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ment expulsées du tube intestinal malgré les selles, les vomissements prolongés.

Les empoisonnements par les sulfures d'arsenic ne sont pas très-fréquents. Dans les Acta Germanica, il est question d'une femme qui succomba en quelques heures par du réalgar artificiel que la domestique avait introduit dans de la soupe aux choux. Valentin cite un cas semblable avec de l'orpiment. Gerber rapporte que presque tous les membres d'une famille furent intoxiqués par ce poison. Tous éprouvèrent un sentiment d'ardeur, d'érosion, des vomissements, des déjections et quelques-uns rendirent du sang par la bouche. Forestus parle d'une marchande de poissons qui, ayant pris S grammes (2 gros) d'orpiment dans du vin blanc, fut guérie par l'administration de l'huile et de la thériaque. Ardoyn a observé aussi l'intoxication par l'orpiment; et M. Lepelletier du Mans a fait l'autopsie légale de deux personnes qui avaient succombé à l'empoisonnement par le sulfure jaune d'arsenic.

G. Empoisonnement par l'arsenite de cuivre (voyez cuivre)

Rapports sur l'empoisonnement arsenical.

Le médecin expert, est bien plus souvent appelé à faire des rapports sur l'empoisonnement arsenical que sur les autres. poisons pris dans leur ensemble. Cependant, dans beaucoup de cas, il n'a pas seulement à constater si l'intoxication est due à l'arsenic, mais par quel poison la mort a été produite. Ainsi posée, la question n'est pas facile à résoudre, car elle suppose la connaissance de tous les poisons et des manipulations à l'aide desquelles on peut les isoler des matières suspectes. Les personnes peu expérimentées éludent assez souvent cette question complexe, et dirigent plutôt leurs recherches dans le but seulement de démontrer la présence de l'arsenic. Comme elle est très-importante, nous nous réservons de la traiter dans l'empoisonnement en général, et, dans cet article, il sera seulement question des rapports sur l'empoisonnement arsenical. Afin d'abréger, nous donnerons un rapport modèle, offrant à la fois

les commémoratifs, les altérations pathologiques et les recherches chimiques, et nous exposerons ensuite brièvement les principales circonstances où l'on peut être appelé à rapporter sur l'arsenic.

AFFAIRE ESCUDIE. Nous soussignés, Joseph-Jean-Antoine Rigal, François-Thomas, médecins; Zéphirin Caussé et Jean-François Estruc, pharmaciens, tous quatre domiciliés à Gaillac, agissant en vertu des réquisitions successives de M. le juge d'instruction près le tribunal civil séant à Gaillac (Tarn), à l'effet de procéder à l'autopsie de Pétronille Delanis, veuve Escudié, décédée à Beauvais, le premier mai 1839, et de constater, par tous les moyens que l'art possède, les causes de

sa mort.

Après avoir prêté serment de remplir le mandat qui nous est confié en honneur et conscience, ainsi qu'il résulte des procès-verbaux du magistrat précité, sous les dates du 12 et 15 mai 1839, rapportons. Commémoratifs. La veuve Escudié éprouvait parfois de légères indispositions; mais, depuis quelque temps, sa santé raffermie, lui permettait de se livrer journellement au travail des champs. Le 30 avril 1839, vers les dix heures du matin, elle rentra dans la maison qu'elle habitait avec son gendre et sa fille, mangea une portion de soupe réservée pour son repas, et, bientôt après, repartit pour aller sarcler du blé. On la vit s'arrêter et vomir. Elle quitta les champs. Une de ses amies, frappée du renversement des traits de son visage, lui ́en demanda la cause. Je souffre, dit-elle, depuis que j'ai mangé la soupe; je l'ai rendue; je n'ai rien dans les boyaux; jamais je ne fus aussi malade. Arrivée à son domicile, elle passa la journée sans aucupe espèce de secours. Vers onze heures du soir, elle fit appeler une voisine par sa fille. Elle vomissait, allait par les selles et se plaignait de douleurs atroces dans l'estomac, repétant sans cesse : J'ai là quelque chose qui me brûle; je suis perdue. On lui administra de l'eau chaude sans la soulager. Son agitation devint extrême. Sa fille, ayant été prise des douleurs de l'enfantement, les personnes qui partageaient leurs soins entre les deux malades, trouvèrent plusieurs fois la veuve Escudié, tombée de son lit, au milieu de contorsions. Le mercredi 1er mai, elle eut une première syncope dans la matinée, cessa dès lors de vomir sans cesser de se plaindre du feu à l'estomac, et mourut dans une prostration profonde, vers neuf heures du soir, trente-cinq ou trente-six heures après son dernier repas.

