérieure plusieurs perforations d'un diamètre différent, à bords arrondis, taillés à pic, épaissis, phlogosés, unis aux organes voisins par de légères adhérences albumineuses; orifice pylorique épaissi, ainsi que la muqueuse intestinale; gros intestin sain. La matrice est saine, contient un fœtus de 3 mois, mort depuis 12 à 15 jours. Conclusions. La mort est due aux lésions du tube digestif, produites par un agent corrosif, administré à une époque éloignée de la mort. (MM. Piérard et Boué.)

Rapport analytique. MM. Binard, Lottin et Piérard concluent que la liqueur ingérée était de l'acide chlorhydrique, sur ce que les organes de Désirée Darveng, traités par l'eau, la liqueur filtrée donnait un précipité ceractéristique par l'azotate d'argent. M. Van-den-Broek reprocha aux experts de ne pas avoir employé la distillation pour s'assurer si les organes ne contenaient pas d'acide chlorhydrique libre, de n'avoir pas tenu compte des chlorures alcalins. Dans une contre-expertise. MM. Stas, Pasquier et Joly démontrèrent: 4° que l'estomac, les intestins, le foie d'une fille de 18 ans, morte phthisique, traités séparément par l'eau comme l'avaient fait les premiers

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experts, donnaient, par l'azotate d'argent : l'estomac 2 gr., 810 de chlorure; les intestins 7 g., 974; le foie 6 g., 654, autant enfin que les mêmes organes de la fille Darveng; 2o que cette fille ayant vécu assez longtemps, l'acide chlorhydrique aurait été rejeté par le vomissement ou éliminé, ou bien serait passé à l'état de chlorure, et qu'alors il était impossible, même quelques jours après son ingestion, de le retirer à l'état libre de ces organes.

ASSISES DE L'AISNE 1847. Chez Poudron, âgé de 3 ans et demi, MM. Fleurquint et Allart constatent comme lésions principales: bords des lèvres, partie antérieure et supérieure de la langue brun-noirâtre, corrodés; dents et voile du palais peu altérés; au cou, à la partie antérieure de la poitrine, l'épiderme s'enlève facilement; pharynx et œsophage d'un rouge très-vif; muqueuse stomacale rouge, boursouflée, détruite en quelques endroits ainsi que la musculeuse; trois perforations à bords arrondis, minces près du pylore; liquide brun sanguinolent dans l'abdomen. Conclusions: La mortest due à un liquide corrosif introduit violemment dans la bouche de l'enfant.

Le 4 août 1847, les experts ayant à analyser des taches rougeâtres d'une calotte en velours et les organes, comme ils n'offraient pas de coloration jaune, ils recherchent d'abord l'acide sulfurique par le procédé de l'éther, sans résultat. Ils précipitent la matière organique par l'alcool, filtrent, soumettent les liqueurs à une distillation prolongée. Le produit distillé se troublait à peine par l'azotate d'argent, tandis que le résidu de la cornue, très-acide, donnait un précipité caractéristique. Quoiqu'ils n'aient pas obtenu d'acide chlorhydrique à la distillation, par l'abondance du précipité et les corrosions de l'estomac, ils conclurent à l'ingestion de cet acide concentré. Comme dans l'affaire Denisty, l'expertise chimique pourrait être attaquée; mais combinée avec les lésions, les conclusions nous paraissent avoir toute leur valeur toxicologique.

EMPOISONNEMENT PAR L'EAU RÉGALE.-Elle dissout l'or, offre les caractères de l'acide chlorhydrique et azotique, et agit comme ce dernier.

EMPOISONNEMENT PAR L'ACIDE PHOSPHORIQUE. V. Phosphore.

EMPOISONNEMENT PAR L'ACIDE Acétique.

On trouve dans le commerce plusieurs sortes d'acide acétique: 1o l'acide acétique pur ou concentré, vinaigre radical des pharmacies. Il est liquide, incolore, assez fluide, d'une saveur mordante, fortement acide, d'une odeur particulière de vinaigre, piquante, agréable et ranimante. Il se solidifie en masses lamelleuses entre 4 à 5o. Sa densité est de 1,063. Il s'enflamme lorsqu'il est chauffé dans des vaisseaux ouverts, et brûle avec une flamme bleue. Il est soluble dans l'eau et dans l'alcool. Il forme avec la potasse un sel déliquescent, et ne précipite pas par le nitrate d'argent, l'eau de chaux, les sels de baryte. Ces quatre caractères, et surtout son odeur particulière, le distinguent des autres acides, et en particulier des acides nitrique, hydrochlorique, phosphorique et sulfurique. Si l'acide acétique était étendu d'eau, pour constater ces caractères et surtout son odeur, il faudrait, après l'avoir saturé par la potasse, l'évaporer à une douce chaleur jusqu'à siccité; le résidu salin, traité par quelques gouttes d'acide sulfurique, laisserait dégager des vapeurs blanches ayant l'odeur caractéristique de l'acide acétique. On pourrait recueillir ces vapeurs en opérant dans un appareil distillatoire, comme il sera dit ciaprès. 2o L'acide pyro-acétique, pyro-ligneux, vinaigre de bois, vinaigre de Mollerat, qui s'obtient par la distillation du bois rectifié. Il est liquide, d'une saveur fortement acide, avec un arrière-goût pyrogéné, dont on peut cependant le débarrasser. Il sert à composer les acétates, et, étendu d'eau, à remplacer le vinaigre dans l'art culinaire. 3 Le vinaigre de vin, de cidre, de bière, liqueurs très-complexes et qui ont pour base l'acide acétique; 40 enfin le vinaigre distillé, qui n'est que le précédent dépouillé des matières salines et colorantes par la distillation. Il sert dans les pharmacies à composer les oxymellites, etc.

Acide acétique et matières organiques. Le vinaigre radical, ainsi que le vinaigre de bois non étendu, agissent sur le vin, le cidre, le thé, le café, le lait et la bile, comme les autres aci

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