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l'arsenic, des taches brunes plus ou moins étendues à la partie interne du cœur, siégeant dans les ventricules, les oreillettes, sur les valvules mitrales, tricuspides, les colonnes charnues, ou simultanément sur ces diverses parties. Elles intéressent seulement la membrane interne, ou, à la fois le plan musculaire, et paraissent dépendre plutôt de l'extravasation du sang que d'une véritable inflammation. Ces taches d'ailleurs ne sont pas constantes, n'appartiennent pas exclusivement à l'arsenic, puisqu'on les rencontre aussi chez des personnes mortes de maladies ou par l'effet d'autres poisons. Les auteurs n'ont pas assez fixé leur attention sur l'état de la membrane interne des vaisseaux, pour que nous puissions formuler notre opinion à cet égard. Les organes parenchymateux, le cerveau, la rate, le foie et surtout les poumons sont plus ou moins congestionnés. Ce dernier organe est quelquefois comme apoplectique (Observ. IX et X); coupé par tranches et exprimé, il s'en écoule un sang noir, visqueux. Les lavages répétés démontrent que cet organe n'a pas subi d'altération dans sa texture comme dans les cas d'inflammation. Les membranes du cerveau, ainsi que le sinus sont plus ou moins congestionnés. La plèvre, est, de toutes les membranes séreuses, du moins chez les animaux, celle qui a offert le plus souvent des traces d'altérations avec épanchement, surtout dans les cas d'intoxication par les voies de la respiration. Ce fait est d'autant plus étonnant que, l'acide arsénieux, est employé pour combattre la pleurésie chez les moutons. Enfin, la muqueuse trachéale a été trouvée quelquefois congestionnée chez les chiens. Quant aux autres muqueuses, ce n'est que dans quelques cas très-rares où elles sont congestionnées, enflammées ; c'est surtout lorsque l'intoxication s'est prolongée pendant plusieurs jours. Telles sont les atérations pathologiques qu'on peut trouver dans un empoisonnement arsenical; mais elles ne sont pas toujours aussi générales, aussi intenses, et même dans la plupart des cas, elles sont insuffisantes pour expliquer la mort.

La présence du poison dans le tube intestinal est un caractère très-important en toxicologie légale; car, malgré les selles.

les vomissements abondants, répétés et prolongés, on le trouve presque toujours en nature, au moins 19 fois sur 20, sous forme de poudre, de paillettes brillantes et noirâtres (arsenic cobaltique, poudre aux mouches, oxyde noir d'arsenic), de paillettes jaunes ou rougeâtres (sulfures d'arsenic); de poudre verdâtre (vert de Schéele); de petits grains blancs, inégaux, anguleux, durs (acide arsénieux ). Ces poisons sont disséminés sur la muqueuse astro-intestinale, entre ses villosités, et quelquefois enchatonnés dans la muqueuse, qui, est alors boursoufflée, ecchimosée tout autour, ou enfin enveloppés dans le mucus durci ou de caillots sanguins. L'acide arsénieux a pu être constaté en nature après 6 jours, quoiqu'il y ait eu des vomissements pendant tout ce temps, et, dans quelques cas plus rares après 3, 6, et 14 mois, surtout dans les empoisonnements par le sulfure. La présence de l'acide arsénieux dans le tube intestinal a soulevé quelques questions toxico-légales très-importantes.

1o L'acide arsénieux pris en poudre ou avec des matières alimentaires solides peut-il ne se rencontrer dans le tube intestinal qu'à l'état liquide? MM. Orfila et De vergie, dans un cas légal, ont résolu affirmativement cette question, et Barruel négativement. S'il est vrai que, dans la majorité des cas, ce poison se trouve à l'état solide, et cela en rai son de son peu de solubilité et de ce qu'il est presque toujour donné en poudre grossière, il n'en est pas moins vrai aussi. que, pris en petite quantité et en poudre fine, il pourri se dissoudre dans les liquides donnés en boisson, surtout si l'autopsie a été assez longtemps différée; dans ce dernier cas même, il pourra être transformé en arsenite d'ammoniaque soluble par l'ammoniaque résultant de la putréfaction. En effet, dans quelques expertises légales on n'a pas trouvé de l'acide arsénieux solide dans le tube intestinal, et on l'y a démontré au contraire, par le procédé ordinaire, ou par l'appareil de Marsh. Cette question ne peut donc être résolue d'une manière absolue.

2o Peut-on trouver de l'arsenic dans le foie, la rate,

les urines, etc., et ne pas en trouver dans le tube intestinal? Cette question, dans l'état actuel de la science, ne peut être résolue qu'à priori. L'acide arsénieux dissous ou passé à l'état d'arsenite d'ammoniaque peut bien être expulsé par les gaz de la putréfaction, ce qui cependant doit être excessivement rare et peu admissible; car, il est plus raisonnable d'admettre qu'il peut l'être par les selles ou les vomissements prolongés ou répétés. Mais en ce cas encore, les parois intestinales en retiendraient une certaine quantité. Il est des cas dans lesquels les premiers experts n'ont pas obtenu de l'arsenic des organes gastriques, tandis que des contre-experts en ont retiré des autres organes; mais, pour que ces expériences fussent comparatives, il aurait été important qu'elles eussent été faites par les mêmes experts, par les mêmes procédés. A la rigueur, on pourrait bien admettre que le foie, qui renferme environ 20 fois plus d'arsenic que les autres viscères, pourrait fournir ce poison, tandis que le tube intestinal n'en donnerait point. Nous doutons cependant qu'il en soit ainsi, en opérant sur une quantité égale de matière, en raison de la délicatesse de l'appareil de Marsh.