Autopsie.-Le 12 mai, à neuf heures du matin, MM. Rigal et Thomas, nous sommes transportés sur le cimetière de Beauvais, et, après que l'identité de la fosse et du cadavre eut été constatée aux formes du droit, par M. le juge d'instruction, avons procédé à l'autopsie, en présence de ce magistrat, de M. le procureur du roi, du juge de paix du canton de Salvagnac, et du maire de la commune de Beauvais.

Le cadavre, dépouillé de son linceul, est celui d'une femme âgée, mais d'un embonpoint remarquable. On lui donne 74 ans. La tête entière est déformée par le développement des gaz produits de la putréfaction. La face offre de nombreuses plaques violacées, sur lesquelles l'épiderme se laisse enlever au moindre contact. Le cou, excessivement tuméfié, présente des lésions semblables, dont la plus forte couvre la partie antérieure au-dessus du larynx; le trajet du sternum et l'enceinte abdominale se dessinent par une teinte bleuâtre générale, parsemée de larges taches plus foncées. Sur cette espèce de corset, qui, à la partie inférieure, est régulièrement délimité par la crête des os des îles, les deux mamelles se détachent par une couleur rose-sablée de points rouges plus vifs, d'apparence miliaire ou pétéchiale. Ces points existent, mais plus clair-semés, sur les bras et les avant-bras. On en voit aussi des traces sur le tronc et l'abdomen. Au-dessous du pli de l'aine, les cuisses reproduisent, surtout à leur partie interne, la couleur rose des mamelles et les points rouges déjà signalés. Ceux-ci sont d'autant plus rares, d'autant moins apparents qu'on examine les extrémités pelviennes plus près des pieds. La tête et le cou, comparés au tronc et surtout aux membres, sont dans un état de putréfaction relativement fort avancée.

Les commissures des lèvres étant fendues par une incision prolongée jusque dans la fosse glenoïde des temporaux, l'os maxillaire inférieur désarticulé, et les parois antérieures du thorax et de l'abdomen enlevés, la muqueuse de la bouche offrait à l'intérieur des lèvres, de l'inférieure surtout, ainsi que sur la langue et le voile du palais, des traces évidentes d'inflammation, qui. était fortement tranchée sur le pharynx et l'épiglotte, et se perdait insensiblement à l'intérieur de l'œsophage. Les poumons, surtout le droit, sont fixés par des adhérences nombreuses et anciennes à la plèvre costale; leur parenchyme, gorgé de sang à leur partie postérieure, est d'une teinte violacée. Au sommet du lobe droit, existent quelques grappes tuberculeuses à l'état cru. Le péricarde et le cœur ne présentent rien de remarquable. Le sang, en

petite quantité dans le ventricule, est noir, diffluent, qualité qu'il peut emprunter, en partie du moins; à la putréfaction. Le tube digestif semble insufflé; vide de matières apparentes dans le gros comme dans le petit intestin, il présente, à l'extérieur, une teinte rouge tendre, uniformément répandue, sauf quelques taches d'un rouge obscur, qui, apparaissent sur l'estomac, vers sa grande courbure et sur le duodénum. Le foie, la rate, les reins, le pancréas, la vessie, la matrice sont dans leur état normal. La masse intestinale a été enlevée après que deux ligatures ont été placées, l'une vers le tiers inférieur de l'œsophage, l'autre à l'extrémité du rectum. L'estomac ouvert avec précaution le long de la petite courbure, sa muqueuse gastrique est rou geâtre, ramollie et en quelque sorte diffluente sur toute sa surface. Dans le grand cul-de-sac et vers l'ouverture pylorique, existent plusieurs ecchymoses sous-muqueuses; mais, ce qui attire spécialement l'attention, c'est de voir ce viscère parsemé de quelques points blancs, opaques, et de plaques assez larges d'un beau jaune ocracé. La substance qui imprime cette couleur aux tissus, s'en détache difficilement, même quand on les racle avec le scalpel; elle résiste à la pression, est lamelleuse, et se trouve manifestement feutrée avec les parois de l'organe, qui, aux limites de cette lésion spéciale, est coupé à pic sur toute l'épaisseur de la tunique villeuse. Cet organe contient deux fragments de pommes de terre, égaux en grosseur à un haricot blanc. Le duodénum offre, à l'intérieur, deux légères ecchymoses sous-muqueuses. Le tube digestif n'a pas été ouvert dans toute sa longueur. Le cerveau est fort avancé en putréfaction, sans la moindre trace de collection sanguine. A l'aide d'une cuillère d'étain, nous avons raclé la surface interne de l'estomac et du duodénum, et le produit a été recueilli dans un verre. Une petite portion de cette matière, jetée sur des charbons ardents, parut répandre une odeur alliacée.

