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selon la température, la nature, l'état de sécheresse ou d'humidité du milieu ambiant, selon la nature, l'état normal ou pathologique de ces matières. En général, dans un cadavre placé en terre, les parties molles, les viscères se ramollissent, se transforment, après un temps plus ou moins long, en une espèce de matière noire épaisse ou cambouis, qui, se dépose sur le côté de la colonne vertébrale, ou s'infiltre dans le cercueil, tombe avec lui en détritus, se mêle au terrain et forme le terreau animal. Lorsque le cadavre est placé dans un terrain sec, élevé, sablonneux, il peut se momifier, et, si c'est dans un terrain humide, se convertir en gras de cadavre. Il résulte des expertises judiciaires, qu'après 1, 2, 4, 9, 14 mois et plus d'inhumation, les viscères, quoique ramollis ou en partie décomposés, peuvent encore être reconnus, et qu'il est possible, d'y décéler l'arsenic, lors même qu'ils sont complétement désorganisés. Sur deux sujets exhumés judiciairement à Bayreuth, l'un après 6 mois, et l'autre après 14, on a trouvé le sulfure d'arsenic en nature dans le tube intestinal. M. Lepelletier du Mans, en cite aussi deux exemples, l'un après 3 et l'autre après 6 mois d'inhumation. Le tube intestinal était tellement bien conservé, que les lésions étaient très-apparentes. Barruel a retiré l'arsenic des organes gastriques, par le procédé ordinaize, après trois ans d'inhumation: le cadavre était momifié, le tube intestinal disposé par feuillets noirâtres, et, à la place des organes parenchymateux, on trouvait un détritus brunâtre. Le 17 juillet 1836, M. Sauçon, pharmacien à Saintes, place, dans un coin de son jardin, à 50 centimètres de profondeur, deux petits cercueils en bois de chêne, parfaitement égaux ; l'un renfermant 125 grammes de matière animale et 1 gramme 20 centigr. d'arsenite d'ammoniaque, et l'autre, pour la même quantité de matière, 1 gram. 20 centigr. d'acide arsenieux. Le jardin, situé à 120 mètres de la Charente, fut inondé tous les ans, et, quelquefois, pendant un mois. Exhumés le 21 juillet 1841, ou 5 ans après, les cercueils ne contenaient plus de matière organique. Coupés par petits morceaux, épuisés à plusieurs reprises par l'eau bouillante, les décoctés de chacun

d'eux, concentrés et soumis séparément à l'appareil de Marsh, donnèrent à peu près la même quantité de taches arsenicales, brillantes, miroitantes, parfaitement caractéristiques. Dubuc de Rouen a retiré de l'arsenic d'un terreau provenant du détritus d'une tranche de veau saupoudrée d'arsenic et renfermée dans une boîte en chêne, après 6 ans d'inhumation; ainsi qu'Ozanam, 7 ans après, d'une matière noire ou cambouis, placée sur les côtes de la colonne vertébrale. De ces faits et de plusieurs autres, M. Orfila pense que, en l'absence du corps du délit, si le terreau donnait de l'arsenic à l'eau froide, et que la terre, prise à 3 ou 4 mètres de distance, n'en donnât point, on pourrait facilement soupçonner que l'arsenic provient du détritus du cadavre, à moins qu'il ne soit ultérieurement prouvé que la partie du cimetière,où se trouvait le corps, ait été arrosée avec une solution arsenicale ou saupoudrée d'une poudre arsenicale soluble. Si, au contraire, la terre, éloignée de quelques mètres du lieu d'inhumation, cédait aussi un composé arsenical à l'eau froide, il faudrait se garder de faire soupçonner que l'arsenic du terreau provient du cadavre. Si le terreau ne donnait de l'arsenic ni par l'eau froide, ni par l'eau bouillante, et qu'il en donnât par l'acide sulfurique pur à froid ou à chaud, on serait porté à croire qu'il n'y a pas eu empoisonnement (si le terrain ne contenait pas de sulfate de chaux), parce qu'en général, les composés arsenicaux solubles, qui proviendraient du cadavre, mêlés à ces sortes de terrain, conservent pendant longtemps la faculté de se dissoudre dans l'eau froide. Toutefois, comme, au bout d'un certain temps, il peut arriver le contraire, surtout si le terrain contenait du sulfate de chaux, l'expert devra analyser quelques autres portions de terre du même cimetière, et, si elles ne donnaient point d'arsenic, ou en donnaient moins que le terreau, il serait peut-être permis d'élever de légères conjectures sur la possibilité d'un empoisonnement. Ces assertions toutes théoriques, bien hasardées, dans des cas aussi graves, et que nous extrayons presque textuellement de l'ouvrage de M. Orfila, n'ont point encore reçu la sanction de l'expérience, pour les adopter sans restrictions; et, dans un cas