3o L'acide arsénieux peut-il être transformé en sulfure d'arsenic, dans le tube intestinal ou au contact des matières organiques? Oui, il existe un assez bon nombre d'observations quidémontrent ce fait!. Traill, Christison, Orfila, etc., ont trouvé les fragments d'acide arsénieux colorés en jaune ou transformés en sulfure jaune d'arsenic par l'hydrogène sulfuré développé spontanément ou administré comme contre-poison. A la vérité, la transformation est rarement complète et n'est souvent que superficielle. Dans quelques cas assez rares, le sulfure, résultant de la décomposition de l'acide arsénieux dissous forme une couche jaunâtre à la surface de la muqueuse gastro-intestinale (Traill, Rigal).

40 Peut-on rencontrer dans le tube intestinal d'une personne non intoxiquée, des granulations blanchâtres qui puissent faire croire à un empoisonnement arsenical? Oui. Cette question est d'autant plus importante, que, dans les cas

où elle a été posée, il y avait eu pendant la vie des symptômes d'irritation gastro-intestinale, et qu'après la mort, l'inflammation de la muqueuse coïncidait avec ces granulations. Buchner cite deux cas de ce genre. Christison, dans les recherches toxicologiques, n'a été convaincu que ces corps blanchâtres n'étaient point de l'arsenic que par l'analyse. Dans deux cas d'expertise légale en France, la muqueuse gastro-duodenale, et inême l'œsophagienne, étaient plus ou moins enflammées et tapissées de petits corps blancs ou blanc-jaunâtres, adhérents ou libres, arrondis ou anguleux. Ils étaient onctueux au toucher, s'écrasaient facilement et graissaient le papier, donnaient une odeur empyreumatique et laissaient un résidu charbonneux sur un corps chaud. Incomplétement solubles dans l'eau, ils communiquaient une teinte laiteuse à ce liquide, qui, ne précipitait, ni ne se colorait pas en jaune par le gaz sulfhydrique. Insolubles dans l'alcool, ils se dissolvaient à chaud dans l'acide azotique et le coloraient en jaune, couleur qui passait au jaune orangé par l'addition de la potasse. D'après Barruel et Vauquelin, à qui nous devons ces analyses, ces globules sont composés de graisse et d'une matière animale. M. Billiard a rencontré aussi de semblables granulations sur deux femmes, l'une morte de gastro-colite chronique,et l'autre de phthisie pulmonaire. Dans ce dernier cas, les intestins offraient de nombreuses ulcérations.

50 L'arsenic accélère-t il ou retarde-t-il la putréfaction des cadavres? Les anciens admettaient que le cadavre des personnes empoisonnées se putréfiait plus promptement, et, pour reconnaître et constater le crime, ils exposaient le corps sur les places publiques. Telle était aussi l'opinion de Gmelin pour les poisons minéraux. Jonsthone et Plattner, d'après les observations chez l'homme, et Lechmann, d'après les expériences sur les animaux, pensaient aussi que l'arsenic accélère la putréfaction. Une opinion toute contraire, fondée aussi d'après les observations sur l'homme et les expériences sur les animaux, a été soutenue par des médecins allemands, et, au commencement de ce siècle, par quelques médecins anglais. Les

toxicologistes français pensent généralement que l'arsenic n'a aucune influence sur le développement de la putréfaction. Dans les diverses expériences qui ont été faites pour résoudre cette question, ou bien le cadavre s'est putréfié comme à l'ordinaire, ou bien il s'est conservé pendant assez longtemps, mais alors il était saponifié ou momifié. Ces deux genres d'altérations n'appartenaient pas à l'acide arsénieux, mais dépendaient plutôt des circonstances extérieures, à moins qu'on n'admette que l'arseic facilite ces transformations. Cependant, on ne peut contester que, dans beaucoup de cas, et surtout lorsque le tube intestinal renfermait encore du poison en nature, la conservation de cet organe n'ait été si complète,qu'après un temps assez long, 5, 6, 14 mois d'inhumation, il conservait non-seulement sa texture, mais encore,il était possible de constater les altérations pathologiques. On sait en effet que, de l'acide arsénieux, déposé dans un estomac, en retarde la décomposition. L'acide arsénieux ne paraît donc avoir aucune influence sur la marche de la putréfaction du cadavre; mais, si la mort est prompte, si l'inflammation du tube intestinal n'a pas eu le temps de se développer, d'arriver à sa dernière période, si enfin le poison n'a pas été complétement expulsé, nul doute qu'il ne retarde la décomposition de cet organe; dans le cas contraire, la putréfaction en serait plus prompte.

Expériences sur les animaux. Dès le seizième siècle, des expériences ont été tentées sur les animaux et même sur les criminels, dans le but de connaître les effets de l'acide arsénieux et ses contre-poisons. Depuis, elles ont été faites avec plus de suite, non seulement pour apprécier l'effet de ce poison sur les diverses classes d'êtres, mais encore, et surtout dans ces derniers temps, sous le point de vue de toxicologielégale et d'hygiène publique. D'après Jæger, l'acide arsénieux serait poison pour tout être organisé, pour les plantes comme pour les animaux; ceux-ci résisteraient d'autant plus qu'ils seraient plus élevés dans l'échelle organique. Dans les plantes et les animaux des classes inférieures, les parties perdent la vie au fur et à mesure qu'elles sont atteintes par le

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