En conséquence, et des présomptions d'empoisonnement par l'acide arsénieux, découlant des faits énumérés, privés des moyens propres à éclaircir les doutes, et voulant faciliter des expériences ultérieures, nous avons enfermé:

1o Dans un grand bocal de verre noir no 1, les organes contenus dans la cavité de la poitrine; de plus, le foie, la rate, les reins, et enfin, les liquides recueillis dans le thorax et le bassin, après l'enlèvement des viscères.

2o Dans un bocal de verre no 2, l'estomac, les intestins et le mésentère, coupés par morceaux.

3o Dans une fiole de verre blanc no 3, les liquides et les autres matières constituant les raclures de l'estomac et du duodénum.

Dans chacun de ces vases fut ajoutée une certaine quantité d'alcool, afin d'empêcher ou de retarder la décomposition putride des matières.

4o Dans un tonneau défoncé et renfoncé à l'instant même, ont été placés les membres et le tronc de la veuve Escudié, divisé par une coupe transversale, entre la troisième et la quatrième vertèbre lombaire. Ce tonneau fut coté n° 4.

Ces pièces furent remises à M. le juge d'instruction qui les scella ne varietur; et, dans leur rapport sommaire, inséré au procès-verbal de ce magistrat, sous la date du 12 mai 1839, MM. Thomas et Rigal se sont réservés le soin de relater plus tard en détail, les observations premières, et ce que des expériences ultérieures leur auraient appris. Deuxième expertise. — Le 15 mai 1839, nous, MM. Rigal et Thomas, MM. Causse et Estruc pharmaciens qui nous furent adjoints, procédâmes, tous les quatre réunis, dans l'amphithéâtre de l'hôpital Saint-André de Gaillac, à l'analyse des pièces ci-dessus indiquées, lesquelles nous ont été remises par M. le juge-d'instruction, après avoir constaté l'intégrité des scellés et prêté le serment d'usage.

A. Raclures de l'estomac et du duodénum contenues dans le bo · cal no 3. Ces matières, dont le dépôt pouvait être évalué à 30 gram. environ, sont délayées dans un peu d'eau distillée et jetées sur un filtre. Il est resté au fond du vase une quantité notable de points blancs et de petites plaques jaunes, déjà signalés par MM. Rigal et Thomas à l'autopsie. Ces points blancs et jaunes, soumis à l'ébullition dans de l'eau distillée, ont fourni une liqueur qui, séparée d'un léger grumean floconneux, à l'aide d'une pipette, a donné, 1o par l'acide sulphydrique et quelques gouttes d'acide chlorhydrique, un précipité d'un beau jaune, immédiatement soluble dans 2 ou 3 gouttes d'ammoniaque; 2° par le nitrate d'argent ammoniacal, un précipité jaune floconneux qui, s'est formé instantanément; 3° par le sulfate de cuivre ammoniacal, un précipité vert; 4o par l'eau de chaux, un précipité blanc; 5o le restant de la liqueur, introduit dans l'appareil de Marsh préalablement essayé, a donné, au bout de quelques secondes, des taches arsenicales nombreuses, d'un brun fauve, miroitantes, volatiles à Ja flamme du gaz hydrogène, solubles à froid dans l'acide azotique. Le soluté, évaporé à siccité, a laissé un résidu qui, traité par une goutte de soluté de nitrate d'argent neutre, est passé au rouge-brique puis au rouge-clair par l'addition d'une goutte d'ammoniaque.

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