judiciaire, l'expert ne doit pas oublier leur peu de valeur scientifique.

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Les expériences de M. Devergie tendent à démontrer qu'un terrain rendu arsenical, peut céder de l'arsenic au cadavre, surtout si celui-ci est ouvert et couvert seulement d'une serpillère. Celles de Fontana, de Magendie, d'Orfila, etc., démontrent que les phénomènes d'imbibition s'exercent pendant la vie et après la mort, et que, les poisons liquides ou solubles, déposés dans le tube intestinal après la mort, pénètrent peu peu ses parois, les tissus environnants, et arrivent ainsi, après un temps plus ou moins long (6 ou 10 jours), aux organes contigus ou éloignés, le foie, les poumons, les urines, etc., et cela, d'autant plus promptement, que le poison est dissous. On conçoit dès lors que, si de l'arsenic avait été déposé dans le tube intestinal après la mort, il serait bien difficile, pour ne pas dire impossible, de savoir si le poison obtenu provient ou non d'un empoisonnement. Il est vrai que, dans le cas d'empoisonnement, on trouve des lésions spéciales, que l'arsenic d'imbibition pénètre par la périphérie des organes et par la face correspondante au tube intestinal, et n'arrive que peu à peu au centre; mais ces circonstances ne sont d'aucune valeur quand l'autopsie est différée, et surtout, lorsque la décomposition est avancée.

Pour résoudre cette question, et pour savoir aussi ce que devient l'arsenic d'un cadavre arsenical inhumé ou immergé, MM. Flandin et Danger ont fait les expériences suivantes. Ils ont placé dans la Seine des chiens empoisonnés par les acides arsenieux et arsenique, dont le thorax et l'abdomen étaient ouverts. Après 21 jours de séjour dans l'eau courante, les organes ont fourni autant d'arsenic que ceux des chiens empoisonnés mais non immergés. Les foies de ces 4 chiens intoxiqués ont été broyés et soumis à des lavages multipliés, d'abord à l'eau froide, puis à l'eau bouillante, et ensuite à des compressions fortes et répétées; bien que les eaux des lavages entraînassent chaque fois de l'arsenic, la proportion la plus forte a été retirée du parenchyme de ces organes par leur procédé de car

bonisation. Ces mêmes expérimentateurs ont immergé pendant un mois de la chair normale dans des dissolutions d'acides arsenieux ou arsenique, et l'ont ensuite soumise à des lavages et compressions répétées comme les foies des animaux empoisonnés. Les eaux de lavages ont seules fournies de l'arsenic, tandis que la chair n'en a pas donné de traces, ce qui tendrait à faire croire que, dans les cas d'intoxication, l'arsenic serait combiné avec les tissus, et qu'il y serait simplement mêlé lorsqu'il les pénètre par imbibition.

Des faits précédents on pourrait conclure, 1o qu'il serait possible de décéler l'arsenic, non-seulement dans un cadavre inhumé depuis longtemps, mais encore soit dans les détritus, soit dans les parois du cercueil, soit dans le terreau; 2o que les eaux courantes, pluviales ou d'inondations, et même les lavages répétés, n'enlèveraient pas complétement l'arsenic aux organes des personnes empoisonnées, tandis qu'il en serait tout autrement, du moins par les lavages répétés, pour l'arsenic qui aurait pénétré ces organes par imbibition, ou qu'on aurait ajouté soit au cadavre, soit au terrain, pour tromper ou détourner les investigations de la justice; 3° que l'arsenic absorbé se localiserait en quelque sorte, ou plutôt, se trouverait en bien plus grande quantité dans le foie, la rate, les reins, les urines, etc., surtout dans le premier de ces organes, et dans le rapport de 20 à 1 d'après MM. Flandin et Danger, tandis qu'il n'en serait point ainsi pour l'arsenic d'imbibition. Ces dernières expériences éclaireraient singulièrement la question d'empoisonnement, mais malheureusement, elles ne peuvent recevoir leur application dans une période avancée de l'intoxication. D'après MM. Flandin et Danger, quelle que soit la voie par laquelle l'arsenic pénètre dans l'organisme vivant, il se localise dans les mêmes organes et dans les mêmes rapports que dans l'empoisonnement par gestion. Cette loi physiologique s'applique aussi aux préparations antimoniales. Ces chimistes n'ont pas retiré de l'arsenic des os, du cerveau des personnes intoxiquées. M. Orfila cependant dit avoir obtenu ce métal de ce dernier organe.

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Telles sont les causes d'erreur à éviter, les questions qu'ou

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peut être appelé à résoudre dans l'application de l'appareil de Marsh aux recherches toxicologiques,aux expertises judiciaires. Quelques-unes de ces erreurs, de ces questions, ne sont encore qu'énoncées, qu'incomplétement résolues, n'ont pas encore reçu la sanction du temps, de l'expérience. C'est à la sagacité de l'expert à peser toutes ces circonstances, à écarter, à éviter, autant que possible, ces causes d'erreur, à éclairer le jury sur les points encore douteux, à ne pas trop précipiter son jugement, ne pas donner enfin des conclusions tranchantes, affirmatives, dans le cas où la science toxicologique n'a encore répandu qu'une bien faible lumière. Si nous n'avions craint de trop prolonger cet article, nous aurions encore signalé bien d'autres causes d'erreur, et par exemple, le papier dont on se sert actuellement pour tuer les mouches, et qu'on prépare en immergeant du papier dans un soluté de : arseniate de soude, 1 P.; sucre 2 p.; eau, 20 p., et qu'on dessèche ensuite. Ce papier est plus délétère que la poudre aux mouches. Ces insectes, dans le court intervalle qui sépare l'ingestion du poison et la mort, ont des déjections qui salissent les objets. Ces déjections doivent contenir de l'arsenic, puisque, 4 grammes de mouches, ainsi intoxiquées, donnent des taches abondantes à l'appareil de Marsh. Les préparations de fer, employées comme contrepoison de l'arsenic, renferment fréquemment de ce métal, et, quoique M. Orfila, n'ait pas retiré ce poison à l'appareil de Marsh, du foie, de la rate, des urines des animaux auxquels il faisait prendre du cotchotar arsenical, il n'en serait pas de même des matières du tube intestinal. Nous citerons encore le chaulage du blé. M. Audouard a retiré de l'arsenic des grains et de la paille. Cependant, les expériences des commissions des Académies des sciences et de médecine sont négatives.

CARACTÈRES DES AUTRES PRÉPARATIONS ARSENIcales.

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A. ARSENIC CobaltIQUE, NOIR D'ARSENIC, L'arsenic ne se trouve pas dans le commerce à l'état pur, ou tel qu'on l'obtient de la réduction de l'acide arsénieux par le flux noir; d'ailleurs, ce métal est très-oxydable.

-POUDRE AUX MOUCHES, OXIDE

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